Justice transitionnelle : Retour imminent sur les exactions du passé

Publié le Lundi 09 Juin 2014 à 17:51
Plein engagement des trois présidents à faire réussir le processus de justice transitionnelle. L’installation de l’instance Vérité et Dignité fait l’objet d’une conférence internationale, dont les travaux se sont ouverts ce lundi 09 juin au  ministère des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle, en présence des trois présidents. L’instance est investie de la lourde tâche de révéler les vérités sur les exactions du passé, de questionner et juger les coupables, de rendre justice aux victimes, et d’éviter que de nouvelles blessures ne naissent sur les anciennes cicatrices, afin de rendre possible la réconciliation.

La révolution est intervenue comme demande de justice et d’équité face aux innombrables injustices commises contre des courants politiques, des associations et syndicats, des forces économiques et des Tunisiens qui ont vu leurs droits et libertés bafoués, a déclaré en substance le président Moncef Marzouki à l’ouverture de cette rencontre.

Il a souligné que "la  justice transitionnelle était au cœur du conflit qui s’est exacerbé entre révolution et contrerévolution, tout autant qu’au sein même de la révolution où les positions n’étaient pas toujours homogènes entre ceux qui en caressent les valeurs et les rêves".

"Nous ne voulons pas de justice vindicative" (Marzouki) 

A ses yeux, le retard enregistré en matière d’instauration des mécanismes de justice transitionnelle, et la difficulté de traduire ce projet dans les faits ne sont pas fortuits ; ils reflètent "la difficulté de concilier des volontés antinomiques".  

Le chef de l’Etat a appelé à ne pas perdre de vue un certain nombre de principes. "Trois ans après la révolution, on n’a pas constaté un recul du sentiment d’injustice éprouvé par notre peuple, a contrario, plusieurs indices montrent une recrudescence du sentiment d’injustice et d’abattement", a-t-il fait constater, évoquant "les vagues de colère survenues suite aux verdicts émis dans les affaires des martyrs et blessés de la révolution". Il faut que l’on tienne compte de ce profond sentiment, le fait de le sous-évaluer peut conduire à son exacerbation, et à des explosions dont les conséquences seront graves, a-t-il mis en garde.  

La demande de justice est une première revendication de la révolution. "C’est une nécessité psychologique que les Tunisiens sentent que leur Etat n’opte pas pour les deux poids, deux mesures et tend à leur rendre justice, qu’il n’y pas d’impunité en Tunisie, et que personne ne peut être au dessus du questionnement. Tout cela est de nature à réconforter et à remonter le moral aux familles des martyrs et blessés de la révolution", a-t-il fait valoir.

Marzouki a encore souligné que la concrétisation de la justice transitionnelle est une obligation politique. "On ne peut construire un régime démocratique sain et durable, si l’on ne procède pas à un diagnostic des erreurs du passé, et que l’on ne se dote pas de lois et institutions qui empêchent qu’elles ne se reproduisent".

 La justice a deux composantes principales : l’indemnisation de la victime et la punition du coupable, a-t-il souligné, faisant remarquer qu’"à mesure que le taux de la sanction augmente, et le taux de l’indemnisation diminue, on sera devant une justice vindicative, de type primitif, à l’inverse, si le taux d’indemnisation augmente et celui de la sanction baisse, on est face à une forme civilisée de justice dont le faîte est la justice transitionnelle".

"Nous ne voulons pas de justice vindicative dans ce pays, mais une justice transitionnelle", a-t-il affirmé. Mais, "si la justice transitionnelle ne joue pas son rôle pour résorber le sentiment d’injustice, si les coupables ne reconnaissent pas leurs erreurs et ne s’en excusent pas, on n’empêchera pas le retour de la justice vindicative qui ne fera qu’aggraver les choses et exacerber la tension sociale", a-t-il averti, exprimant l’intention de la présidence de mettre l’ensemble de ses dossiers à la disposition de l’instance.   

"L’instauration de la justice est plus difficile que le démantèlement de l’injustice"
Mustapha Ben jaâfar a affirmé que (les responsables politiques) ont œuvré dès le début du processus constitutif à parachever ce que les jeunes de Tunisie ont commencé, à concrétiser les finalités de la révolution via la consécration du concept de justice, la préservation des droits et des libertés dans leur humanisme et leur universalité, et l’instauration des fondements et des institutions de la démocratie dans le cadre du respect de la loi.  

"On ne peut construire l’avenir et dépasser le legs du passé qu’en rendant justice à tous ceux qui ont été opprimés, en les écoutant, en reconnaissant leurs droits, et en les réhabilitant à travers le questionnement et la reddition des comptes, et la préservation de la mémoire nationale", a-t-il noté.

Il a ajouté que l’oppression et les violations des droits de l’Homme n’intéressent pas les victimes et leurs familles uniquement mais la société dans son ensemble, dans la mesure où elles menacent la paix civile et l’unité nationale. "L’Etat se doit de tirer les leçons du passé et garantir que ces violations ne se reproduisent pas. Il doit œuvrer à protéger les droits et libertés, et réformer les institutions", a-t-il dit, signalant : "notre priorité était aussitôt la constitution votée de mettre en place les attributs de la justice transitionnelle et de la réactiver afin d’éviter l’impunité, de garantir les droits des victimes et de consacrer la suprématie de la loi".

Pour Ben Jaâfar, l’adoption par l’Assemblée nationale constituante le 24 décembre 2013 de la loi régissant la justice transitionnelle a marqué un pas important sur la voie de la construction d’un processus global en la matière. "Cette loi a été conçue d’une manière participative avec la société civile et a mis un temps important pour écouter les différentes parties, s’inspirer des expériences comparées et prendre en ligne de compte des dispositions de plusieurs textes et traités internationaux." 

A travers l’installation de l’Instance vérité et dignité, on instaure le plus important mécanisme institutionnel en matière de processus de justice transitionnelle, a-t-il noté, signalant que "l’instance est indépendante, dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière et administrative, travaille dans le cadre d’une totale neutralité et personne ne peut s’immiscer dans ses travaux ou en influencer les décisions".  

Il a rappelé que l’instance aura pour tâche "de révéler la vérité de la période s’étalant du 1er juillet 1955 jusqu’à la parution de la loi  sur la justice transitionnelle. Elle aura pour mission de recenser les violations, de délimiter les responsabilités des appareils de l’Etat et des différentes parties concernées par les exactions, et de  proposer les solutions à même de prévenir que de telles exactions ne se reproduisent. Elle doit reconnaitre ce à quoi les victimes ont été exposées, les indemniser, les réhabiliter". Dans le cas où de graves violations contre les droits de l’homme sont prouvées,  les dossiers seront transférés au parquet, a-t-il noté.

Ben Jaâfar a appelé la société civile à plus de vigilance et de participation constructive pour faire réussir le processus de justice transitionnelle, évoquant le travail immense, historique et décisif  confié à l’instance.

L’instauration de la justice est plus difficile que le démantèlement de l’injustice, a-t-il reconnu, appelant "à dépasser le legs du passé dans le cadre "d’un processus participatif basé sur le triptyque du questionnement, de la reddition des comptes et puis de la réconciliation afin que l’on puisse construire l’avenir sur des fondements solides".

17 juin : Première réunion de l’instance
Le chef du gouvernement, Mehdi Jomaâ, a noté d’emblée que l’installation de l’Instance Vérité et Dignité constitue une étape importante sur la voie de l’instauration de la justice transitionnelle fondée sur la compréhension et le réexamen du passé, fait de grandes violations, de manière à instituer un avenir à même de traiter les causes de ces exactions, d’éviter qu’elles ne se reproduisent, et consacre les droits de l’Homme dans le cadre d’un dispositif institutionnel complet.

Jomaâ a mis l’accent sur l’importance "de révéler la vérité des violations, de déterminer les crimes y inhérents, de juger ceux qui en ont été impliqués, de reconnaitre la souffrance des victimes, et de leur assurer une réparation matérielle et morale".

Il a affirmé que le processus de Justice transitionnelle avance à pas constants, et que l’instance va entamer ses travaux, annonçant que la première réunion de l’instance aura lieu le 17 juin. "Nous réitérons notre détermination à doter l’instance de tous les moyens de travail, nous œuvrons en coordination avec les structures concernées à l’aider à préparer son budget, et à prendre toutes les dispositions afin qu’elle commence sa mission", s’est-il engagé.

Il a annoncé que conformément aux dispositions de la loi sur la justice transitionnelle, l’ensemble des services, des instances et des institutions de l’Etat sont engagés à faciliter les missions de l’instance, et lui fournir les données nécessaires, afin qu’elle puisse accomplir au mieux, ses prérogatives, soulignant que la présidence du gouvernement va doter l’instance d’un siège équipé afin qu’elle entame immédiatement ses travaux, et puisse mettre en place son appareil exécutif et préparer son budget et ses programmes d’action.   

Cette étape appelle à réformer les instituions, à empêcher que de nouvelle violations des droits de l’Homme ne surviennent, en agissant sur les causes de l’apparition de la répression, de la corruption et du despotisme, ce qui est de nature à déboucher sur une réconciliation nationale, de réaliser la transition démocratique, d’instaurer les principes des droits de l’Homme, et d’instituer la suprématie de la loi, a-t-il dit.

Le peuple tunisien a choisi le processus de justice transitionnelle, après un large dialogue national auquel toutes les parties ont participé sans exclusion, dont des associations de la société civile, des associations des victimes, des personnalités nationales, des partis et organisations nationales, ce qui a mené à l’adoption de la loi sur la justice transitionnelle, a-t-il indiqué.
 
Le fait de tourner la page des violations et des injustices relève de notre responsabilité à tous, pouvoir, instance, société civile, a-t-il souligné, renouvelant sa confiance dans la capacité des loyaux au sein du peuple tunisien à réaliser ce noble objectif de la révolution tunisienne, et à sécuriser la transition démocratique.

Gnet


 

Commentaires 

 
+2 #3 Alors maintenant!
Ecrit par Léon     10-06-2014 15:57
C'est le moment idéal. En effet, mes chers compatriotes, vous remarquerez qu'en trois années de pouvoir, cette démocratie a tué bien plus de salafistes que ne l'ont fait les 23 années de Ben Ali. Sans compter que si la révolte de 2011 a eu lieu c'est bien parce que le tunisien a atteint un degré de quiétude et de confort qu'il s'est mis à aspirer aux acquis des peuples développé.
Mais qu'ont fait les actuels avec l'appui des haineux, sinon que d'endetter le pays et lui faire perdre toute dignité. Car un pays qui perd sa souveraineté par les dettes est un pays qui a perdu sa dignité.
Don ceux lieu de demander des comptes aux anciens faites vos propres comptes. Après tout les anciens sont partis et les clefs vous ont été remis par je ne sais quelle instance mondiale obscure.
Ne tirer pas trop sur la ficelle, car la patience des patriotes a des limites. J'espère pour vous que vous n'aurez jamais à découvrir la fin de leur patience.
Non mais je rêve! Non seulement ils foutent le pays en l'air; non seulement ils sont imposés par des tiers occidentaux et en plus ils demandent des comptes à la Tunisie prospère et souveraine qu'ils n'arriveront JAMAIS à égaler.
Sachez que ceux qui avec des bâtons pour seules armes ont sorti la colonisation du pays, sont capables de vous xxxxxxxx, vous et vos maîtres, bande de traîtres!
Léon qui veille sur la souveraineté du pays.
VERSET 112 de la SOURATE des ABEILLES.
 
 
+3 #2 kolhom ithassbou
Ecrit par tahyaa tounes     10-06-2014 08:44
hakna nebdou 2014 essaa ou ahna habtine
 
 
+4 #1 foutaises
Ecrit par Royaliste     10-06-2014 03:34
@ Marzouki, l’indemnisation de la victime ou comment vider les caisses de l'Etat et enrichir les politiciens et leurs amis

@ Benjaafar : quels droits de l’Homme pour ceux qui ont massacré nos soldats et brulés nos concitoyens?
 
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