Tunisie/Crise politique : Les dangers de la radicalisation des deux camps

Publié le Vendredi 27 Septembre 2013 à 17:18
Manifestation jeudi à Sfax à l'appel de l'UGTT. Des manifestations ont eu lieu hier dans plusieurs régions de la Tunisie, à l’appel de l’UGTT et du Front de salut national, appelant à l’application de la feuille de route du quartette et à la démission du gouvernement. La mobilisation populaire va toucher d’autres régions du pays et sera couronnée dans les tous prochains jours par un rassemblement national, comme l’a annoncé la centrale syndicale soutenue par le quartette et les composantes du front national.

Ce mouvement contestataire intervient, à l’heure où l’on s’attendait à ce que les différentes parties s’assoient autour de la table des négociations, pour parvenir à une solution consensuelle à la crise, qui remonte à plus de deux mois, depuis le 25 juillet, date de l’assassinat du martyr Mohamed Brahmi. Cette crise politique, la plus aigue depuis l’amorce de la deuxième période transitoire postélectorale, aura passée grosso modo par trois étapes.

La première en a vu l’éclatement virulent, avec l’appel de l’opposition de stopper net le processus transitoire, décrétant la mort de l’ANC et réclamant la démission du gouvernement, afin de leur substituer un comité d’experts pour le parachèvement des missions constitutives, et un cabinet de compétences apolitiques. Un appel réfuté par la troïka, spécifiquement d’Ennahdha, attaché mordicus à la préservation de l’ANC comme source de la légitimité, garante du parachèvement de la transition démocratique.  

La deuxième étape est l’entrée en scène des organisations de la société civile, avec un foisonnement d’initiatives qui se proposaient de rapprocher les points de vue et de concilier des positions profondément inconciliables. De toutes les initiatives, c’est celle de l’UGTT qui a été retenue, adoptée par la suite par les trois autres grandes organisations, UTICA, LTDH et conseil de l’ordre des avocats. Le quartette parrain du dialogue a ainsi mené d’interminables pourparlers politiques indirects, dont l’échec annoncé samedi 21 septembre, a été imputé à Ennahdha pour avoir refusé d’entériner, sans réserves, la feuille de route.

La troisième et actuelle phase est la mobilisation populaire décidée par l’UGTT et soutenue par l’opposition et le quartette, en vue de faire pression sur la troïka et Ennahdha de cautionner la feuille de route dans son intégralité, et d’en accepter l’application littérale. La rue est ainsi appelée à la rescousse pour trancher un différend, que les rivaux politiques et les grandes organisations de la société civile ont été incapables de solutionner.

Les manifestations populaires restent un moyen d’expression démocratique indéniable. Dans le cas d’espèce, les rassemblements, dont les organisateurs insistent sur le caractère pacifique, et sur le fait qu’ils sont organisés en dehors des horaires du travail,  ne feront que prolonger cette impasse, à l’heure où les appels fusent de partout pour y mettre un terme illico presto, vu ses répercussions sur une économie éreintée par tant de pressions et sur une situation sécuritaire émaillée de risques.

La BCT a exprimé hier jeudi 26 septembre, pour la paraphraser, "sa profonde préoccupation quant à l’exacerbation des tensions  politiques", et "le climat d’incertitude et de manque de visibilité" qui en a découlé  ayant entravé la relance économique, prônant une sortie de crise rapide "pour relever le défi crucial du développement économique lors de la période restante de la phase transitoire".

Le gouverneur de la banque des banques a lui-même lancé le 19 septembre dernier dans une interview à asharq al-awsat une mise en garde, selon laquelle la Tunisie s’acheminerait vers "une situation catastrophique" à la fin de l’année.

Le gouvernement lui décrète l’austérité, face à l’explosion des dépenses publiques, laisse présager une hausse des impôts et annonce un gel des salaires pour 2014, étant donné que le budget de l’Etat ne le permet plus. C’est tout dire sur la gravité la situation, qui ne peut se décanter-on ne le répétera jamais assez- qu’à travers le règlement de la crise politique, l’apaisement et l’unité.

Hélas, à l’heure qu’il est, les signes ne sont aucunement rassurants. Ennahdha jure que le gouvernement actuel ne partira que si les missions constitutives sont bouclées, la constitution adoptée, et une date claire des élections arrêtée. La partie adverse dit sa ferme détermination de ne renoncer à son militantisme populaire que lorsque la sa feuille de route  est mise à exécution dans son alpha et oméga. C’est la quadrature du cercle, et on a du mal à entrevoir l’issue de cet embrouillamini qui ne cesse de précipiter le pays dans une marche à reculons.

A fortiori que les sonnettes d’alarme tirées ici et là, n’ont pas l’air d’alerter les politiques et de leur faire entendre raison. A contrario, ils ont l’air de se radicaliser et de se défier mutuellement. Ce bras de fer conduira inéluctablement la bataille dans la rue, avec toutes les dérives que cela comporte. Le scénario égyptien que l’on redoute tant pourrait se traduire sous une déclinaison tunisienne. L’histoire sera impitoyable avec ceux qui n’ont pas su préserver le dépôt que leur a confié le peuple.
H.J.


 

Commentaires 

 
#2 Révolution de merde!
Ecrit par Bouzidien     28-09-2013 08:33
Le jour où le peuple saura par quelles puissances il a été utilisé pour mettre fin à sa prospérité et à l'avancement fulgurant sous l'ère Ben Ali, il se réveillera de son rêve révolutionnaire avec la gueule de bois!
Les plus vils de ce peuple ont été aussi utilisés, et à leur propre insu, pour parfaire le plan sioniste.
Tunisien réveillez-vous! Et récupérez votre pays, quitte à remettre l'ancienne machine en place.
Arrêtez votre régionalisme, sinon il se retournera contre vous. Ceux à qui vous en voulez aujourd'hui seront les héros de demain lorsque le pays sera à plat (car tout le monde aura la nostalgie de leur temps). Ce jour-là (si l'on y est pas déjà) vous n'aurez pas l'air cons!
Ce qui est arrivé à la Tunisie par son propre peuple est exactement l'histoire du monsieur à qui un voyou armé essaie lui de vendre quelque chose en présence de sa femme. Lui se rend compte du danger de la situation mais pas sa femme qui ne connait pas bien les voyous.
Il fait de la résistance pour refuser l'objet, et bien sûr, son plus grand problème est sa femme qui revient à la charge car elle veut absolument acquérir l'objet et lui trouve toutes les vertus. Il ne peut pas lui dire en présence du monsieur que c'est un voyou armé. Il achète l'objet et la conne ne se rend compte de l'arnaque qu'une fois le mal fait.
L'homme c'est Ben Ali, sa femme c'est le peuple, le voyou armé c'est les puissances étrangères favorables à la révolution.
 
 
#1 RE: Tunisie/Crise politique : Les dangers de la radicalisation des deux camps
Ecrit par Montygolikelyty     27-09-2013 18:51
"L’histoire sera impitoyable avec ceux qui n’ont pas su préserver le dépôt que leur a confié le peuple".
Vous avez raison, autant se débarasser de tous ces guignols qui ne s'occupent que de leur image et de leur portefeuille le plus vite possible...
 
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