ATIDE dénonce une campagne entâchée de discours violents

Publié le Vendredi 26 Décembre 2014 à 11:53
Lors d'une conférence de presse tenue vendredi matin, l'ATIDE, a présenté son rapport préliminaire d'observation du deuxième tour de l'élection présidentielle : « Ce fût la dernière étape du processus de la transition démocratique et de l'établissement des institutions politiques pérennes de la deuxième République » a déclaré Anissa Bouasker, membre du Bureau Exécutif de l’association.
 
Le scrutin présidentiel s'est, selon ATIDE, caractérisé par une compétition virulente dans une atmosphère tendue. Malgré les dépassements d'ordre financier et pénal qui ont été relevés durant l'opération électorale, l'ATIDE considère que les deux tours se sont globalement déroulés de manière acceptable. Quant au taux de participation, il a été jugé satisfaisant, reflétant l'implication du peuple tunisien dans le processus.
 
Anissa Bouasker a tenu à rendre hommage au rôle déterminant et au courage des forces de l'ordre, de l'Armée Nationale, de la Protection Civile et de la Douane pour avoir sécurisé de manière adéquate cette échéance nationale qualifiée de cruciale malgré le risque terroriste qui a plané sur le pays durant cette période. Ensuite, elle a remercié les médias et les observateurs : "surtout les notres car ils ont eu beaucoup de difficultés" a-t-elle ajouté.
 
ATIDE a mobilisé 4555 observateurs sur tout le territoire national ainsi que sur les six circonscriptions électorales à l’étranger et a également lancé une campagne médiatique appelant à l’unité nationale et au rejet de la violence suite au discours violent entre les candidats au cours du 2ème tour et des réactions qui ont suivi l’annonce des résultats du 1er tour, incitant au régionalisme.  
 
Abdeljawad El Harrazi, Conseiller juridique de l'association s’est dit étonné par le manque de réactivité de l’ISIE en matière de sensibilisation contre la violence et la division qui ont entaché la campagne électorale.
 
Leila Chraibi a, de son côté, parlé de la campagne, la qualifiant de déloyale : « Elle était supposée débuter le 9 décembre mais nous avons constaté qu’elle a débuté 5 jours avant. Il y a eu également une défaillance au niveau des contrôleurs de l’ISIE puisque les candidats n’ont pas informé les IRIES de leurs activités à plusieurs reprises. Ceci a été relevé à Zaghouan, Sfax, Gabes, Tunis 1 et 2 ».
 
Chraibi a ensuite fait savoir que le deuxième tour n’a pas été exempt d’infractions présumées liées aux dépenses de campagne et à une couverture médiatique inégale selon le média et le candidat.  Si la présence médiatique des deux candidats a été jugée plus ou moins équitable dans les médias publics, ce n’était pas le cas dans les médias privés. Le traitement médiatique des activités des deux candidats n’a pas été neutre selon l’association.
 
L’ATIDE a également observé d’autres dépassements tels que la destruction d’affiches, l’exploitation d’enfants et la violence verbale et physique chez des partisans de deux candidats.
 
Selon Harrazi, de nombreuses violations du silence électoral par les deux candidats ont été relevées. Des graffitis menaçant de recourir à la violence, allant jusqu’à des menaces d’incendie et d’assassinat ont été relevés dans la ville de Hamma. D’autre part, un certain nombre d’observateurs a reçu des SMS envoyés du numéro d’appel 85 125 les invitant à voter pour l’un des candidats à l’échelle nationale.
 
L’ATIDE a relevé aussi de nombreuses infractions pouvant être considérées comme une atteinte au libre choix de l’électeur. Parmi elles, les actes de propagande électorale à l’intérieur des bureaux de vote (4%) et autour des centres de vote. 
 
Dans certains centres, l’ATIDE a relevé plusieurs irrégularités portant atteinte au principe du secret de vote avec des isoloirs trop rapprochés ou près des fenêtres.
Certains observateurs ont  été expulsés des bureaux de vote au cours du processus de dépouillement.
 
Harrazi, a souligné que les observateurs de l’ATIDE ont relevé une amélioration des prestations de l’ISIE notamment au niveau de l’efficacité logistique de l’administration électorale tel que la disponibilité du matériel électoral spécifique aux non-voyants dans 58% des centres observés, la rapidité d’interventions des agents en cas de problème et le remplacement d’un grand nombre d’agents des bureaux de vote pour cause de manque de neutralité ou de compétence.  L’ATIDE a, tout de même, remarqué que certains électeurs n’ont pas pu voter car ils n’ont pas trouvé leurs noms sur le registre bien qu’ils aient voté lors du premier tour.
 
Le point le plus important relevé par Harrazi concerne la note interne transmise par l’ISIE aux IRIES qui consiste à interdire aux observateurs et aux représentants des candidats d’être présents dans les cours des centres de vote : « L’ATIDE déplore le caractère unilatéral d’une décision que je qualifie de dangereuse et non-conforme à la loi » a-t-il déclaré avant d’ajouter : « Nous attendions une réaction de la part des partis politiques mais personne n’a réagi ». L’ATIDE a appelé l’ISIE à revenir sur sa décision mais cette dernière n’a pas répondu à sa demande.
 
A la lumière de l’observation et du suivi des différentes étapes du processus électoral pour le second tour de l’élection présidentielle, l'Association Tunisienne pour l’Intégrité et la Démocratie des Elections recommande à l'ISIE :
 
-          De procéder à un audit du registre électoral.
-          D’appliquer strictement les dispositions relatives au contrôle du financement de la campagne électorale.
-          D’assurer un nombre suffisant de contrôleurs de l’ISIE afin de limiter le nombre de dépassements pendant la campagne électorale et la période du silence électoral.
-          De Veiller à poursuivre les infractions de nature criminelle.
-          De publier les PV de réunions et les délibérations de l’ISIE au JORT comme stipulé dans la loi électorale.
-          De revenir sur la décision restrictive de l’ISIE d’exclure les observateurs des cours des centres de vote.
-          D’être davantage à l’écoute de la société civile, en tenant compte de toutes ses recommandations.
-          De ne plus prendre de décisions qui portent atteinte à la transparence et à l’intégrité de l’opération électorale, notamment celles qui entravent le travail d’observation de la société civile.
-          De réviser la loi électorale et la loi de l’ISIE, pour en combler les lacunes.
-          D’accentuer le rôle de sensibilisation et d’éducation de l’ISIE.
-          D’enquêter sur la neutralité de certaines associations accréditées pour l’observation des élections.
-          D’effectuer une évaluation globale du rendement de l’administration électorale et en tirer les conclusions.
 
Anis Ben Othman