Tunisie : Béji Caïd Essebsi aurait "le magistère et non le pouvoir"

Publié le Jeudi 05 Mars 2015 à 17:46
Béji Caïd Essebsi Petit flash back. A la veille du démarrage de la campagne présidentielle, Béji Caïd Essebsi déclarait, dans une interview à Nesma, que "le président n’a pas le pouvoir, mais a le magistère", citant l’exemple allemand. Le chef de l’Etat incarne, a ses yeux, une autorité morale. Il prodigue des conseils, sans intervenir dans la gestion des affaires au quotidien.

Un peu plus de deux mois après son investiture, le 31 décembre dernier, Béji Caïd Essebsi se montre fidèle à sa conception initiale de la fonction présidentielle. Ses apparitions publiques sont rarissimes, et ses activités peu fréquentes.

Son intervention surprise, hier mercredi 04 mars, à la radio nationale, où il s’est exprimé pour la première fois sur la situation à Jendouba, est intervenue après qu’un député de la région l’a interpellé sur une radio locale (Mosaïque), regrettant qu’il n’ait pas réagi face à la catastrophe. Le locataire de Carthage aurait ainsi jugé que c’était le bon moment de parler et calmer une population en colère afin que les choses ne dégénèrent pas.  

Indépendamment de cette sortie médiatique, pourquoi adopte-t-il une telle posture discrète, alors qu’il est de facto, l’homme le plus fort du pays, a fortiori qu’il se prévaut de la légitimité des urnes, ayant été élu au suffrage universel direct.

Plusieurs facteurs l’expliquent. Tout d’abord, Béji Caïd Essebsi qui ne cesse de réitérer ses engagements à respecter les dispositions de la constitution, veut prouver qu’il s’en tient à l’esprit et à la lettre de la loi fondamentale. Celle-ci prévoit un régime mixte, s’apparentant au régime parlementaire, où l’épicentre du pouvoir est au parlement, et le réel chef de l’exécutif est le chef du gouvernement, qui est issu de la majorité parlementaire. La réalité est néanmoins toute autre, et s’illustre à travers trois aspects.

Le premier est qu’il n’y pas de majorité absolue qui se dégage au parlement, chose qui a incité les deux principales forces de l’Assemblée à sceller une alliance, et à former, aux côtés d’autres groupes, une large assise parlementaire au gouvernement.

Le deuxième est que Habib Essid est un indépendant, sans appartenance partisane connue, choisi par le parti de la majorité pour occuper la kasbah.

Et le troisième est que Béji Caïd Essebsi a été élu à 55,68% des voix en tant que président de la république, et ceux qui l’ont élus veulent le voir à l’œuvre, peu importe ce que dit la constitution, qui limite principalement ses prérogatives dans la politique sécuritaire et les affaires étrangères.

BCE est certainement au fait de tous ces facteurs, comme il a à l’esprit les soupçons et les accusations dont il a fait l’objet avant et après son accession à la plus haute fonction de l’Etat, de propension hégémonique, de transfert du pouvoir de la Kasbah à Carthage, voire de  concentration de tous les pouvoirs.

Son attitude en ce début de mandat est d’agir beaucoup plus dans l’ombre que sous les feux de la rampe, tout en essayant de garder un certain équilibre. D’un côté ne pas se mettre beaucoup à  l’avant, pour ne pas être accusé d’hyper-président, et pour se préserver des résultats d’éventuelles déconvenues, en laissant Habib Essid et son gouvernement face à leurs responsabilités, et de l’autre ne pas trop s’éclipser de la scène pour ne pas décevoir son électorat.

Reste qu’au regard de la situation difficile du pays, et des crises multidimensionnelles auxquelles il est confronté, le chef de l’Etat sera amené, de gré ou de force, à sortir souvent de son silence. Et là son rôle sera de rassurer, d’apaiser et de redonner de l’espoir aux gens…au stade où en sont les choses, ce n’est pas gagné d’avance.
H.J.


 

Commentaires 

 
+3 #1 RE: Tunisie : Béji Caïd Essebsi aurait "le magistère et non le pouvoir"
Ecrit par Royaliste     05-03-2015 22:31
ceci montre le non sens de ce concept de pouvoir bicéphale.
 
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