Tunisie/Maghreb/ Etats-Unis : Les non-dits du dialogue stratégique

Publié le Jeudi 03 Avril 2014 à 17:18
Le dialogue stratégique suscite des interrogationsLes Américains ne perdent pas de temps. Au moment même où la session inaugurale du dialogue stratégique entre les Etats-Unis et la Tunisie s’ouvre à Washington ce jeudi 03 avril, sous la houlette de William Burns et de Mongi Hamdi ; John Kerry se trouve à Alger puis à Rabat pour le même motif. Le chef de département d’Etat US co-préside ces jours-ci avec son homologue algérien une nouvelle session du dialogue stratégique bilatéral lancé en octobre 2012, et se rendra dans la foulée au Maroc pour codiriger avec son homologue marocain une session de dialogue stratégique, lancé en septembre 2012.  

Bien que les Etats-Unis mènent ces rencontres de haut niveau séparément avec les trois pays maghrébins, cette concomitance n'est pas due à un hasard de calendrier. Cela procède d’une vision américaine qui considère la région comme un ensemble indissociable, même si la recette préconisée pour chaque pays n’est pas la même.

Trois facteurs expliqueraient en effet le regain d’intérêt américain pour le Maghreb.

Le premier est la recherche de nouveaux alliés, sur qui compter dans une région en pleine mutation et qui, plus est,  confrontée à un défi sécuritaire et à un risque terroriste, avec ce qui se passe en Libye et au Mali notamment, ce qui constitue une obsession pour l’Amérique.  

Le deuxième est d’ordre économique. Dans un contexte de morosité mondiale, les Etats-Unis chercheraient à disputer l’influence sur le Maghreb et l’Afrique du Nord à l’Europe, notamment à la France, dont la région a constitué de tout temps la chasse gardée.

Le troisième facteur du rapprochement américain du Maghreb, a trait à l’inconstance, voire au revirement qui caractérise désormais ses rapports dans le Proche et le Moyen-Orient. Washington n’entretient pas comme naguère des rapports apaisés et de parfaite entente avec les monarchies du Golfe, vu les divergences sur les dossiers iranien et syrien. Idem pour le Moyen-Orient où le pays de l’oncle Sam n’a pas bonne  réputation, spécialement auprès des peuples, vu ses politiques belliqueuses, ses velléités hégémoniques et son allégeance à Israël, préjudiciables à la région.

C’est là que le dialogue stratégique prend tout son sens, a fortiori que les Etats-Unis perçoivent la  région comme un laboratoire, n’ayant pas encore définitivement tracé sa trajectoire, et au devenir inconnu, étant encore en gestation.

Au Maghreb, les Etats-Unis veulent tenter, en apparence, une nouvelle politique basée sur la coopération politique, économique, sécuritaire, technologique, etc., affirmant à l’envi leur souci de démocratiser ces pays, d’y promouvoir les libertés et le respect des droits de l’Homme et de contribuer à leur prospérité économique et à leur bien être social.

Bien entendu, les pays maghrébins n’ont le choix que d’accepter cette main tendue, mais gare à ne pas la confondre avec une œuvre de charité désintéressée.   

Dans les rapports avec les Etats-Unis, c’est le réalisme et le pragmatisme qui doivent primer. L’Amérique est une superpuissance mondiale, qui nonobstant sa crise économique, ses échecs militaires, et la montée de pays émergents qui cherchent à lui ravir la suprématie, garde encore le statut d’un empire au pouvoir, certes contesté, mais incontestable.

La Tunisie, un petit pays qui se débat dans ses difficultés de transition démocratique, fait figure d’un poids plume face à ce colosse qui contrôle le monde. Ses nouvelles relations stratégiques risquent ainsi de lui causer du tort, si elle n’arrive pas à bien négocier ses priorités, et à mettre des lignes rouges à toute velléité d’ingérence.

Ce n’est pas qu’il faille que notre pays se recroqueville sur  lui-même et vive en autarcie, cela est d’autant plus inenvisageable, que la Tunisie a aujourd’hui urgemment besoin d’un soutien étranger pour qu’elle puisse redresser son économie, parfaire sa lutte contre le terrorisme, et répondre aux attentes incommensurables de la population.  Mais elle doit se garder de ne pas transformer sa dépendance forcée mais conjoncturelle de l’extérieur, en une dépendance durable, dont sa souveraineté ne sortira pas indemne.  

Le dialogue stratégique suscite des interrogations. Les Tunisiens ont le droit d’en savoir les tenants et aboutissants, au-delà de ses objectifs avoués, déclinés dans la platitude coutumière, de la consolidation des liens de coopération, d’amitié, de fraternité et tout ce tralala.
H.J.


 

Commentaires 

 
+1 #2 ouvrir les frontieres
Ecrit par salamishka     05-04-2014 21:16
imaginez si on ouvrait les frontières entre le Maroc, l'Algérie, et la Tunisie. Avec notre agriculture et notre finance, l'Algérie avec son gas naturel et ses resources, et la Tunisie deviendrait la Bruxelles du Maghreb pour y installer toutes les administrations. Bien sur, les 3 pays auront leur tourisme. ca ca serait 1 maghreb unifie, fort, et dans 1 futur proche peut facilement se targuer d'être comme l'Europe et les Etats Unis en richesse et développement........c dommage ce quon rate......
 
 
+1 #1 un seul oeil
Ecrit par MLR     04-04-2014 10:04
C'est une bonne analyse, mais pourquoi en Tunisie on regarde toujours le monde d'un seul œil,on a bien peur que le mal arrive toujours par où le soleil se lève.La méfiance est légitime.Mais ouvrons l'autre œil et regardons là ou le soleil se couche,un sirocco de terrorisme qui a balayé et balaye encore la région,des financements,non pour atténuer le chômage et améliorer le quotidien du tunisien,mais pour l'encourager à pratiquer l'extrémisme religieux et envoyer ses enfants mourir pour une cause discutable.Désolation pour un peuple pacifiste et ouvert,mais que certains politiciens profitent de sa naïveté pour instaurer divers sortes de dictatures.
 
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