Tunisie/Loi de finances : L’opposition déplore de ne pas avoir été écoutée

Publié le Jeudi 17 Mai 2012 à 16:24
L'opposition tunisienne est critique envers la loi de finances complémentaire du gouvernement. L’opposition de l’assemblée nationale constituante, dite bloc démocratique, ne mâche pas ses mots pour critiquer la loi de finances complémentaire adoptée il y a tout juste une semaine. "La nouvelle loi n’a pas de vocation sociale, et n’est pas au niveau des aspirations populaires, des exigences de la révolution et des revendications des couches démunies et marginalisées, dit Samir Bettaieb, constituant.

Le mouvement de la voie démocratique et sociale (Coalition d’Ettajdid, du parti du travail tunisien et du pôle démocratique moderniste) et des membres du bloc démocratique de l’assemblée nationale constituante, opposition, ont tenu ce jeudi un point de presse au siège du parti Ettajdid à Tunis autour de la loi de finances complémentaire du gouvernement, qui ne répond pas, selon leurs dires, aux exigences du moment. Ils ont déploré que leurs suggestions n'aient pas été prises en compte par la majorité, l’accusant de ne pas vouloir les montrer comme une force de proposition. Ils ont pointé au passage les procédés de la majorité, ou ce qu'ils ont appelé "le vote par signal".

"Malgré les efforts et les suggestions, nous n’avons pu opérer que des changements minimes sur la loi de finances. Aucun changement n’a eu lieu sur le budget de l’Etat complémentaire", dit Mongi Rahoui, constituant pour le mouvement des démocrates patriotes et membre du bloc démocratique.  Il s’arrête au montant de 1200 millions de dinars qui concerne la confiscation des biens mal acquis, un montant qui manque de précision, ainsi qu’aux dépenses non attribuées s’élevant à 1400 millions de dinars qui restent émaillées d’ambiguïté. L’opposition n’a pas réussi à faire ne serait-ce qu' un seul amendement dans le budget de l’Etat, déplore-t-il.  

Pour ce qui est de la loi de finances, l’opposition est prvenue à introduire des amendements au niveau de certains articles au sein de la commission des finances, même si les rapports de forces restent à l’avantage de la majorité, indique-t-il.

"Le projet de loi de finances devrait renfermer des dispositions à vocation sociale inhérentes au logement, à l’incitation au travail solidaire, à l’aide aux familles nécessiteuses, autant d’actions qui doivent bénéficier d’incitations", souligne Samir Bettaieb, pointant le gouvernement pour ne pas y avoir inscrit des propositions à vocation sociale. "Nous n’avons pas réussi à effacer les crédits des petits agriculteurs, or si nous prenons la carte électorale, nous allons trouver que la majorité des petits agriculteurs et petits pêcheurs ont voté pour Ennahdha", dit-il plus loin.  

Absence d'une stratégie de financement

Noôman Fehri, du parti républicain, ancien d’Afek Tounes, est tout aussi critique. A ses yeux, la loi de finances complémentaire ne met pas la Tunisie sur la bonne voie.  Le constituant procède à une opération arithmétique pour montrer que le gouvernement est dans le tort.

L’effectif des chômeurs avoisine actuellement les 800 mille. Toutes les études internationales montrent que la création d’un poste d’emploi pérenne nécessite 50 mille dinars. Si on multiple 50 mille dinars par 800 mille chômeurs, on obtiendra 40 milliards de dinars, c’est le montant qui doit être injecté sur huit ans, soit 5 milliards de dinars par an, pour pouvoir créer des postes d’emploi, explique-t-il. Cette démarche nécessite une stratégie de financement pour pouvoir lever les fonds. La solution consiste à créer un fonds souverain. C’est un fonds que le précédent gouvernement a qualifié de fonds générationnel. Ce fonds devrait être alimenté, dans un premier temps, par les 2,5 millions de dinars du trésor public. Avec les entreprises qui seront confisquées et d’autres privatisées dans les trois prochaines années, cette somme pourra s’élever à 5 milliards de dinars. Fort de ce fonds, on pourra s’adresser aux bailleurs de fonds :  Banque européenne d’investissements, banque mondiale, etc. et on leur demandera de le financer, ce qui nous permettra d’avoir 10 milliards de dinars, soit 25 % des 40 milliards de dinars nécessaires à la réalisation des grands projets, créateurs d’emploi. Ainsi, on encouragera les investisseurs à aller sur ces projets dont le retour sur investissements est long de cinq à dix ans", souligne en substance le constituant de l’opposition.

"Cette proposition n’a pas été écoutée, et le gouvernement a pris 900 millions des 2,5 milliards pour des actions immédiates", indique-t-il, regrettant l’absence de stratégie de financement du programme du gouvernement.

Noôman Fehri évoque une autre proposition de l’opposition qui n’a pas été prise en compte, relative à la taxe de 5 % sur les revenus, appliquée aux entreprises Télécom. Les opérateurs Télécom sont soumis à une taxe de 5 % sur les revenus, ce qui équivaut à 140 millions de dinars. Cette taxe qui devrait servir à l’amélioration de l’écosystème des TIC, sert actuellement à couvrir le déficit de la poste entre autres, relève-t-il.  Le bloc démocratique a suggéré  qu’un article soit ajouté à la loi de finances complémentaire pour que cette taxe soit affectée à l’objectif pour lequel elle a été créée. Cette proposition n’a pas été acceptée pour des considérations politiques, bien que l’opposition se soit concertée au préalable avec le ministre de tutelle à son sujet, souligne-t-il.

"Malgré cela, nous n’avons pas voté contre le projet de loi de finances, mais nous nous sommes abstenus, pour nous épargner les accusations de diabolisation de l’opposition", dit-il. "Ils veulent montrer que l’opposition n’est pas une force de proposition", fustige Samir Bettaieb.

Exit la loi de finances, la situation des libertés fait, également, grincer les dents de l'opposition. "La situation des libertés ne donne pas satisfaction après ce qui s’est passé à la mosquée Ezzitouna et à l’aéroport de Tunis Carthage", selon Samir Bettaieb. "La mosquée Ezzitouna a fait l’objet d’une opération de confiscation par les wahhabites, et les événements survenus à l’aéroport ont semé le désordre, ( NDLR : lors du refoulement des prédicateurs marocains), indique-t-il en substance. "Le chef du gouvernement a dit que les salafistes sont des Tunisiens et ils ne sont pas venus de la planète Mars, ceux qui sont agressés sont également des Tunisiens et méritent d’être protégés", conclut-il.

H.J.
 


 

Commentaires 

 
#1 RE: Tunisie/Loi de finances : L’opposition déplore de ne pas avoir été écoutée
Ecrit par amel gabès     20-05-2012 21:54
il serait intéressant de connaître les actions immédiates prévues: payer leurs futurs électeurs!!!
 
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