Un expert onusien appelle la Tunisie à stopper l’hémorragie de la dette

Publié le Mardi 28 Février 2017 à 14:00
Juan Pablo Bohoslavsky, expert indépendant des Nations UnisEn visite en Tunisie depuis le 20 février, l’expert Juan Pablo Bohoslavsky, a dressé le bilan de son passage, constatant les difficultés économiques que traverse le pays. La dette extérieure ne doit en aucun cas altérer les droits de l’homme. Les réformes économiques ? : "Personne ne doit être laissé pour compte".

Juan Pablo Bohoslavsky souligne qu’il est impératif d’arrêter « l’hémorragie » de la dette extérieure qui a, selon lui, atteint des « proportions insoutenables pour la Tunisie et son peuple ». L’alternative ? Il faut renforcer la finance publique et appliquer des mesures de réforme urgentes, en ce qui concerne les rapports entre la Tunisie et le FMI. Bohoslavsky souligne : « La situation politique et les liens sociaux sont en réel danger. L’austérité ? Elle aura des impacts désastreux, mais lorsqu’il n’y a plus le choix, il faut l’appliquer ».

L’expert des Nations Unis a ensuite rappelé que les réformes économiques doivent être appliquées avec « plus de réalisme », en ce qui concerne les délais. Il faut aussi trouver le moyen pour employer plus de femmes et de personnes handicapées », a-t-il souligné. Mais pour lui, il y a un fléau à combattre en toute urgence : «la corruption et les flux de fonds illicites. »

Bohoslavsky encourage l'action de l'IVD

Juan Pablo Bohoslavsky a évoqué l’importance du travail de l’IVD : « Il serait primordial de donner la parole à des victimes de la prédation économique et des détournements de fonds. J’encourage cette démarche qui doit absolument être suivie de décisions au plus haut niveau de l’Etat, pour que ces agissements ne se reproduisent plus ». Il a ensuite insisté sur les mesures qui devraient être prises à l'encontre des coupables : "En aucun cas, il ne devrait y avoir d'impunité pour le détournement de fonds à grande échelle. Il doit y avoir une responsabilité pour les crimes financiers graves sous les régime de Ben Ali ainsi que pour les intérmédiaires qui ont facilité le flux des fonds illicites".

La transition démocratique en Tunisie se passe « globalement bien », a-t-il souligné. Mais, pour que ce processus continue à avancer dans le droit chemin, il est impératif d’éviter les disparités dans les droits économiques, civils et culturels. Ceci est primordial et les autorités doivent prendre la question très au sérieux.  Il faut clairement investir dans ces droits pour mettre fin à la montée de la violence et du terrorisme.

Avec les responsables du gouvernement tunisien, Juan Pablo Bohoslavsky a affirmé avoir eu des échanges « francs et ouverts » et qu’il a remarqué une « conscience réelle de la gravité de la situation ». Par conséquent, l’expert a affirmé être « totalement prêt et disponible » pour donner des indications et consignes aussi bien à la Tunisie qu’aux institutions financières mondiales qui, selon lui, doivent « respecter les spécificités de la société tunisienne en matière d'octroi de crédits, pour ne pas altérer les droits de l’homme ». Il a toutefois rappelé la resonsabilité des autorités tunisiennes qui doivent "mieux contrôler les opérations de prêts et d'emprunts parce que cette dette ne doit pas créeer de vulnérabilités économiques, sociales ou politiques".

Pour Juan Pablo Boholavsky, la Tunisie a besoin d’un développement durable. Ceci passe par "plus d’égalité et moins de discrimination".  La privatisation des entreprises publiques ? : « Si une telle mesure va accroitre les disparités ou augmenter le taux de chômage, je la déconseille fortement. Il faut bien étudier l’impact avant de prendre des décisions aussi importantes ».

Juan Pablo Bohoslavsky a enfin rappelé que la Révolution tunisienne a apporté des « améliorations significatives des droits civiques et politiques ». Mais pour lui, ce n’est pas suffisant : « Ceci doit être suivi des progrès similaires dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels ». L’expert de l’ONU, qui reste optimiste a insisté : « Seule la croissance économique améliorerait le niveau de vie et barrerait la route à la violence et au terrorisme. Mais ce développement doit impérativement concerner tout le monde. Personne ne devrait être laissé pour compte ».
Sélim Slimi