Tunisie/ Mode de scrutin : Le sens d’une réforme à l’aune du schisme idéologique !

Publié le Mercredi 21 Mars 2018 à 16:25
La nouvelle réforme prévoit de réduire l'effectif des députés, au nombre de 217. Béji Caïd Essebsi a appuyé l’appel lancé par des universitaires pour la révision de la loi électorale. Un comité restreint d’experts devra travailler sur le nouveau texte, au sein de la commission d’actualisation du document de Carthage, comme l’a suggéré le chef de l’Etat dans son discours du 20 Mars, se voulant pragmatique, à une année et quelques mois de la présidentielle et législatives de 2019.

La substance de l’amendement proposé est de substituer au scrutin de liste à la proportionnelle, un scrutin uninominal, majoritaire à deux tours.

La loi électorale actuelle repose sur le scrutin de liste à la proportionnelle, c'est-à-dire que les  sièges de l’Assemblée sont répartis entre les listes, proportionnellement au nombre de voix obtenues, dans les 33 circonscriptions électorales de Tunisie et de l’étranger. Dans le scrutin uninominal majoritaire, un seul candidat est élu, et le territoire est divisé en autant de circonscriptions que les sièges à pourvoir, ce qui requerra un nouveau découpage électoral, où les grandes circonscriptions laisseront la place à de petites circonscriptions. Un tel mode de scrutin favorise alliances et report de voix au second tour, à même de profiter au candidat en ballottage favorable.

La réforme préconisée comprendrait plusieurs autres aspects comme la réduction du nombre de sièges de l’Assemblée, et probablement l’inversion du calendrier électoral, en commençant par la présidentielle puis les législatives, etc.

La nouvelle révision électorale, si elle venait à se concrétiser, permettrait de dégager une majorité nette à même de gouverner et d’avoir les coudées franches d’appliquer son programme. Elle devra mettre un terme à l’effritement des voix, qui donne lieu à une assemblée morcelée ou aucun parti ne détient la majorité absolue, rendant nécessaire le recours à des coalitions gouvernementales. Un système qui n’a pas bien fonctionné, et qui est en partie à l’origine de l’instabilité ayant été souvent source de blocages et ayant fait que le pays connaisse sept chefs de gouvernement en six ans. L’amendement en devenir marquera-t-il aussi une rupture avec la politique de consensus, laquelle n’aura plus lieu d’être, puisqu’on sera face à une majorité qui gouverne et une opposition qui s’oppose.

Nidaa au pouvoir, Ennahdha dans l'opposition, ou vice versa !
Dans le cas d’espèce, on pourra imaginer un quinquennat 2019 – 2024 où Nidaa sera au pouvoir, et Ennahdha dans l’opposition, ou inversement ; si l’on admet que les deux mouvements de la majorité actuelle, demeureraient les deux plus grandes forces du pays, et si de nouvelles entités politiques n’émergent et ne font leur ascension pour chambouler l’actuelle donne politique, comme c’était la cas avec Emmanuel Macron en France qui a réussi avec son mouvement La République en Marche de rafler la mise à la présidentielle et aux législatives, de laminer le parti socialiste, et d’affaiblir les républicains (la droite).

La modification du mode de scrutin est certes salutaire, dans la mesure où elle permettra de simplifier les choses, d’éviter les blocages postélectoraux, et de permettre à une Assemblée avec une vraie majorité, une opposition majoritaire et une autre minoritaire, et un effectif réduit, de mieux fonctionner. Ainsi le chef du gouvernement sera issu de cette majorité, et si d’aventure, le président et la majorité parlementaire sont de la même couleur politique, cela permettrait un fonctionnement plus facile des rouages de l’Etat, et évitera des scénarios de cohabitation et de coalition, d’habitude difficiles et source de crises récurrentes. 

Pour que tout cela aboutisse, une fois cette révision électorale aura pris effet, il faut que le débat politique soit recentré sur les sujets de fond, et se libère de cette prison idéologique dans laquelle il s’est enfermé tout au long de ces sept ans, chose dont le pays a beaucoup pâti.

Le régime politique et le mode de scrutin pourraient être, en grande partie, à l’origine de l’instabilité politique, mais ce n’est pas que, cette propension qu’on a à ramener toute initiative, et toute réforme sur le terrain idéologique, de l’aborder à l’aune d’un supposé schisme sociétal, et de se servir toujours du même alibi… empêchent toute avancée, et faussent le débat. Rien n’indique qu’avec un nouveau mode de scrutin, on arrivera à mettre un terme à ces tiraillements pour focaliser toute l’attention sur les difficultés du pays qui deviennent insolubles avec le temps.
Gnet