Tunisie : déséquilibre régional endémique

Publié le Dimanche 23 Janvier 2011 à 16:55
Le déséquilibre régional a toujours existé. A voir certaines zones reculées du pays, on a l’impression qu’ils n’ont pas vécu l’indépendance. Le décalage entre les régions intérieures et les côtes du pays est historique. En effet, pendant les années 60-70, il y avait une peur de l’endettement. Bourguiba a une prudence exagérée par rapport à l'épargne, car, à ses yeux, le protectorat est venu en Tunisie, lorsqu’on s’endettait auprès de pays étrangers dont la France, selon Abdessater Mabkhout.

"Depuis on n’a pas donc osé développer l’intérieur du pays, et la côte n’était pas uniformément développée. Des zones ont, certes, bénéficié d’investissements massifs, mais d’autres zones ont été abandonnées, comme celle de Kelibia, où résidait une intelligentsia gauchiste, c'était une manière de les sanctionner par Bourguiba. Ainsi le développement régional sur les côtes n’a pas été équitablement réparti, et tout ce qu’on a fait après était insuffisant pour créer des conditions pertinemment utiles pour un développement durable, et pour fixer les populations sur place.

L’Agriculture était dès le départ mal gérée, la politique d’immixtion de l’Etat dans la gestion des affaires du pays, notamment par l’expérience des coopératives qui a commencé par toucher les plus faibles et s’est arrêtée aux gros propriétaires. Après cette expérience, chacun voulait gérer individuellement sa terre de façon exagérée, ce qui a donné lieu à un morcellement des terres agricoles. Par ailleurs, l’Etat tunisien n’a pas su gérer le problème foncier : Les notables de ces régions n’ont pas donné suffisamment pour un développement économique, social, sociétal et encore moins politique. Ils sont, souvent, défaillants, ils se laissent faire, ils se font représenter par des arrivistes, ils composent avec l’appareil : chef de village, administration, parti… et ceci avant et après le 7 Novembre. Le système de gouvernance n’a pas changé. Dans ce mode de gouvernance, l’administration n’est pas un prestataire de service, c’est un empêcheur de création de valeurs, un dispositif inhibant. Le parti au pouvoir était aussi réducteur d’images, tout est artificiellement conçu avec une confusion totale entre Administration, RCD et structures de sociétés civiles.

De par le niveau élevé du chômage dans les régions, le secteur agricole ne peut pas assurer un taux de croissance à deux chiffres pour faire face à un chômage notoirement élevé dans ces mêmes zones. Un taux de 14 à 15 % est une moyenne nationale, et ce taux est plus élevé dans certaines régions, et moins élevé dans d’autres. Ceci appelle à une autre approche de développement régional avec une massification des investissements autres que ceux liés au secteur agricole.

Nous avons un problème de design et modèle de développement, on a toujours parlé, sous l’ancien régime, d’économie de savoir, on n’en a pas les pré-requis : formation, compétence et gouvernance technologique.

Pour encourager le développement dans les régions, l’Etat doit prendre en charge l’implémentation de toutes les infrastructures lourdes pour faire de Gafsa, Tala, Kasserine, Sidi Bouzid des zones accessibles, via TGV, autoroutes, Internet, et le marché tout naturellement avec ses opérateurs vont pouvoir migrer vers ces zones.

Dans les régions, il faut oser transformer les organismes chargés du développement régional et les entités économiques gouvernées et gérées par les gens de la région sans bureaucratie, et sans décision centralisée et politicienne. Car, jusque-là, on a fait de simple déconcentration, en lieu et place d'une véritable décentralisation. Il faudrait privilégier la prééminence du fond sur la forme, de la réalité économique, sur l’apparence juridique. Il faut cultiver chez les originaires de la région le vouloir de travailler, les inciter à assumer leur responsabilité sociétale quitte à manifester leur désaccord avec les services centraux. Ce n’est pas un bon signe d’être constamment en "harmonie" avec les services centraux. Le gouverneur doit être un gestionnaire élu et indépendant de l'appareil du pouvoir central, il doit assumer ses responsabilités, car il a plein pouvoir pour représenter personnellement la tête de l’exécutif et non pas le ministre de l’Intérieur. A l’occasion, il faut repenser touts les outils et les instruments de gouvernance régionale, les organes chargés de développement en vue de l’émergence de sociétés commerciales autonomes chargées de la conception, du suivi des activités de développement.

Ces structures doivent être gérées par des compétences recrutées avec un programme à l’appui qui a pu séduire les décideurs locaux. En fin, dans ce cadre là, la généralisation des mécanismes de Partenariat Public/Privé est une condition sine qua non de succès dans la réalisation de toutes ces activités de développement. Il faut changer le mode de pensée de nos décideurs, il faut apprendre la modestie. Nous manquons de modestie, nous sommes prétentieux face à des problèmes complexes, il faut réapprendre à être modeste devant un environnement multidimensionnelle et complexe".

Gnet


 

Commentaires 

 
#2 Oser!
Ecrit par Behloul     14-03-2011 08:53
Absolument d'accord avec ce texte! Il faut en plus 2-3 nouvelles positions:
1. Que les dits "citadins" ne soient plus aussi arrogants envers les gens de la campagne! 2. Tout nouvel investisseur dans les régions doit introduire un nouveau salaire minimal d'un ouvrier de 1000DT (et non 200Dt comme le font plusieurs entreprises étrangères en Tunisie)! 3. Que chaque nouvelle entreprise participe au financement d'un cours de langue gratuit pour tous les jeunes! Osons poser des conditions aux investisseurs et non seulement leur faire cadeau de nos ressources humaines!
 
 
#1 Complément
Ecrit par Napodelamarsa     26-01-2011 16:11
Je suis d'accord avec les idées proposées dans votre article. Cependant,j'aimerais apporter quelques précisions. Il est indispensable qu'aux efforts de l'Etat Providence, Des investisseurs privés, locaux et étrangers, la société civile locale et les jeunes en particuliers s'investissement de manière plus efficace. Exemple: certaines sociétés de service telles que les centres d'appels ne nécessitent aucune infrastructure autre que des lignes téléphonique et un matériel téléphonique léger. Ces centres sont généralement concentrés sur le Grand Tunis pour la simple et bonne raison que les compétences linguistiques (Anglais, Italie, Fançais)sont absentes dans ces régions (qui privilègie une culture purement arabo-orientale) De fait, c'est tout un secteur qui se retrouve exclu de ces régions. Une opération de sensibilisation à ce niveau serait bénéfique.
 
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