Une Tunisie en déclin, désertée par ses cerveaux, et ses autorités morales

Publié le Jeudi 05 Avril 2018 à 17:20
Au lendemain du 14 janvier, les Tunisiens se sentaient capables de soulever des montagnesLa centrale syndicale ne lâche pas du lest, et réitère, ce jeudi même, son appel à injecter du sang neuf dans les veines de l’équipe gouvernementale ; une manière, à ses yeux, de parvenir à des solutions pour une sortie de crise. Le gouvernement dit et redit l’urgence de la mise en œuvre des grandes réformes, sans lesquelles, le pays se dirigera vers l’inconnu. (Mehdi Ben Gharbia, aujourd’hui sur Mosaïque). La même rhétorique servie à satiété dans un climat d’incertitude, où le sauvetage du pays semble de plus en plus tenir de la gageure.

La situation est tellement désespérante que l’on parle de dizaines de milliers de compétences qui ont quitté le pays, pour s’installer à l’étranger, vidant ainsi le pays de ses cerveaux, à l’heure où il en a impérieusement besoin. Est-ce le point de non retour ? Ou bien, les choses sont-elles encore rattrapables ? Personne n’en sait rien, mais le malaise gagne, et aussi la peur du lendemain.

En assistant amer à ce déclin, l’on ne peut s’empêcher de s’en interroger sur les raisons, alors que le pays avait tout pour réussir. Rappelons-nous l’énergie positive ayant prévalu dans la foulée du 14 janvier. Grisés par la liberté retrouvée et bercés par l’idéal démocratique, les Tunisiens se sentaient capables de soulever des montagnes, tellement ils étaient enthousiastes, solidaires et empathiques les uns envers les autres.

Nombreux étaient nos compatriotes expatriés qui ont décidé, à l’époque, de rentrer au bercail, répondant à l’appel du devoir, celui de transformer le pays, et de contribuer à sa transition, sa construction et son redressement.

Un élan magnifique qui s’est évaporé, aussi vite qu’il n’est apparu. C’est qu’il n’a pas pu survivre aux multiples divisions idéologiques, politiques… qui ont surgi pour fissurer la société, la plonger dans la controverse et les tiraillements permanents, et l’éloigner du débat de fond et des questions décisives, celles ayant motivé en grande partie, le soulèvement populaire ayant conduit à la chute de l’ancien régime.

D’assassinats politiques, en attaques terroristes, de crises politiques, en tensions sociales, le pays a amorcé un virage dangereux fait de turbulences et d’instabilité. Reléguée au dernier plan, l’économie entamait depuis une courbe descendante,  jusqu’à arriver au point où elle en est aujourd’hui.

Dans ce tourbillon postrévolutionnaire, la société dans ses différentes composantes a été gagnée, peut-être en réaction à un fort sentiment de déception, l’expression d’une révolte, ou dans une tentative d’autodéfense, par l’égoïsme. La guerre des égos qui faisait rage au niveau des élites politiques, déteignait sur les classes populaires, où le chacun pour soi a prévalu, s’illustrant par une anarchie rampante où les principales victimes étaient l’ordre, le civisme, et le travail. 

C’est comme si tout le monde a perdu la boussole, s’enfermant dans une espèce de ghetto où chacun développe des revendications, et rêve de réaliser ses ambitions, quelles qu’elles soient, politique, financière, sociale…pour satisfaire son amour propre, et son ego, sans tenir compte de la collectivité, de son intérêt, ses moyens et ses priorités. Effritement politique, délitement social, et dégradation économique, joints à des menaces sécuritaires,…il n’en fallait pas plus pour faire voler en éclats tout espoir de construire un projet commun.

Face à cette crise multidimensionnelle, on aurait bien souhaité voir s’exprimer une certaine sagesse intellectuelle, pouvant émaner de penseurs  (philosophes, politologues, sociologues, etc.), voire d’autorités morales et de personnalités impartiales, non politisées, ni idéologisées, capables de se placer au-dessus de la mêlée, pour nous livrer une analyse juste des facteurs ayant fait dérailler les aspirations des Tunisiens, et aider tant les politiques, que le peuple à retrouver certaines repères et tenter de se ressaisir. Sous d’autres cieux, ces intellectuels, tout en étant loin de la politique, sont très impliqués dans la vie publique, et écoutés par les politiques de différends bords, chez nous, ils ne sont ni visibles, ni audibles …pourtant l’université tunisienne en regorge.

Gnet