Tunisie et coalition contre Daech : Ambiguïté sur le fond et la forme !

Publié le Vendredi 02 Octobre 2015 à 17:10
L’annonce faite mardi, 29 septembre à New York, par le chef du gouvernement, sur l’adhésion de la Tunisie à la coalition internationale contre Daech, ne semble pas avoir ému outre mesure la scène politique, ni dans le sens de l’approbation, ni dans celui de la désapprobation ; ni du côté des partis de la coalition au pouvoir, ni du côté de l’opposition.

Certains responsables politiques ne sont même pas sûrs que le locataire de la Kasbah ait vraiment fait une telle annonce à New York. Ils voient mal que le président d’un pays étranger, en l’occurrence, Barak Obama, évoque le ralliement de la Tunisie à la coalition internationale contre Daech (aux côtés de la Malaisie et du Nigéria), avant les autorités tunisiennes.

"On n’a pas entendu dans le discours prononcé par le chef du gouvernement, une déclaration sur le ralliement de la Tunisie à la coalition contre Daech, on ne sait pas sur quoi la dépêche de la TAP s’était-elle appuyée, est-ce sur la déclaration du président des Etats-Unis", s’est interrogé hier le leader du Front populaire, Ahmed Seddik, lors de l’émission  al Yawm al Thamen (J8) d’el Hiwar Ettounsi.

"Dans l’hypothèse où l’information est vraie, il s’agirait d’une question importante et sérieuse", a-t-il asséné, la qualifiant "d’une déclaration de guerre régie par la constitution, et qui doit être prise dans le cadre d’un consensus national, en se fiant à la volonté populaire, ne serait-ce que dans le cadre des commissions spéciales de l’Assemblée".

Ahmed Seddik  Samir Dilou

Pour Samir Dilou, présent sur le plateau, il n’est pas question "d’une déclaration de guerre, telle qu’elle est régie par l’article 77 de la constitution, nous sommes au niveau de l’annonce politique". Le député d’Ennahdha estime "embarrassant qu’un président d’un pays étranger fasse cette annonce, avant que nous l’annoncions nous-mêmes".

"Avant de faire une annonce pareille, il faut préparer non seulement les moyens de l’Etat,  mais les citoyens", a-t-il indiqué.  

Sinon sur l’opportunité d’un tel engagement, Dilou considère qu’on n’a pas le choix. "La Tunisie est en état de guerre contre le terrorisme, et Daech est la force la plus importante dans le dispositif terroriste".

En attendant que cette question cruciale soit clarifiée à l’opinion publique, et que l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) veuille bien s’en saisir, revenons sur le contexte de cette annonce.  

Le chef du gouvernement, Habib Essid, est intervenu le mardi 29 septembre à New York, devant "le sommet des dirigeants sur la lutte contre l’Etat islamique en Irak et en Syrie et l’extrémisme violent". C’est là où il a annoncé l’adhésion de la Tunisie à la coalition contre Daech.

"Etant conscients que le terrorisme est un phénomène régional, international et transfrontalier, qu’aucun pays ne peut s’en prémunir ou éradiquer à lui seul, nous annonçons aujourd’hui l’adhésion de la Tunisie à la coalition internationale contre Daech, étant le cadre adéquat pour l’action commune et l’engagement collectif pour la lutte contre l’extrémise violent", a-t-il affirmé, ajoutant : "Nous étudions actuellement les domaines de notre participation à cette coalition internationale, et nous œuvrons à contribuer avec force, dans la limite des moyens possibles, à certains de ces domaines".

Voilà un extrait de son discours en arabe publié le soir même, sur la page officielle de la présidence du gouvernement (relayé le lendemain par Gnet). Il aurait suffi à nos politiques de jeter un coup d’œil là-dessus pour ne pas se perdre en conjectures et tomber dans l'approximation :

ووعيًا منها بانّ الإرهاب ظاهرة اقليميّة ودوليّة عابرة للحدود ليس بوسع أيّ دولة التّوقّي منها أو القضاء عليها بمفردها، نُعلن اليوم انخراط تونس في التّحالف الدّولي ضدّ "داعش" باعتباره إطارا مُلائمًا للعمل المشترك والالتزام الجماعي بمكافحة التّطرّف العنيف. ونحن نَدرُس حاليا مجالات مشاركتنا في التّحالف الدّولي، وسنعمل على المساهمة بقوّة، في حدود إمكانيّاتنا المُتاحة، في بعض هذه المجالات

Intervenu le même jour audit sommet, (avant Essid, selon l’ordre protocolaire), Barak Obama a été le premier à annoncer "le ralliement de la Tunisie, du Nigéria et de la Malaisie à la coalition anti-Daesh qui comprend désormais 60 pays, y compris nos partenaires arabes", a-t-il dit. Voici l’extrait de son discours en anglais.



"Our coalition has grown to some 60 nations, including our Arab partners.  Together, we welcome three new countries to our coalition -- Nigeria, Tunisia and Malaysia".

Obama a grillé la politesse à Habib Essid, sa déclaration a fait le tour du Net, c’est ce qui fait qu’on ait été peu attentif au discours du chef du gouvernement, et suscité cette confusion. Habib Essid aurait dû faire part de cette décision à l’opinion publique à Tunis, avant qu’il ne le fasse en dehors des frontières, et n’autorise un chef d’Etat étranger d’en parler en premier à sa place.

Indépendamment de la portée et du bien-fondé de cette adhésion, la manière de la rendre publique était inopportune et dénotait une erreur de communication, cela n’est guère une excuse pour nos responsables politiques d’être mal informés. Si nos politiques manquaient de rigueur, qu’en-serait-il du bon petit peuple ?
H.J.  


 

Commentaires 

 
+1 #1 dans un verre d'eau
Ecrit par Royaliste     03-10-2015 13:09
le vrai changement de la politique étrangère tunisienne c'est quand une certaine Tunisie a invité le congrès des 'amis de la Syrie' pour planifier un complot contre les syriens.

outre l'expulsion d'un ambassadeur étranger... geste agressif de la part d'une présidence soumise au dictat du Qatar, la Tunisie a mobilisé, a vendu, a marchandé des milliers de miliciens tunisiens qui devaient aller charcuter des syriens innocents pour le plaisir du maitre de Tunis de l'époque, le financier des islamistes, son altesse le mari de cheikha Mouza (celle qui invite les présidents vassaux a prendre le thé).
 
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