Union pour la Méditerranée : Un constat d’échec

Publié le Jeudi 07 Mai 2009 à 11:13
Rachid Driss, Président de l'AEI, entouré de ses hôtes au cours de la conférence Euromed. L’Union pour la Méditerranée ne semble plus être que l’ombre d’elle-même. Gaza l’a faite voler en éclats. Un blocage qui est symptomatique du projet Euromed, qui, depuis son lancement en 1995, ne finit pas d’essuyer les échecs. Pour la simple raison qu’il semble favoriser un climat de conflictualité et de dépendance, plutôt que de coopération Nord/Sud sur des bases égalitaires.

Des universitaires et autres hautes personnalités européennes et maghrébines se sont rassemblés hier, à l’Institut arabe des chefs d’entreprise, à l’invitation de l’Association des Etudes internationales, pour livrer leur réflexion autour "du partenariat Union Européenne/Maghreb : accords d’association, politique de voisinage et perspectives de statut avancé". Les interventions des uns et des autres ont laissé apparaître un constat quasi unanime quant aux déboires du partenariat euro-méditerranéen, et de son dernier-né, l’Union pour la Méditerranée, dont l’enthousiasme de départ s’est implacablement émoussé après la guerre contre Gaza, au point d’être totalement paralysée, voire bloquée.

Toute en soulignant la volonté des Etats, des élites, et des sociétés civiles, de coopération dans un cadre euro-méditerranéen, Abdallah Saaf, ancien ministre marocain et directeur du CERS à Rabat, estime que l’état actuel du projet Euromed semble favoriser un climat de conflictualité. L’orateur marocain qui ne renie pas tout le cheminement parcouru depuis Barcelone, les accords d’association et les des cycles bilatéraux et multilatéraux de négociation, trouve que l’objectif de l’Europe de créer un climat de confiance avec ses partenaires du Sud n’est pas clair. Au sujet de l’Union pour la Méditerranée, il dira que "l’UPM est un projet dépolitisé, apolitique…même si sa finalité est politique", précisant que le projet est au fond bloqué, qu’elles que soient les agitations techniques qui tournent autour. "Maintenant, la situation est complètement différente de celle de Barcelone, et Gaza montre toute la régression par rapport à ce projet", indique-t-il, évoquant les difficultés qu’a rencontrées récemment une réunion de hauts fonctionnaires de l’Euromed à Bruxelles.

"L'Euromed n'a pas de vie réelle au Sud"
Lotfi Boumghar, universitaire algérien, de l’Institut National des Etudes de Stratégie Globale, explique, quant à lui, les trois causes principales qui font que le partenariat ne répond pas aux attentes :
Tout d’abord, un problème d’intention : Les politiques du Nord et du Sud ont-elles un véritable esprit de partenariat ? S’est-il interrogé, notant que l’Europe est en train de mener plutôt une politique d’endiguement d’un facteur de risque qu’elle croit trouver au Sud. "La partie européenne est pour une approche de gestion des risques et non pour une volonté de partenariat. L’Europe a besoin d’un marché au Sud pour qu’elle puisse vivre économiquement, elle a besoin d’un arrière - pays qu’elle trouve au Maghreb, après qu’elle ait mis au placard toute aspiration de créer une force militaire mondiale".

La deuxième cause de cet échec est que le partenariat Euromed n’a rien apporté de concret aux citoyens du Sud, les couches populaires cela s’entend. "Il est quasiment interdit aux citoyens maghrébins de voyager en Europe pour motif touristique", note-t-il, s’attardant sur l’exemple européen : l’Europe a réussi parce qu’elle a eu des impacts concrets sur la vie quotidienne de ses citoyens : disparition des frontières, libre circulation …

Le troisième écueil a trait à un excès de bureaucratisation. L’Europe offre certains types de financements. Mais, ces financements sont subordonnés à tellement de formalités que cette bureaucratie s’apparente à de l’exclusion. "Et puis l’Union européenne à chaque fois qu’un projet échoue, elle nous propose un autre pour insuffler de l’oxygène à un partenariat moribond". Il estime que ce partenariat n’a pas de vie réelle au sud. "La politique de voisinage consiste en un recentrage du partenariat sur les intérêts européens (gestion de l’émigration clandestine). Le partenariat tel qu’il est appréhendé aujourd’hui ne peut pas réussir s’il est confronté à une situation explosive au Moyen-Orient. D’où le scepticisme sur l’UPM, car, les mêmes causes produisent les mêmes effets". Et de poursuivre : "la circulation des personnes est impossible parce qu’elle entraînerait un flux massif de Maghrébins vers l’Occident. Pourtant, à peine 20 ans en arrière, il n’ y avait pas de visas et le Maghreb n’était pas plus développé que maintenant. C’est la restriction à la circulation qui rend l’Europe comme une destination mythique, crée la frustration et encourage l’émigration clandestine. Si, cette restriction est levée, l’Europe, cette citadelle qui a mauvaise presse, gagnera en image et la région s’acheminera vers la stabilisation".

Même constat de Jean-Marie Miossec, ancien président de l’université de Montpellier 3, pour qui la Méditerranée est hétérogène et cosmopolite. "Il y a des différences politiques, socio-économiques, culturelles, cultuelles, religieuses etc, des gradients démographiques, des chocs énergétiques. Mais, il y a un héritage commun", fait-il constater, avant d’évoquer l’Union pour la Méditerranée : "L’UPM est une vision de rupture dans un contexte d’urgence, mais la question est de savoir si les pays des deux rives ont la capacité de créer une union dans un contexte de paix et de stabilité", déplorant le fait que l’Europe qui a abattu les murs et les frontières en son sein, en a créé d’autres, des bunkers sur ses rives Nord.

Tahar Sioud, ancien ministre tunisien, et ancien ambassadeur auprès de l’Union européenne, estime qu’"il ne faut pas imputer les insuffisances à la seule partie européenne. Nous aussi, au Sud, avons été incapables d’unir nos efforts pour aller dans le même sens. Nous avons toujours fait les choses chacun de son côté, chacun à sa manière. Actuellement, il est impossible eu égard à la situation qui prévaut au Moyen-Orient de réunir les pays européens et les pays arabes à la même table", fait-il observer, appelant à ce que le partenariat soit fait dans l’égalitarisme le plus total, et non dans la conflictualité et la dépendance.

Adrianus Koetsenruijter, ambassadeur, chef de la délégation de la Commission européenne en Tunisie et en Libye, a appelé à un pragmatisme raisonné dans l’approche euro-méditerranénne. "Pour une raison simple : on ne peut pas changer la géographie (nous sommes voisins), on ne peut changer l’histoire (nous sommes pétris d’un passé largement commun), et surtout on ne peut pas changer le fait que seules les politiques concertées peuvent permettre de faire face aux enjeux auxquels nous sommes confrontés et qui sont des enjeux globaux : la paix, la pauvreté et le développement, les migrations et le changement climatique".

H.J.

*L'Association des Etudes Internationale, dira son Président, Rachid Driss, a été fondée le 5 novembre 1980, et a fait paraître sa première revue en février 1981, c'est-à-dire 29 ans d’activités suivies sans arrêt.
 

Commentaires 

 
#6 baignade et poisson, c tout !
Ecrit par Tounsi2     12-05-2009 02:33
Comme je l\'avais dit, la politique je m\'en fous. Ce qui m\'importe,c\'est de se baigner dans une mer non polluée et manger des poissons non toxiques.
Si le rôle de l\'UPM était d\'agir comme un garde fous contre un pays riverain quelque soit sa situation,qui pollue notre \'lac méditerranéen\', sa mort constitue une perte pour tous les riverains.
 
 
#5 L\'Union Mêtit-erranéenne
Ecrit par Mani_Chou     08-05-2009 20:34
J'avai rappelé ici-même, il y a un an, ce que j'avais déjà écrit bien avant (je retrouverai la date exacte) :


Ecrit par Mani_Chou, le 13-06-2008 15:46

Voilà ce que j'avais déjà écrit il y a un moment sur ce même sujet et dans ce même coin des GlobalNautes : "L'Union Mêtit-errannénne".

Je persiste et signe.

Et je prends rendez-vous avec tout le monde et avec l'histoire... Et s'il se révèle que je me suis trompé... Je présenterai à tout le monde et à l'histoire mes humbles excuses ! Ici même !

Je ne suis pas près de présenter mes excuses à ce que je vois !!!

Mani Chou
 
 
#4 Compter sur soi même
Ecrit par Fathi BCHIR Journaliste Bruxe     08-05-2009 12:51
Il y a quelque chose d'étonnant dans l'attitude des Maghrébins face à l'Europe. L'illustration la meilleure serait ce bon vieux dicton: "la N'Hebbek, la Nosber Alik", etc.) tous les schémas d'avenir passent par Bruxelles. C'est l'Europe qui dispense l'argent comme les idées. L'Europe - sans la défendre ni l'exempter - n'a, légitimement, qu'un souci: son intérêt. Ce qui est anormal est que ses partenaires paraissent bien souvent incapables de déterminer leurs propres intérêts et les moyens nécessaires pour les défendre et les promouvoir. Alors l'Europe et la Méditerranée: oui mais tout schéma sera vain tant que les pays de la rive sud, en particulier, les Maghrébins se présenteront en rangs dispersés. Qu'ils deviennent acteurs et non de smples récepteurs des initiatives européennes.

Dans cet esprit, je vous invite à lire une profession de foi étonnante/

Henri Guaino : L’Union pour la Méditerranée est un combat. Nous le mènerons jusqu’au bout !
Bruxelles (06/05/2009)

L’Union pour la Méditerranée est en panne suite à l’invasion de Gaza, fin 2008, et l’avis général est que son avenir est sérieusement compromis.

Son initiateur, Henri Guaino, Conseiller spécial du Président de la République et Chef de la Mission interministérielle de l’Union pour la Méditerranée, continue pourtant d’y croire. Sa foi est inébranlable même sachant que la tâche ne sera pas facile.

Pour l’exprimer, il opte pour la confrontation directe avec les « esprits étriqués » qui doutent de la validité de l’ambitieux projet. « L’Union pour la Méditerranée est un combat. Ce combat nous le mènerons, jusqu’au bout! C’est un combat juste. C’est un combat nécessaire. Ceux qui sont responsables de l’échec de Barcelone sont les plus mal placés pour donner des leçons
texte intégral en suivant ce lien:
medafrique.info/.../...
 
 
#3 A côté de la plaque
Ecrit par Khammous     07-05-2009 20:43
1/ Peut -on réunir l'EUROPE qui exclut la TURQUIE avec la TURQUIE.
2/ Peut-on réunir les pays arabes méditerranéens non magrébins avec ISRAEL.
3/ Peut -on réunir les EUROPEENS avec des MAGREBINS qui n'existent pas encore comme tels.
Si j'étais psy j'appellerais tout celà : SCISOPHRENIE.
La politique c'est l'art du possible.
Est -il dans les possibilités des EUROPEENS d'infléchir la situation au MOYEN ORIENT.
OH QUE NON!!
Je ne le pense pas car leur démocratie est OTAGE DE LOBBY étranger à l'EUROPE
Le jour où elle sera indépendante de ce lobby elle pourra décider de son sort et s' autodeterminer
Il n'y a aucune exagération dans ce que je dis puisque aujourdhui même la justice AMERICAINE vient de baisser le caquet devant ce lobby ( LE JUGE FEDERAL ELLIS III vient de se déculotter comme une stripteaseuse de PIGALLE des anées 60 devant les espions israeliens ROSEN et WEISSMAN ).
PIS ENCORE LES EUROPEENS ne semblent rien faire pour qu'il en soit ainsi.
Bien au contraire ils éditent souvent des lois soufflées et inspirées par ce lobby.
Les MAGREBINS non plus ils ne sont pas dans de meilleurs draps .
Ils ne pèsent pas lourds pour le moment et toute leur intelligentia se focalise sur tout sauf l'essentiel qui est la création d'une puisance magrébine .
Le pire de tout celà c'est que cette puissance existe objectivement et potentiellement.
Devant cette réalité il ne me reste qu'une maigre consolation c'est que pour moi UPM veut dire plutôt :
UNION POUR LE MAGHREB
(pourvu que le phosphate du SAHARA ne me désavoue pas ).
 
 
#2 les courants de la mediterrannée
Ecrit par baldaquino     07-05-2009 16:34
Union pour la Méditerranée : Un échec annoncé

imputer la cause de l'échec de l'UPM a Gaza et aux intentions réfractaires des états riverains de la méditerranée(sud et/ou nord) ne serait qu'une lecture superficielle de la situation géopolitique de la région.
les raisons de cet'echec sont à imputer aux différences profondes dans tout les domaines entre le sud et le nord(d'ailleurs Mr Jean-Marie Miossec le seul a en parler), autrement dit:ce qui nous sépare est plus important que ce qui nous rapproche et je crois qu'une simple analyse de l'histoire peut nous confirmer ce constat.
pour bâtir une union comme l'UPM on doit trouver les facteurs qui peuvent aboutir à sa constitution et c'est dans ce sens qu'une question se doit d'être poser;
- quels sont ces facteurs?

Pour répondre a cette question on doit savoir quels sont les différents facteurs qui influencent les stratégies de chaque partie, que cherche l'Europe et que veulent les arabes.
les facteurs qui conditionnent les choix de l'Europe dans ses relations avec les états de la rive sud de la méditerranée sont de l'ordre sécuritaire(immigration clandestine, terrorisme...)et accès aux ressources naturelles et aux matières premières. Alors que de l'autre coté on cherche la maîtrise des techniques (navigation, aéronautique et espace…), améliorer le niveaux de vie des citoyens et moderniser les régimes politiques (démocratie, etc.).
vous constatez comme moi que le facteur culturel n'est pas dans les perspectives des deux parties, y'aurait-il pas une relation entre son absence et l'échec de l'UPM, cette union en absence de ce facteur ne serait pas simplement formelle sans âme ni esprit.

Même ceux qui ont parié sur la complémentarité économique pour combler les différences culturelles(dans le but de donner origine à des bases sur lesquelles bâtir une éventuelle union parceque avant ça n'existait pas)se sont trompé.
Sur le plan des résultats économiques, le partenariat n'a pas atteint ses objectifs. Les échanges commerciaux entre l’Union européenne et ses partenaires méditerranéens sont en effet souvent plus concurrents que complémentaires.
 
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