Tunisie/N. Chebbi : "Je ne m’oppose pas au gouvernement de Caïd Essebsi"

Publié le Dimanche 13 Mars 2011 à 19:12
Nejib Chebbi et Abdejelil Temimi."Je ne m’oppose pas au gouvernement de Béji Caïd Essebsi, et je n’ai pas de raisons  de m’y opposer. En quittant le gouvernement, je suis revenu à l’action civile populaire pour préparer mon parti aux prochaines élections de l’assemblée constituante, essayer de remporter le maximum de sièges,  renouveler le PDP et le transformer en un parti populaire, moderne, capable d’être au  pouvoir", souligne Ahmed Nejib Chebbi, leader historique du parti démocrate progressiste (PDP). Invité hier, samedi, par la fondation Temimi, l’ancien ministre du développement régional, livre son analyse sur la révolution du 14 janvier, revient sur son passage au gouvernement et évoque ses projets futurs. A Abdejelil Temimi qui le prévenait que certaines interventions de la salle peuvent être critiques à son égard, cet opposant farouche à la dictature de Ben Ali répond sereinement, "toute ma vie, j’étais l’homme de la différence".

Avant le 14 janvier, Nejib Chebbi a prédit qu’il y ait un grand soulèvement populaire, après les nombreux soulèvements sociaux survenus dans plusieurs régions du pays, mais a été surpris par l’ampleur de la révolution ayant conduit à la chute du régime de Ben Ali. "C’était une révolution populaire et spontanée conduite via Facebook ; sociale à son début, et politique vers la fin. Une révolution dont la force était sa spontanéité, et la faiblesse son manque d’encadrement". Excepté l’ordre des avocats, et certaines initiatives individuelles des structures régionales de l’UGTT, aucun parti, ni encore moins  aucune organisation ne peut prétendre avoir eu un rôle dans l’encadrement de la révolution, souligne Chebbi en citant la direction centrale de l’UGTT qui en prenait carrément le contre-pied, et ses déclarations à la presse sont là pour le prouver.

"L’élite ne s’est pas divisée sur un programme, mais sur des idéologies"

A un moment où les émeutes sociales battaient leur plein, et où des martyrs tombaient sous les balles réelles, Néjib Chebbi était le seul à avoir appelé, le dimanche 9 janvier, à un gouvernement de salut national, à des élections générales et à une transition démocratique en 2014. Une initiative qui paraissait irréaliste à ce moment-là, avoue-t-il. Mais, "l’histoire s’est accélérée et Ben Ali a été déchu dans des circonstances qui restent à élucider : a-t-il eu peur pour fuir, ou a-t-il été obligé de  fuir ?" s’interroge-t-il.

Nejib Chebbi  se rappelle  la première fois où il a été convoqué par Mohamed Ghannouchi, qui lui a alors proposé des réformes tellement insignifiantes, qu’il n’y a pas prêté attention. L’ancien Premier ministre l’a convoqué le jour suivant pour  lui proposer  un gouvernement d’union nationale ;  une idée que Chebbi a posée une semaine auparavant. Un gouvernement qui rompt avec le pouvoir absolu, le despotisme et la mainmise du RCD sur la vie politique. "Lorsque cette idée nous a été proposée, nous n’avions pas la possibilité de refuser, ou de leur dire ôtez-vous pour que l’on s’y mette, d’autant plus que l’ensemble des mouvements politiques, sans exception, étaient loin de pouvoir prendre les commandes, en s’appuyant sur leurs seuls moyens propres".

"Notre participation au gouvernement était une obligation et non un choix pour préserver la  continuité de l’Etat et pour assurer la transition démocratique". A ce moment-là, l’élite s’est divisée, une partie a accepté le contrat pour une transition démocratique dans six mois, et l’autre partie y  a opposé une fin de non-recevoir. Ce désaccord ne s’est pas fait sur un programme, car le front du refus n’avait pas d’alternative, indique-t-il en substance. "L’opposition au gouvernement s’est faite selon des considérations idéologiques, certains partis se sont appuyés sur des forces de l’UGTT pour déstabiliser le gouvernement, et acquérir, par ricochet, une base populaire, une démarche légitime de point de vue partisan, mais inacceptable au regard de l’intérêt national", estime-t-il, en taclant ses rivaux politiques : "certaines de ces forces politiques composaient avec l'ancien régime sous la table".

Selon l’ancien ministre, la moisson du gouvernement est honorable, "pendant 45 jours, on ne s’est pas écarté d’un iota du contrat initial", citant l’amnistie générale, la séparation entre l’Etat et le gouvernement, la signature des conventions inhérentes aux droits de l’homme, "excepté celles sur la peine de mort, et l’égalité dans l’héritage, étant donné qu’elles touchent à la foi et au culte, et ne peuvent être signées en dehors de la consultation des Tunisiens". Nejib Chebbi déplore, néanmoins, le déficit politique du gouvernement Ghannouchi, "qui cédait sous la pression, et était incapable de mobiliser l’opinion publique. C’était un gouvernement, hormis la loyauté, l’honnêteté et la compétence de Mohamed Ghannouchi, qui s’appauvrissait en leadership".  Résultat : l’opinion publique est passée d’une position d’expectative à une position de déception, d’où al-kasbah deux, analyse-t-il.

La suite tout le monde la connait : Mohamed Ghannouchi jette l’éponge, et Béji Caïd Essebsi est nommé Premier ministre. Ce dernier a reçu Nejib Chebbi, après qu’il ne s’entretienne la veille avec une délégation de l’UGTT, et l’informe qu’il a été décidé de renoncer aux présidentielles, et d’organiser des élections pour une nouvelle assemblée  constituante. Chebbi qui dit avoir déjà pris sa décision de se retirer de l’équipe gouvernementale, a vu en cette condition "qui n’existe dans aucune démocratie un nivellement par le bas", et a annoncé sa démission du gouvernement provisoire.
"Ma décision pourrait être interprétée comme une ambition personnelle, mais il faut juger les gens sur leurs actes et non sur leurs intentions", appelle le chef historique du PDP, expliquant qu’un parti d’opposition n’est pas voué à rester éternellement dans l’opposition, mais doit militer pour arriver au pouvoir.

"Je ne cherche ni siège, ni Mercedes"

"En entrant au gouvernement, et après 45 ans d’action politique, je ne cherchais ni siège politique, ni la Mercedes, ceux qui y voient une cupidité, n’ont qu’à ne pas me donner leurs voix", affirme-t-il avec assurance. Et de répondre à ceux qui disent que son image était écornée par son passage au gouvernement : "elle est peut-être écornée auprès de l’élite, mais auprès des catégories populaires, là où je vais, je ne trouve que respect et accueil chaleureux".

A ceux qui lui reprochent d’avoir choisi le portefeuille du développement régional, pour aller dans les régions et mener sa campagne électorale, Nejib Chebbi rétorque que cela fait 25ans qu’il se rend à Sidi Bouzid et son journal al-Mawkef est là pour le prouver. "Le choix de ce portefeuille ministériel répond à mes convictions politiques, j’ai toujours déploré ce développement à deux vitesses, ce fossé entre deux Tunisie, celle du retard et de la marginalisation, et celle qui affiche une espèce de développement." Nejib Chebbi se dit être un enthousiaste invétéré : "lorsque je fais une grève de la faim, je la fais avec enthousiasme, lorsque je défends le gouvernement,  je le fais avec enthousiasme", expliquant avoir fait preuve de pragmatisme politique, en acceptant de faire partie du gouvernement de transition, nonobstant les réserves qu’il avait sur certaines personnalités dont "Moncer Rouissi et à un degré moindre Zouheïr Mdhafer".

Ce ténor de l’opposition tunisienne estime que l’élection d’une assemblée constituante sans encadrement politique pourrait donner lieu à une assemblée dominée par l’esprit de corps et  le clientélisme, d’autant plus que cette assemblée sera appelée à détenir les rênes de l’Etat pendant une période indéterminée qui pourrait aller de quelques mois à trois ans. Nejib Chebbi aurait préféré un processus inversé garant de stabilité : "tout d’abord l’élection d’un pouvoir exécutif issu de la légitimité du peuple, et dans un second temps, l’élection d’un pouvoir législatif émanant de cette même légitimité". D’où sa préférence pour le régime présidentiel, un choix qu’il argumente en citant les expériences des démocraties traditionnelles. Il distingue, à ce titre, deux régimes dominants dans le monde :

Le régime parlementaire, adopté en Grande-Bretagne et en Espagne, deux monarchies. Ce régime repose sur deux grands partis, et confère de grands pouvoirs au Premier ministre. Dans certains pays, où cette organisation autour de deux partis est absente, le régime parlementaire trébuche, à l’instar de l’Italie souvent aux prises avec une instabilité politique. A ses yeux, le régime parlementaire ne sied pas à la Tunisie et risque d’être déséquilibré, compte tenu de la faiblesse des partis politiques.

Le deuxième est le régime présidentiel en place aux Etats-Unis. Ce régime repose sur une plus grande séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif et un pouvoir judiciaire indépendant. C’est ce régime étasunien basé sur l’équilibre entre les pouvoirs qui trouve grâce à ses yeux ; les Tunisiens, eux,  confondent régime présidentiel et régime présidentialiste, despotique, fait-il constater.

Nejib Chebbi affirme que jamais le PDP n’a reçu un  millime d’une partie arabe ou étrangère, "il a toujours vécu avec le dinar tunisien, grâce au journal al-Mawkef", estimant que le financement ouvre la voie à l’ingérence ; "chose que ne peut accepter aucun patriote".

Reste un pincement au cœur suite à la manière dont a été conclue la dissolution du RCD. L’homme ne le cache pas, "non par amour au Rassemblement", un parti qui l’a tant réprimé et opprimé, mais dans un souci de justice. Nejib Chebbi aurait préféré une justice sereine, un procès équitable qui se serait étendu sur des années, à la place de ce procès expéditif, improvisé mené pour répondre à un souhait populaire, et qui plus est, "fait peu de cas de la justice, et montre que les traditions démocratiques ne sont pas encore ancrées au sein de cette institution".

H.J.



 

Commentaires 

 
#37 bravo chebbi
Ecrit par faycal     11-04-2011 22:22
je salut le courage et la clairvoiyance de nejib hebbi et je voterai pour le pdp
 
 
#36 Moi je vote pou lui
Ecrit par Riadh     17-03-2011 23:26
Je le trouve Crédible Je vote pour.
 
 
#35 Quand comprendra Chebbi ?
Ecrit par Si Toyen Ala     17-03-2011 15:59
Salam,

C'est troublant, on dirait que Si Chebbi ne sait -toujours- pas qu'est ce qu'une révolution !
A moins qu'il n'y ai jamais cru, et persiste, ce qui est encore pire.

Il est vrai, à mon sens, qu'il n'est pas cupide ... sauf politiquement ... c'est peut-être légitime, mais pas sur le dos des révolutionnaires ...

Enfin, je me demande que vient faire le facteur temps dans le procès du RCD. Un long procès aurait-il été garant d'équitabilité? Plus que l'expéditif ?

A mon sens, c'est -peut-être- mieux que d'installer des guillotines sur les places publiques ...

Salam.
 
 
#34 RE: Tunisie/N. Chebbi :
Ecrit par zizou     17-03-2011 13:45
Chebi et un vrai politicien pragmatique et courageux il a prit le risque d'entrer dans le coté perdant dé le début j'aime bien cet homme je souhaite qu'il soit notre chef d'état malgré les quelques abus de paroles de sa part ...
 
 
#33 RE: Tunisie/N. Chebbi : "Je ne m’oppose pas au gouvernement de Caïd Essebsi"
Ecrit par FEKAIER BADREDINE     17-03-2011 10:37
j'ai eu beaucoup d'estime pour vous MR Chebbi pour votre droiture et votre franc parlé logique libre et égale et presque adhéré moralement à votre parti par vos positions par rapport à tout d'ailleurs et je vous ai même défendu contre beaucoup de critiques acerbes et je sais pertinemment qu'ils viennent de gens qui ne veulent pas du bien pour le pays (ni démocratie , ni liberté , ni égalité)parce que ces gens ne peuvent se retrouver que dans l'embrouille mais ma plus grande déception est que VOUS REGRETTEz LA DISSOUTE DU RCD ou PSD et c'est dommage , ces deux là ont retardés le pays et sa jeunesse (les quinquagénaires aujourd'hui ) d'au moins trente ans nous avions tout pour devenir développés mais ce sont ces partis qui nous ont empêche d'aller plus loin et non les présidents
 
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