Tunisie/Climat socio-économique : Caïd Essebsi lance un cri de détresse

Publié le Mardi 26 Avril 2011 à 13:36
Béji Caïd-Essebsi, Premier ministre.Béji Caïd-Essebsi, Premier ministre  du gouvernement provisoire, a dévoilé ce matin, lors d’une conférence de presse, le projet d’amendement du gouvernement du code électoral. Celui-ci consiste à décréter l’inéligibilité des anciens cadres du RCD dissous aux prochaines élections du 24 juillet ayant exercé au cours des dix dernières années, au lieu des 23 ans décidés initialement par la haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la transition démocratique et de réforme politique, la liste des personnes exclues de la course électorale sera fixée par un décret présidentiel.

Le Premier ministre a rappelé que "la haute instance a un rôle consultatif, et que le gouvernement a tenu compte de ses propositions en les amendant, au nom de l’intérêt général, et conformément à la nature du Tunisien connu pour son sens de la modération, de l’ouverture et de la tolérance". Il a qualifié le code électoral adopté par la haute instance "d’important", dans la mesure où "il offre des garanties pour que les prochaines élections soient démocratiques, transparentes et libres".

Le scrutin de liste choisi par l’instance donne,  selon ses dires,  "des chances de réussite aux grands et petits partis ainsi qu’aux indépendants". Il a qualifié le principe de parité introduit par cette loi électorale de "révolutionnaire". Reste un point discutable et contesté, a-t-il dit en substance, celui relatif à l’inéligibilité des personnes ayant occupé des postes de responsabilité au sein  des structures du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) dissous.

"Inéligibilité: Une période de 23 est inadmissible et cruelle"

Cette clause pose des problèmes d’exclusion. Si la période de 23 ans était retenue en termes d’inéligibilité, tout le peuple tunisien serait concerné, car tout le monde a adhéré au 7 novembre 1987, a-t-il signalé. Avec cette interdiction, des personnalités comme Mohamed Charfi, ou Dali Jazi s’ils étaient en vie,  ou encore Saâdoun Zmerli, ex-Président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) seraient inéligibles, a-t-il ajouté, indiquant que certains anciens responsables ont été persécutés par l’ancien régime. Le Premier ministre a rappelé que le gouvernement actuel s’est engagé à ne pas se présenter aux élections, dans un souci de crédibilité, affirmant que ce même gouvernement n’a de lien ni avec le régime Ben Ali, ni avec le RCD qui a été dissous à sa demande, suite à un procès en 1ère instance, en appel et en cassation, cette page est donc définitivement tournée. "Le gouvernement agit dans le cadre de l’intérêt général et non selon des principes partisans étriqués".

Tout en reconnaissant que la responsabilité des anciens cadres du RCD est établie, le Premier ministre a indiqué que "la période de 23 est inadmissible et cruelle". D’où la décision de la modérer. Il  a été donc décidé d’exclure des élections les membres et les attachés du cabinet présidentiel, et les conseillers du Président déchu qui ont indubitablement participé à la prise de décision, car "sous l’ancien régime il y avait deux gouvernements : un gouvernement à la Kasbah et un gouvernement à Carthage", et de décréter une inéligibilité des anciens responsables ayant occupé des postes de responsabilité au sein des structures du RCD pendant les dix dernières années ; une liste de ces noms sera ainsi fixée par décret du Président par intérim ; "cette liste sera objective et publiée au moment opportun".  

Les accusations adressées au gouvernement sont fallacieuses

Le Premier ministre a rendu hommage en préambule aux deux autres commissions, celle d’établissement des faits sur les dépassements survenus lors des derniers événements, et celle d’établissement des faits sur les affaires de corruption et de malversation. Il a qualifié de "fallacieuses" les accusations adressées au gouvernement de  laisser les coupables de corruption en liberté. "Ce gouvernement n’utilise pas les méthodes despotiques, et n’arrête pas les gens sans jugement, comme le faisait l’ancien régime". Il a fait savoir que la commission a reçu jusque-là 6 mille dossiers dont 1010 ont été transférés à la justice, que les suspects ont été interrogés par la justice, certains ont fait l’objet de mandats de dépôt, d’autres ont été maintenus en liberté. "On est en train d’avancer sur ce dossier à des pas sûrs, mais il faut distinguer rapidité et précipitation".

"Ca ne peut plus durer, nous sommes en train de couper avec l'avenir"

Le Premier ministre a lancé un cri de détresse quant à la gravité du climat socio-économique qui prévaut à l’heure qu’il est, dénonçant les agissements inadmissibles comme la poursuite des sit-in, des mouvements de grève et autres manifestations qui nous mènent sur la mauvaise voie. "Ce climat nous empêche de réfléchir à des programmes pour faire revenir les investisseurs, et relancer les investissements". Il a évoqué certains exemples d’actions sociales très graves pour le présent et l’avenir du pays, dont celles qui touchent une usine de gaz à Sfax, qui assure une grande partie des besoins du pays en gaz et en électricité, la fermeture du port par les pêcheurs à Kerkennah et l’arrêt de la traversée du ferry boat Elloud entre Kerkennah et Sfax, les opérations de blocage des routes et des voies ferrées, 110 actions de ce genre sont survenues. "Avec tous ces agissements, nous qui cherchons à rompre avec le passé ; sommes en train de couper avec l’avenir", a-t-il prévenu.

"Il ne suffit pas de se faire pousser une barbe pour être musulman
"
Béji Caïd-Essebsi a également évoqué le cas des migrants tunisiens sur l’Ile de Lampedusa, rappelant que l’Italie a accordé, suite à un accord avec la Tunisie, des permis de séjour temporaire aux 22 mille migrants. "Les migrants tunisiens ont crée une crise en Europe et la France va quitter Schengen à cause d’eux". "Lorsque les commanditaires de ces traversées clandestines ont été arrêtés à Zarzis, les habitants se sont soulevés et ont même agressé les autorités, et après lorsque leurs enfants meurent en haute mer, ils viennent nous demander de leur ramener les corps", a-t-il regretté. Le chef du gouvernement de transition a, de surcroît, dénoncé les prières de rues, le fait "de dégager" des imams pour les remplacer par d’autres. Il a déploré qu’aucun parti n’ait réagi à ces dépassements et en a appelé à la conscience du Tunisien pour respecter le sens "de cette révolution bénie", dont l’onde de choc a touché l’Algérie,  l’Egypte, la Libye. "La révolution n’est pas la démocratie ; elle peut mener aux conflits, à la discorde et au bain de sang, comme elle peut déboucher sur l’instauration d’un régime démocratique", a-t-il indiqué.

Le gouvernement s’engage à respecter la date du scrutin
Répondant aux questions des journalistes, le Premier ministre a  déclaré que "le gouvernement s’engage à respecter la date du 24 juillet, qui est une échéance raisonnable,  pour la tenue des élections de l’assemblée constituante. "S’il existe certaines formations politiques qui appellent à la reporter, ceci ne relève pas de la responsabilité du gouvernement". Pour ce qui est du rapatriement du Président déchu et de sa femme, "le gouvernement a fait toutes les démarches au niveau diplomatique, a-t-il souligné, faisant remarquer que "la Tunisie ne peut pas obliger un autre pays de faire quoi que ce soit".

Sur une question relative à Bourguiba, au  regain d’intérêt autour de sa personne, et aux causes qui font que ce même hommage ne soit pas rendu aux autres leaders tunisiens, l’ancien compagnon du combattant suprême a asséné que "Bourguiba est un grand leader, qui a des qualités et des faiblesses" invitant à la lecture de son livre "le bon grain et l’ivraie" pour comprendre ce personnage. "Je ne vois aucun inconvénient que d’autres leaders soient célébrés, dont Salah Ben Youssef, si c’est à lui dont vous faites allusion", a-t-il répliqué, un tantinet candescendant.
H.J.


 

Commentaires 

 
#33 BCE a raison
Ecrit par gaha chiha     29-04-2011 10:14
J'aurai bien aimé avoir l'optimisme de monsieur Ninou, mais comment l'être alors que nos lycées sont incendiés, nos facultés en veilleuses, nos usines pillées, les sit-in dans chaque route, les manifestations au quotidien et les voyous sèment la panique partout...Je vois même aujourd'hui des professeurs d'université chercher à fuir le pays, des investisseurs lâcher tout... Moi, professeur, je ne sais plus où donner la tête. Perturbé, angoissé, je ne travaille plus.
Il a raison BCE de sonner l'alarme. Alors que le pays fonce dans un mur, les opposants de tous bords font de la surenchère et l'instance de Ben Achour joue aux Che Guevara et aux révolutionnaires!
Je suis aussi avec BCE quant à sa position vis à vis des RCDistes. Ces derniers, ceux qui n'ont rien fait qu'appartenir à ce parti et partager ses idées et ses idéaux, n'ont pas à être exclus car la vindicte n'a jamais permis à un pays d'avancer...
 
 
#32 BCE à la retraite!
Ecrit par Ben Arfa     27-04-2011 19:29
سي الباجي كيف رشام الكارطة يتفرج و يرشم ناسي اللي هو المسؤول على الأمن و الإنتاج و العمل . آما هو كل مرة يعطينا كليمة "بن على زرتى خيانة عظمى" و "هيبة الدولة" و الفعل يجيبو ربي . قالك ما عادش نستعملو العنف مع المجرمين و المخربين مبروك عليهم و نعلمهم اللي ما زالو 4 و اللا 5 شركات تخدم باش يكملو عليهم. كيفاش يحب الاستثمار يتحرك بالقدرة و هو ما يعاون بشيء
آما المصداقية يقول نهبطو نسبة النساء ل30% تاقفلو سناء و بشرى و يكلمو آلان جوبي يتراجع في لحظة. تبارك على هيبة الدولة .
 
 
#31 RE: Tunisie/Climat socio-économique : Caïd Essebsi lance un cri de détresse
Ecrit par lecteur     27-04-2011 14:35
la lutte contre le manque de civisme doit être une priorité aussi
 
 
#30 La trique
Ecrit par eshmoun     27-04-2011 12:06
Comme mehdi j'en viens à me demander, à la lumière du chaos rampant que vit notre pays si nous pouvons encore nous passer du père-fouettard et de sa trique (et encore !) pour nous conduire à-peu-près correctement et surtout de manière responsable afin que Ce "CHANGEMENT" en soit vraiment UN ...Il n'est que de constater la dégradation du comportement intolérable de nombre-en progression hallucinante -de... citoyens? et citoyennes ?(y compris voilées)... au volant ;sans parler bien sûr , et pêle-mêle , des exactions vols agressions actes de vandalisme gratuits de toute sorte (voir par exemple les dégradations infligées aux terrains aussi bien agricoles que archéologiques bordant le cimetière américain de carthage et aux parcs aménagés ds la capitale...et probablement dans tout le pays ....Et gare à celui qui,prenant au sérieux son rôle citoyen ds la cité ,se permettra de donner en toute sérénité et sans esprit de provocation une leçon de citoyenneté !il sera vertement remis à sa place ou tout au moins considéré comme un débile simple d'esprit....qui n'a pas compris que..."Ben Ali a dégagé"(sic).La trique et le père fouettard ? n'aurions nous pas encore rompu avec cette culture?
 
 
#29 Cri de détresse
Ecrit par the one     27-04-2011 11:28
Mr Caid Essebssi n'a rien ajouté de nouveau, au contraire il nous vraiment choqué avec ces propos concernant l'inéligibilité envers les RCDistes sans oublier ses commentaires un peu mal placé pour certaines questions.

Concernant le sujet économique, je crois que les tunisiens sont souciants de la gravité de la situation mais on ne voit pas que le gouvernement transitoire entrain de bouger surtout dans les régions profondes. on doit attendre l'après 24 juillet pour voir si le pays va s'en sortir de cette crise.
 
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