Tunisie, l’Etat doit s’affranchir de "la doctrine coloniale" |
Publié le Mardi 15 Novembre 2011 à 10:45 |
Depuis la révolution du 14 janvier, deux positions s’affrontent en Tunisie. La première est majoritaire et prône instamment que les symboles de l’ancien régime soient questionnés, jugés, et sanctionnés au cas où leur culpabilité est avérée, ce sera là, le préalable à toute réconciliation. Cela s’appelle, la justice transitionnelle que tout le monde appelle de ses vœux, mais qui tarde à se mettre en place. La deuxième est minoritaire, et met en avant la réconciliation, sans passer par la case questionnement. Cette question qui ne cesse d’alimenter la controverse a été débattue samedi dernier au cours de la conférence organisée par le centre d’études et de documentation Mohamed Chakroun en partenariat avec l’association suisse "Droit pour tous" sous l’intitulé : "De la dictature vers la démocratie". Abderraouf Ayadi, secrétaire général adjoint du Congrès pour la République (CPR) est de ceux qui considèrent que le questionnement et le jugement doivent-être placés en haut de l’échelle des priorités des politiques. "La révolution est une rébellion contre l’oppression", assène-t-il dans une intervention intitulé "le rôle de la justice dans la transition démocratique". "La première étape de la révolution est la chute de l’oppresseur. La deuxième est de trouver un mécanisme pour rendre justice, c’est incontournable si l’on veut parachever les différentes étapes de la révolution". "II y a une intention de la part des symboles de l’ancien régime, de juger les individus, Ben Ali et sa femme, et non le régime dans son ensemble", déplore-t-il, appelant à rendre justice aux familles des martyrs, aux blessés, ainsi qu’à la collectivité nationale qui a vu son argent spolié. "Le questionnement est un outil pour faire régner la justice, et doit-être inclus dans le programme de construction d’une alternative démocratique. Il est un instrument d’équité collective. Tout le monde a le droit de savoir, ce qui s’est passé. Dire la vérité au large public contribue à construire la conscience et la citoyenneté, et l’Etat sera ainsi fondé sur une conscience démocratique", fait-il valoir. Pour Abderraouf Ayadi, en Tunisie, "nous n’avions pas un Etat, mais une administration, mise en place en vertu de la convention de la Marsa de 1883, celle qui a institué la domination des indigènes, par le colon français. L’Etat a été réduit à une administration dépourvue de la notion de service public, qui œuvrait à perpétuer le pouvoir ; voire un instrument de despotisme, qui plus est, était régie par cette doctrine coloniale". Selon son analyse, les politiques n’ont pas évoqué l’affaire du questionnement et du jugement, sous prétexte que la justice n’est pas habilitée à le faire. Or, cette question doit-être placée en haut de l’échelle de leurs priorités afin d’empêcher le retour du régime despotique sous des airs nouveaux. "Les Tunisiens sont prêts à pardonner...mais" Pour Dr Amira Alaya Sghaier, du centre Mohamed Chakroun, le débat autour du questionnement et de la réconciliation n’est pas propre à la Tunisie. Cette problématique a été posée dans les pays européens après la deuxième guerre mondiale, les pays qui ont recouvré leur indépendance dans les années 50 et 60, les pays de l’Europe de l’Est après la chute du communisme ainsi qu’en Afrique du Sud. "La culture et les croyances religieuses du pays, ainsi que le nouvel équilibre des forces entre les nouveaux et les anciens dirigeants, déterminent la nature du questionnement et de la réconciliation", explique-t-il. "En Tunisie, il y a eu une révolution contre un régime qui remonte à 1956. Le régime a été décapité le 14 janvier 2011, mais ceux qui en ont été complices et ont profité du despotisme et de la corruption sont encore opérants", dit-il. "Les hommes de l’ancien régime qui appellent à la réconciliation depuis la chute du régime n’ont pas pris la mesure de l’ampleur du séisme qui a brisé le mur de la peur", relève-t-il en pointant du doigt nos dirigeants actuels. "Ceux qui nous dirigent maintenant, et les partis issus du RCD dissous ne reconnaissent pas la révolution, ne croient pas aux exigences de ceux qui se sont soulevés pour la dignité, et n’accordent pas d’importance au principe du questionnement". Pour cet historien, "les Tunisiens sont prêts à pardonner ceux qui se sont trompés, mais les fautifs doivent rendre des compte. Ceux qui ont volé doivent restituer l’argent spolié et demander pardon. C'est cela, la condition pour bâtir la démocratie sur des bases saines et solides". Avec cette démarche, "on aura immunisé la société contre le despotisme et la corruption, ce sera un voyant rouge pour les despotes et corrompus en puissance". "Les médias peuvent torpiller le processus transitoire" La transition démocratique ne sera parachevée que lorsqu’il n’y a plus de forces occultes qui tirent les ficelles. Elle exige une justice indépendante ; la suprématie de la loi, l’égalité, le respect des droits de l’Homme et des libertés publiques et privées, relève en substance Azzem Tamimi, président de la chaîne al-Hiwar, qui est intervenu sur "le rôle des médias dans la transition démocratique". C’est une utopie que de dire que les médias sont totalement impartiaux, estime-t-il. "Toute institution de presse a un propriétaire, une source de financement. Ceux qui détiennent les médias ont des intérêts", indique-t-il. "Lors de la période transitoire, certains médias vont essayer d’influencer la transition démocratique, d’une manière négative, car ce n’est pas dans leur intérêt que le peuple soit libre, et qu’il y ait changement. Le média est instrumentalisé, le cas échéant, pour torpiller le processus démocratique". Dans le monde des médias, il n’y a pas, toutefois, que des comploteurs, et de mauvaises graines. Les patriotes bienfaisants qui militent pour préserver l’intérêt du pays et son invulnérabilité existent également. "Les médias peuvent œuvrer à diffuser la conscience démocratique", dit Azzem Tamimi, à condition qu’ils soient intransigeants sur la vérité et l’exactitude de ce qu’ils publient. Le président de la chaîne al-Hiwar rend hommage à la chaîne d’informations qatarie. A ses yeux, "Ce changement n’aurait pas été possible, n’eût été la chaîne al-Jazzera". Il rappelle ses déboires avec le régime Ben Ali. Celui-ci a fait onze tentatives pour fermer la chaîne al-Hiwar, pour avoir invité des opposants tunisiens, à l’instar de Rached Ghannouchi, Moncef Marzouki ou d’autres. "Ben Ali avait recours aux organisations qui comptent des Européens et des Israéliens, et les incitait à nous assigner en justice pour avoir dépassé les lignes rouges pour ce qui concerne Israël. Mais, à chaque fois, la loi nous innocentait". Azzem Tamimi demeure optimiste quant au rôle que joueront les médias dans l’avenir, dans la mesure où ils contribueront à développer la complémentarité dans la région arabe. "Il faut que les pays arabes mettent fin à la dépendance, abolissent les frontières héritées de la colonisation et consacrées par les régimes dictatoriaux et construisent des Etats démocratiques", conclut-il. H.J. |
Commentaires
Ecrit par alfalfa 16-11-2011 17:31
Je veux que tout le monde sache ce qui se passe, qu'on nous prenne pas pour des cons, que l'on empèche que ça devienne pire, que l'on empèche que ça arrive a d'autres pays. Moi, je me bats de mon petit coin, et je me battrai d'un plus gros coin le moment venu. Toi, attends que le Bon Dieu te sauve.
Ecrit par hammadi 16-11-2011 14:43
Ecrit par scan 16-11-2011 09:40
Ecrit par betabeta 16-11-2011 08:47
Oui, on sait déjà tout ça. De même, on sait que c'est les vilains juifs qui dans leur fourberie manipulent les méchants américains stupides...
Mais devant tout ce monde là, sais-tu qu'il y a Dieu?
Alors plutôt que de crier au loup à chaque fois qu'il se passe quelque chose, vis ta vie dans l'honnêteté, la gratitude, la fraternité et la paix. Dieu te protègera alors contre toutes tes craintes et anéantira toute tentative de te nuire...
Ecrit par Ben Whirlpool 15-11-2011 23:02
Cessez donc ces complexes de colonisés, risquez-vous vraiment d'être sous l'emprise des américains ou des pétromonarques, davantage qu'un autre pays du monde ?
Votre pays est encore à construire, vous devriez à mon avis vous tourner vers l'avenir et la réconciliation, même si c'est difficile plutôt que de convoquer sans cesse les fantômes du passé...