Tunisie : Bourguiba, un islamiste "ouvert et moderne" !

Publié le Mardi 04 Août 2015 à 13:53
Habib BourguibaLes hommages à Bourguiba ont fusé, à l’occasion du 03 août, date anniversaire du premier président de la Tunisie. Des politiques ont convergé hier vers son mausolée à Monastir, où ils n’ont pas tari d’éloges sur le leader défunt et son œuvre. Un regain d’intérêt qui tranche avec l’abandon dont a souffert le père de l’indépendance, près de treize ans durant, du 07 novembre 1987, date de sa destitution, au 06 avril 2000, jour de son décès.

Ce n’est qu’après la révolution, qu’Habib Bourguiba a été réhabilité à titre posthume. Aussitôt renversé suite à un coup d’état médical, le défunt leader était tombé dans l’oubli, même ses funérailles étaient boycottées par la télévision nationale. Avec la révolution, Habib Bourguiba et son legs réinvestissent le champ politique. Nombreux sont les politiques qui s’en sont proclamés en tant que continuateurs, mais le seul qui a réussi  à l’incarner, ne serait-ce qu'en termes de discours, de style et de la gestuelle, c’est l’actuel président, Béji Caïd Essebsi, un de ses anciens ministres.  

La nostalgie à Bourguiba qui continue à s’exprimer fortement, aux différentes dates commémoratives le concernant et au-delà, procède de trois principales raisons. La première est l’instrumentalisation politique pure et dure ; la deuxième est la vacuité politique qu’on a connue après la révolution, et qui trouve ses origines dans l’ère bouriguibienne et celle qui lui a succédé, où la gestion monolithique et despotique du pouvoir a empêché le renouvellement politique et l’avènement d’une génération à même de prendre le flambeau le moment venu. La troisième qui en est le corollaire est l’échec de la classe politique post-révolution à produire un projet national fédérateur susceptible de répondre aux aspirations populaires et de sortir le pays de l’ornière.

C’est dans ce contexte que la magie de Bourguiba opère, et continuera, vraisemblablement, à opérer pour longtemps.

Un fait rarissime, l’homme est auréolé non pas par ses partisans et ceux qui appartiennent supposément à la même école de pensée que lui uniquement, mais aussi par ses détracteurs, qui lui reconnaissent des mérites…et bien sûr des torts. Parallèlement à la glorification de Bourguiba qui est allée crescendo, l’hostilité à son égard est allée decrescendo tout au long des années post-révolution. Rached Ghannouchi est parmi ceux qui ont fini par réviser leur position envers le combattant suprême. Dans un entretien à la radio nationale en avril 2015, le président d’Ennahdha a déclaré que son opinion sur Bourguiba est devenue plus réaliste. "Le fait que l’on ait un problème avec lui sur la question démocratique et de l’identité, ne signifie pas  pour autant qu’on lui renie d’avoir dirigé le mouvement national, d’avoir conduit le pays vers l’indépendance, d’avoir construit l’Etat et mené des réformes. Nous sommes les enfants de l’Etat que Bourguiba a construit", avait-t-il affirmé.  

Cette quasi-unanimité autour de Bourguiba et du rôle qu’il a joué dans l’histoire récente de la Tunisie, de la lutte nationale, à la décolonisation, puis à la construction de l’Etat moderne, traduit l’importance de son legs. Mais n’exclut guère le caractère ambivalent et paradoxal de l’homme, dont l’ouverture d’esprit contrastait étonnamment avec l’archaïsme politique.  

Bourguiba figure certes parmi les héros et les hérauts du mouvement national, et de l’indépendance. Il est sans conteste le bâtisseur de la Tunisie moderne, celui qui a révolutionné la société à travers la promotion du savoir et de l’école, et l’émancipation de la femme, via le code du Statut personnel (CSP). Mais, c’est aussi l’un des théoriciens et des praticiens du despotisme, ayant empêché toute ouverture et toute démocratisation du pays, chose qui a rendu possible le règne qui lui était postérieur.

Le défunt leader demeure-t-il aussi très critiqué sur les questions de l’identité et de la religion, pour avoir laïcisé la société et fermé l’université Zitouna. On lui reproche de surcroît son ancrage sur l’Occident, plutôt que sur le monde arabe, à l’heure où le nationalisme arabe était à son apogée, c’est là tout son clivage et sa rivalité avec le défunt leader, Salah Ben Youssef.

Mais tout le monde ne le perçoit pas de cet œil. Mounir Kchaou, universitaire et professeur de philosophie, a exclu hier, lors de l’émission polémique sur TNN, que Bourguiba soit un adepte de la laïcité. Bourguiba était, a ses yeux, un islamiste ouvert. Son œuvre procédait d’une lecture moderne de l’Islam, et reposait sur le référentiel islamique et les sources fiqh (jurisprudence islamique), disait-il, une idée qui est à même d’élargir et d’enrichir le débat sur cette icône de la Tunisie moderne.

H.J.


 

Commentaires 

 
+2 #2 bla bla bla
Ecrit par Anis     04-08-2015 16:34
Vous nous avez cassé la tête avec Bourguiba, c'est bon, y en a assez. Il a fait du bon comme du moins bon à la Tunisie, maintenant il faut regarder devant et tenter de redresser la barre, nous allons droit dans le mur. Quelle Tunisie allons-nous laisser à nos bouts de chou ?
 
 
+2 #1 RE: Tunisie : Bourguiba, un islamiste "ouvert et moderne" !
Ecrit par Montygolikely     04-08-2015 14:36
Habib Bourguiba était un humaniste, mais ça, de nos jours, pour une grande majorité d'incultes, c'est une philosophie "extraterrestre"...
 
Ces commentaires n'engagent que leurs auteurs, la rédaction n'en est, en aucun cas, responsable du contenu.