Tunisie/Exclusif : le bâtonnier rompt le silence et accuse (Vidéo)

Publié le Lundi 03 Octobre 2011 à 14:00


Me Abderrazek Kilani tire la sonnette d’alarme sur l’état de la justice, et appelle instamment à une purge du corps de la magistrature, afin de rompre avec les pratiques du régime déchu et promouvoir une justice impartiale et indépendante. Le bâtonnier de l’ordre des avocats, aux apparitions médiatiques rares, a été l’invité des rencontres politiques de Gnet. Il répond sans ambages aux questions qui alimentent la controverse depuis le 14 janvier, dont ce dossier des juges corrompus que la justice traîne comme un boulet. "Aucune mesure sérieuse n’a été prise pour assainir le corps de la magistrature", regrette-t-il amer, tenant le gouvernement pour responsable, spécialement le ministère de la Justice, et le ministre en personne.

"Le gouvernement n’a rien fait et le ministère n’a rien fait pour assainir la justice. Il est  de mon devoir de tirer la sonnette d’alarme, mais aussi  de dire que du côté des partis politiques, ce  volet très important de l’assainissement du corps de la magistrature en vue d’une véritable justice indépendante, n’a pas été au centre des préoccupations des principaux partis politiques", souligne le bâtonnier. Réagissant à l’appel du  Juge Ahmed Rahmouni, président de l’association des magistrats, d’écarter 214 juges, il estime que la question ne se pose pas en nombre. "La question est de savoir si l’administration de la justice assume son rôle ou pas, celle-ci est dotée d’une inspection. Il est malheureux et regrettable de constater que c’est la même équipe de Béchir Tekkari, qui occupe la position de l’inspection au sein du ministère. Il est tout à fait normal que rien n’a changé et avec cette équipe, rien ne pourra changer". Me Abderrazek Kilani se dit écœuré que cette même équipe ait supervisé le colloque international organisé récemment autour de la Cour pénale internationale. "La CPI est venue pour présenter sa principale action qui est celle de lutter contre l’impunité. Or, ceux qui faisaient la propagande du régime Ben Ali, qui préparaient les textes anti-terroristes et touchant aux libertés, qui faisaient les discours de Leila ben Ali, ce sont ceux-là mêmes les principaux organisateurs du colloque", regrette le bâtonnier qui a fait part de son indignation au ministère ainsi qu’aux coorganisateurs du colloque, en l’occurrence l’administration de la CPI.

"J'ai refusé le portefeuille de ministre de la Justice"

Mais pourquoi tant de tergiversations et d’atermoiements en matière d’assainissement de la justice, qui en est le responsable, est-ce le ministre en personne ? "Il est certain qu’il en est le premier responsable, mais je pense qu’autour de lui, il y a d’autres responsables. Les plus proches collaborateurs qu’il a choisis l’ont mal orienté, c’est ce qui fait que la situation est ce qu’elle est", regrette-t-il.  "Si j’étais à sa place, les choses auraient été très simples", dit le bâtonnier qui a décliné le portefeuille de ministre de Justice. "On m’a proposé de remplacer le ministre, j’ai eu un temps d’hésitation, et puis j’ai refusé, car je ne pouvais pas agir en deux mois".

Le bâtonnier se souvient le jour où il a rencontré Mohamed Ghannouchi, alors Président par intérim, c’était le 15 janvier. "J’étais accompagné de mon conseil de l’ordre, et la première chose sur laquelle nous avons insisté, c’est qu’il faut l’assainir la justice. Car c’est elle qui constitue la garantie de toute démocratie. Nous avons appelé à prendre des mesures urgentes, notamment de limoger ou de traduire devant le conseil de discipline les juges qui étaient notoirement connus pour leur corruption. Les responsables au niveau de l’inspection avaient des registres où sont inscrites les plaintes contre les avocats, ils auraient pu démarrer, à partir de là, l’opération d’assainissement".

Me Abderrazek Kilani...  ...le bâtonnier de l’ordre des avocats.

"Si j’étais à la place de Si Rahmouni, je serais allé tout droit au but
"
Le bâtonnier ne partage pas la position du juge Rahmouni qui évoque l’existence d’une liste des juges impliqués dans des affaires de corruption administrative, mais elle ne sera pas rendue publique, pour éviter toute forme de diffamation. "On est dans une situation de révolution, la jeunesse a évincé le premier responsable du pays, est-ce qu’on va hésiter à évincer ceux qui étaient ses complices. Si j’étais à la place de Si Rahmouni, je serais allé tout droit au but, pour dire voilà les corrompus, voilà leurs dossiers, voilà ce qu’il faut faire, il y en a ceux qui sont connus, ceux qui ne le sont pas".

Minimisant la portée des désaccords entre le syndicat et l’association des magistrats, étant entendu que "la justice ne concerne pas uniquement les magistrats, mais tout citoyen", le bâtonnier aurait souhaité que les magistrats soient unis dans l’intérêt du pays. Il regrette que les institutions des magistrats aient failli à leur devoir de réserve. "Un magistrat qui se trouve sur les plateaux, donnant des déclarations, sort de sa réserve. Un magistrat doit être impartial, il ne doit pas se mêler de politique", souligne-t-il, ajoutant : "on a l’impression que les magistrats confondent leur rôle de syndicaliste avec leur devoir de réserve, et cela a terni l’image de la justice et de la magistrature".

Quid de l’état du barreau, ne compte-t-il pas, à son tour, des avocats véreux et corrompus ? "Dans tous les corps de métier, il y a des véreux et des corrompus", rétorque le bâtonnier, évoquant des cycles de formation organisés pour les jeunes avocats pour leur inculquer les règles de déontologie. Et les anciens corrompus ? "Lorsque je reçois le dossier d’un avocat corrompu, je veille à ce qu’il soit traduit devant le conseil de discipline, l’essentiel est d’avoir les dossiers", dit-il, reconnaissant qu’un travail énorme reste à faire en la matière. Me Abderrazek Kilani s’insurge contre la commission d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation d’Abdelfattah Omar. "La commission  a parlé de listes d’avocats impliqués avec l’ancien régime, mais a refusé de nous remettre le rapport. Nous en avons demandé une copie au procureur, mais nous avons été déçus par son contenu, nous n’y avons rien trouvé de concret sur le degré de corruption des avocats. Pendant la période 2000-2010, il n’y avait rien, c’est le vide. Me Belkhamssa, membre de la commission a lancé des accusations sur la chaîne Hannibal contre les avocats", preuve que la commission détient des preuves à charge qu’elle refuse de transmettre dit-il en substance, ajoutant avoir envoyé une lettre de rappel à la commission avec un CD contenant les déclarations de Me Belkhamssa, mais la commission n’y a pas donné suite.

Revenant sur un sujet non moins controversé, celui de l’adoption du décret-loi organisant la profession d’avocat, Me Abderrazek Kilani s’explique : "il y avait des mesures urgentes à prendre pour que l’institution du barreau ne s’effondre pas. Si le texte n’était pas intervenu, la caisse de retraite et de prévoyance des avocats aurait pu s’effondrer dans peu de temps".

Le bâtonnier dit avoir plaidé pour une justice transitionnelle dès le départ auprès de Mohamed Ghannouchi.  "L’avantage de la justice transitionnelle est de ne pas laisser les gens dans l’attente. Il y a des personnes qui occupent des postes très importants de responsabilité aussi bien au niveau de la justice qu’au niveau de la sécurité et du ministère de l’Intérieur. Elles demeurent toujours sous le coup d’une menace d’être un jour appelées à rendre compte de ce qu’elles ont fait lorsqu’elles étaient sous les ordres de Ben Ali. Il faut tourner cette page définitivement et la justice sert justement  à cela. Malheureusement, ça n’a pas été fait".

Avec la nouvelle configuration politique, le bâtonnier prédit un barreau de moins en moins politisé. Même s’il "demeure toujours le rempart pour défendre la démocratie et les libertés". Interrogé sur ses aspirations politiques, et s’il acceptait un portefeuille de ministre au lendemain des élections, il rétorque avec diplomatie : "pour le moment je suis bâtonnier, j’ai une responsabilité à l’égard de mes confrères. Quand ils m’ont élu, c’était pour défendre leurs intérêts pas pour devenir ministre. Il est vrai qu’une partie de la mission pour laquelle j’étais élu a été réalisée. Si demain j’étais appelé à exercer des fonctions autres que bâtonnier au service de mon pays, je crois que mes confrères seraient fiers que leur bâtonnier assume cette mission.
H.J.


 

Commentaires 

 
#8 Election se trosformera en Sélection amicale...
Ecrit par UPL Tounes     18-10-2011 20:25
Un gouvernement qui manipule la justice pourra trafiquer les élections...

Nous pensons fortement que les élections ne débouchera à RIEN...

La Tunsie restera la Tunisie... Censure dons Dictature.
 
 
+1 #7 DROLE
Ecrit par FAN     05-10-2011 00:19
NETTOIE DEVANT TA PORTE!!!
 
 
+2 #6 Soyons honnêtes
Ecrit par khammous     04-10-2011 23:43
La justice est un tout Il y a dedans des magistrats et aussi des avocats si elle est corrompue pourquoi voulez vous nous faire croire qu'il n'y a que les magistrats qui le sont çà n'a ps de sens c n'est pas honnête D'ailleurs le décret loi sur les avocats est une arnaque constitutionnelle Si j'étais député à la constitutante je le remettrais en cause et le discuterai à nouveau Vous voyez Mr le bâtonnier c'est pas aussi simple Il vaut mieux revenir à votre silence....
 
 
+2 #5 Mr le BATONNIER
Ecrit par salahdine     04-10-2011 22:49
D'où sort cet homme, il était caché,docile et conciliant avec l'ancien régime, maintenant il se dresse en donneur de leçon et ouvre bien grand sa bouche aujourd'hui, alors qu'il aurait dû le faire lorsque le peuple en avait besoin. (...) !!!
 
 
+4 #4 sens inverse
Ecrit par tounsi min tounes     04-10-2011 12:26
le bâtonnier rompt le silence!!!! pourquoi maintenant!!!!!
 
Ces commentaires n'engagent que leurs auteurs, la rédaction n'en est, en aucun cas, responsable du contenu.