Une immersion dans la friperie d’Ibn Khaldoun

Publié le Jeudi 15 Janvier 2009 à 11:50
Une Friperie à TunisA quelques semaines du début des soldes, prévu pour le 1er février, les mordus de mode et les mères de familles ont déjà commencé à faire le tour des magasins pour repérer, choisir et jauger ce qui se trouve sur le marché du prêt-à-porter. Or, le constat est parfois décevant par le manque de choix et de diversité. Sans parler des prix affichés qui sont exorbitants, jusqu’à décourager les plus décidés. Face à cette déception récurrente, un autre marché qui prospère. A savoir le marché aux puces.

Vous entendrez parfois ici et là, celles qui ont été tentées d’aller fouiner dans les friperies. Ces souks, souvent à ciel ouvert, offrent aux petites bourses la possibilité de se faire une garde robe aux moindres frais. Mais ce n’est pas toujours pour faire des économies que l’on y ait recours, mais aussi pour la diversité et la qualité des articles. Certaines friperies sont même connues plus que d’autres pour offrir une marchandise telle que l’on trouverait dans les grandes enseignes de prêt-à-porter.

Il est 9h du matin et on est un samedi. Hormis, que ce soit un week-end, il fait froid et à l’heure qu’il est beaucoup sont encore sous leurs couvertures profitant d’une matinée bien au chaud. La circulation sur les routes est donc fluide, sauf lorsque l’on s’approche du marché municipal de la Cité Ibn Khaldoun. A près de trois cents mètres à la ronde, pas l’ombre d’une place où se garer. Les voitures sont collées les unes aux autres et même les trottoirs sont envahis. Rien d’étonnant vous diront les habitués des lieux, puisqu’il s’agit du jour de grand déballage. Le déballage dont on parle ici concerne les vêtements et les chaussures et même le linge de maison qui gisent sur les étals de la grande friperie de la Cité. Dès que le jour se lève, les clients affluent de tout bord. Il n’est plus un secret que la fripe n’est plus l’apanage des budgets modestes. Les voitures garées en témoignent.


En arpentant les petits passages bondés de clientèle, l’on découvre peu à peu la marchandise qui draine tout ce monde. Il existe de tout et à tous les prix. Du tas de pulls à 2 dinars la pièce, aux manteaux à 45 dinars. Les jeans, les pantalons pour femmes, les robes et les sous-vêtements sont aussi pour tous les goûts. Il faut préciser que la qualité de la marchandise est différente d’un marchand à un autre. Il existe, à titre d’exemple, des pulls en laine à 10 dinars qui sont presque neufs. Certains sont encore avec l’étiquette du magasin d’où ils proviennent.

Ils sont généralement issus des collections des saisons précédentes, et lorsqu’ils ne trouvent pas acquéreur, ils échouent dans les friperies. Il y a par ailleurs sur d’autres étals, des pulls à 3 dinars qui sont plus usés, et plus démodés. Quant aux manteaux en laine et en cachemire, articles les plus prisés à pareille période de l’année, ils sont à des prix variant entre 10 et 45 dinars par pièce. Et c’est loin d’être de la camelote. Pour les clientes les plus coquettes, quelques vendeurs proposent des manteaux en fourrure. De la fourrure de lapin à celle du renard argenté, leur prix est donné à la tête du client. « Un manteau en fourrure peut aller jusqu’à 100 dinars », affirme un vendeur. Il n’y a toutefois rien à redire sur la qualité de ce que l’on trouve.

Il y a aussi les jeans qui sont comme sortis d’usine. A 20 dinars la pièce, le jean reste un vêtement très fort demandé. D’ailleurs en cherchant bien, les plus connaisseurs constateront que les plus grandes marques y sont représentées. Ils sont donc jusqu’à 10 fois moins chers qu’en boutique. Parce que oui, il y a lieu de comparer ces souks de vêtements usagés aux boutiques chics de certains quartiers huppés. Ici aussi, le client peut trouver la même marchandise que dans les grands magasins à l’achalandage parfait. Ici aussi il n’est pas rare de tomber sur les grandes étiquettes du prêt-à-porter, voire de la haute couture. Rim, jeune cadre en a fait l’expérience : « je me suis une fois acheté une veste Moschino à 20 dinars. Mieux encore, je me suis dénichée une ceinture en cuir, Gucci à 3 dinars », témoigne-t-elle. Et ce n’est pas fait rare. Une jeune fille qui retournait le tas de chemisiers à la recherche d’une éventuelle trouvaille, confiait à son amie qui l’accompagnait qu’une fois elle avait trouvé ici le même chemisier acheté en boutique une semaine avant à 70 dinars. Sauf qu’à la friperie, il était à 10 dinars. Une sacrée différence qui fait que certains s’habituent à venir passer une demi journée, le nez dans le fouillis de vêtements étalés sur la grande place de La Cité Ibn Khaldoun.

Des chaussures au marché aux pucesUn peu plus loin se trouvent les chaussures. Des articles tout aussi prisés que les manteaux en hiver. Il faut dire que les propriétaires des lieux ciblent parfaitement leur clientèle. Ils ramènent des bottes et des chaussures de sport de bonne qualité, parfaites pour la saison. Les prix sont aussi pour les meilleures marchandises à la tête du client. Une paire peut aller de 5 dinars jusqu’à 35 dinars. Seulement, il n’est pas toujours évident de trouver sa pointure. Ici c’est comme partir à la chasse. Il y a des jours prolifiques et d’autres moins. Tout dépend de la marchandise du jour et de l’heure à laquelle l’on s’y rend.

Il n’est pas rare toutefois d’assister à des altercations entre clients, pour la plupart des femmes. Comme tous les articles ou presque sont uniques, il arrive que deux clientes aient des vues sur la même pièce, ce qui crée des tensions. D’ailleurs, les marchands de fripe profitent de la situation en mettant de coté le meilleur de leur marchandise, pour une certaine clientèle fidèle et dépensière.

Vers la fin de la matinée, alors que la place est envahie par une marée humaine affairée et fébrile, certains vendeurs commencent à plier bagage. Le plus gros de la recette a été fait, leur prochain déballage se fera le mardi. Une autre journée de grande affluence s’annonce.

Chiraz Kefi