Tunisie/ BCE et Essid : Dialogue et rupture : A chacun son rôle !

Publié le Mercredi 17 Juin 2015 à 17:47
Béji Caïd Essebsi et Habib Essid. Béji Caïd Essebsi s’apprête à annoncer une initiative pour rassembler les protagonistes de la scène politique et de la société civile autour de la table du dialogue. Des initiatives analogues, on en a vu plusieurs depuis la révolution, certaines ont réussi et ont épargné le pays du spectre de la guerre civile, d’autres ont été étouffées dans l’œuf, à l’instar du dialogue économique, que le prédécesseur d’Habib Essid a tenté de mener autour des réformes structurelles.

Si les Tunisiens ont relativement réussi, là où d’autres pays dits du printemps arabe ont échoué, c’est qu’ils sont parvenus à substituer le langage des mots au langage des armes. Le caractère pacifique et civilisé de leur transition démocratique leur vaut des admirations planétaires.

La Tunisie est-elle pour autant au bout de ses peines ? Absolument pas, hélas, la situation ne cesse de se compliquer, notamment avec des défis économiques et sécuritaires grandissants, sur fond d’un climat social délétère, où les attitudes conflictuelles prennent le pas sur les échanges apaisés.

Ces jours-ci, le torchon brûle entre UGTT, et la Kasbah. La première décide de porter les litiges devant les tribunaux et d’opter pour l’escalade en matière d’actions militantes. L’influente organisation syndicale ne décolère pas suite à la décision du ministère de l’Education de décider le passage au niveau supérieur pour l’ensemble des élèves du primaire de l’école publique. Elle sort tout autant de ses gonds face à la décision ferme de la présidence du gouvernement de procéder à des retenues sur salaires au titre des journées de grève des instituteurs, des agents de la santé, etc. Boycott de la prochaine année scolaire, poursuites contre le ministère de l’Education, assignation en justice de la présidence du gouvernement…la centrale syndicale entre dans une guerre ouverte avec le gouvernement, et ce n’est pas la réputation de têtes brûlées qu’ont ses caciques qui permettra de désamorcer la tension.

Un affrontement entre le gouvernement et l’UGTT n’est pas dans l’intérêt du pays, et ne fera qu’envenimer une situation générale, à l’équilibre extrêmement fragile. Il est vrai que les abus appellent sanctions, mais à en considérer les conséquences, le gouvernement devrait réfléchir par deux fois, avant d’entrer dans une logique de rupture avec la centrale syndicale.

A constater le paysage dans sa globalité, il semble qu’il y ait un partage des rôles savamment orchestré au plus haut sommet de l'Etat. A l’heure où Habib Essid affiche la fermeté, et est en délicatesse avec l’UGTT, Mohamed Ennaceur annonce une initiative imminente du chef de l’Etat en vue d’inciter les chefs des partis politiques, et les composantes de la société civile à "un dialogue constructif" avec le gouvernement. Objectif : parvenir au consensus autour d’une stratégie sur les réformes structurelles et les choix politiques à adopter pour surmonter l’étape actuelle et redonner espoir à l’opinion publique.

Le dialogue en perspective sera donc chapeauté par le gouvernement, qui a des exigences notamment envers les bailleurs de fonds, à l’instar de la banque mondiale et particulièrement du FMI, auquel il doit rendre des comptes le 31 décembre 2015 en matière d’avancement des réformes bancaires et budgétaires.  

Ce dialogue doit être fatalement mené et conclu cet été. Il doit impérativement donner lieu à une trêve sociale et à une réconciliation avec les syndicats. A défaut, la rentrée sera chaude et perturbée, et le gouvernement déjà en difficulté, risque de manquer de ressorts, pour pouvoir agir conformément à l’agenda qu’il s’est tracé.
H.J.