Tunisie/Régime politique : le référendum serait-il inévitable ?

Publié le Jeudi 26 Juillet 2012 à 13:05
Les trois présidents ne sont pas d'accord sur le futur régime politique. Les chefs de la troïka ont réaffirmé hier, lors de la célébration du 55ème anniversaire de la proclamation de la République, leur attachement au consensus. Ils ont plaidé pour une constitution consensuelle, gagnant l’adhésion de tous, mais dans leur plaidoyer en faveur de  l’entente nationale, ils ont laissé apparaître des divergences patentes qui n’ont pas l’air d’être tranchées d’aussitôt.

En chantant les louanges du consensus dans l’hémicycle, les membres du triumvirat se sont fait l’écho d’une recommandation collective, exprimée à l’intérieur et extérieur de la Tunisie, sur l’impératif que les élites tunisienne et la classe politique, pouvoir et opposition, s’accordent sur la nature du processus à engager lors de cette deuxième période constitutive transitoire, et sur le modèle politique et sociétal qui doit présider à l’édification de la deuxième république, celle qui amorcera le passage de la Tunisie de la dictature à la démocratie.

La notion de consensus ressassée à l’envi, semble néanmoins facile à dire, et difficile à faire. Les trois présidents en ont fait hier la démonstration ; leurs discours ont laissé apparaître des divergences explicites, notamment sur cette pomme discorde qui ne finit pas d’agiter le palais du Bardo, et au-delà, à savoir le futur régime politique qui sera inscrit dans la nouvelle constitution.

Moncef Marzouki n’a pas usé de faux-fuyants pour exprimer son rejet du régime parlementaire en rappelant ses déviations à l’époque de Bourguiba. "Le régime parlementaire a viré au régime despotique, du fait de deux facteurs : la fibre hégémonique chez la personne (NDLR Bourguiba) et la domination totale du parti de la majorité", a-t-il dit en substance, soulignant les racines profondes du despotisme dans la société tunisienne "pour des raisons cultures et psychologiques". Le chef de l’Etat à plaidé pour un régime mixte où les prérogatives sont partagées d’une manière équilibrée entre le chef de l’Etat et le chef du gouvernement.  Mustapha Ben Jâafar s’est limité à faire acte des tiraillements qui caractérisent ce débat à l'assemblée constituante, prônant un régime politique consensuel, rompant avec le despotisme et garantissant l’équilibre entre les pouvoirs.

Le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, est resté dans les généralités, il n’a pas dit expressément ses préférences pour le régime parlementaire, chose que son mouvement défend bec et ongles dans les commissions de l’assemblée constituante. Le chef du gouvernement a toutefois évoqué la nécessité que la constitution exprime la volonté populaire : "l’approbation de la constitution par le peuple est garante de son respect", a-t-il souligné. Des propos qui sous-tendent l’éventualité d’un recours à un référendum pour trancher l’instauration ou non du régime parlementaire en Tunisie.

Au point où en est ce débat, et au regard des désaccords profonds qui le caractérisent, il est de plus en plus probable que le parti islamiste au pouvoir soumette cette question à une consultation populaire, a fortiori qu’aussi bien ses alliés de la troïka que le bloc de l’opposition rejettent ce choix en faisant valoir le régime mixte ou semi-présidentiel. Mais, a-t-on encore le temps d’organiser un référendum, alors que de nombreuses voix s’élèvent déjà pour dire que l’organisation des élections en mars 2013, comme l’a réaffirmé hier le chef du gouvernement, demeure difficile. D’autant plus que l’instance électorale n’est pas encore en place, et le projet de loi du gouvernement la régissant, voué à faire l’objet d’un débat national, mettra sans doute du temps à être entériné.

L’organisation des prochaines élections au printemps 2013 sera tributaire de l’achèvement de la rédaction de la constitution et donc de l’entente sur le régime politique. Un référendum est de nature à perturber le processus transitoire et à reporter les échéances. Cela n’est pas d’ailleurs sans rappeler le débat sur le référendum sous Béji Caïd Essebsi ou certaines parties ont appelé à soumettre le mandat et les prérogatives de l’assemblée constituante à  une consultation populaire, chose à laquelle plusieurs partis dont Ennahdha et le CPR ont opposé une fin de non-recevoir. Pourquoi rejeter le référendum dans un cas, et réfléchir à y recourir dans l'autre, si le risque de troubler le cheminement transitoire est le même ?

Pour ne pas s’enliser dans les tiraillements sans fin, il vaudrait mieux qu’Ennahdha évite les bras de fer inutiles, fasse des concessions, et opte pour le régime semi-présidentiel qui est de l’aveu même des experts et autres constitutionnalistes de renom, le mieux adapté à la réalité tunisienne. Aujourd’hui, la Tunisie est dans un état tel qu’elle requiert la contribution de tous ses enfants, quelles qu’en soient leurs appartenances  idéologiques et politiques. D’ailleurs, hormis les appels internes pour l’entente nationale, de nombreux hôtes de marque de la Tunisie nous ont recommandé l’unité et le consensus, notre seule voie de salut. Personne ne détient la vérité révélée, et l’être humain est par nature porté sur l’erreur et la faute. Si un camp procède par le raisonnement ou la conviction qu’il a raison, alors que tous les autres ont tort, il caresse intentionnellement ou non  des tentations vers l’hégémonie et la mégalomanie. Or, la Tunisie a à cœur de proscrire à jamais ces sentiments destructeurs et tend à  leur substituer les valeurs de démocratie et de liberté, qui induisent ouverture, et  implication de l’autre dans la prise de décision.     

La deuxième république prônée le 25 juillet par le chef du gouvernement sera un vœu pieux si son fondement est d’emblée boiteux, et les choix qui président à son édification passent par la contrainte et les coups de force.
H.J.


 

Commentaires 

 
#2 RE: Tunisie/Régime politique : le référendum serait-il inévitable ?
Ecrit par Royaliste     28-07-2012 21:26
bras de fer inutile dites vous?

Nahdha a promis a ses électeurs un mode de gouvernance et ils font tout faire pour l'imposer.

ils ne le font certes pas pour les beaux yeux des khwanjiya, mais le font par calcul politique.

le but d'un parti politique c'est d'arriver au pouvoir et appliquer son plan. Nahdha est au pouvoir et voudra appliquer son projet de société.

Nahdha sait qu'elle va toujours avoir dans les 30% des votes : un régime parlementaire va lui assurer une forte minorité dans le parlement mais une minorité qui va constituer une coalition, comme c'est le cas aujourd’hui.
 
 
+2 #1 Le compte
Ecrit par Tahar JEBARI     26-07-2012 18:35
BEN JAAFAR a détruit sa crdibilité.
Marzouki a dévoilé son image de grand rancunier.
Ennahdh s'est affaibli en voulant gouverner à tout prix.
Cela fait le compte !
 
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