Tunisie/Armée : Flash-back sur le complot présumé de Barraket Essahel

Publié le Mardi 27 Novembre 2012 à 17:16
L'armée frappée de plein fouet dans l'affaire de Baraket Essahel. Barraket Essahel, une affaire qui marque un épisode sombre des années de plomb vécues par la Tunisie. Mohsen Kaabi, ingénieur capitaine et ex-professeur de sciences militaires à l’académie militaire, l’un des accusés dans ce complot monté de toute pièces en 1991 contre les gradés de l’armée, est revenu ce mardi sur les péripéties tragiques de cette affaire, qui a fait des morts, des infirmes, fait voler en éclats des carrières militaires et détruit des vies, au milieu d’un total black-out médiatique.

Mohsen Kaabi donnait son témoignage pour l’histoire,  lors d’une conférence intitulée  "Complot présumé de Baraket Essahel : dépassements et violations", organisée par le centre d’études Islam et Démocratie.

"Le 22 mai 1991, Abdallah Kallel, ex-ministre de l’Intérieur, a annoncé lors d’une conférence de presse la découverte d’un complot perfide contre la sûreté de l’Etat, et l’arrestation des coupables qu’il a qualifié de putschistes, obscurantistes, terroristes et de déloyaux. Les médias ont traité cette affaire avec  partialité et black-out", se rappelle-t-il. Une vague d’arrestation, de répression et de torture contre des gradés de l’armée a été lancée. Les militaires "incriminés" ont été interrogés à la prison militaire d’al-Aouina, et puis dans les dédales du ministère de l’Intérieur où on leur a ôté leur uniforme militaire, et leur a fait subir les exactions les plus abjectes. Les interrogatoires se sont déroulés  avec des méthodes inhumaines et barbares, les familles des accusés n’ont pas été épargnées, elles ont été ramenées et agressées, dit-il en substance. La torture était meurtrière et a fait trois martyrs. Ses victimes en vivent jusqu’à ce jour les séquelles, certains s’en sont sortis avec des infirmités, d’autres avec des troubles psychologiques, témoigne-t-il.

Après ce séjour infernal dans les cellules du ministère de l’Intérieur, l’accusation de putsch adressée aux militaires sur fond d’appartenance politique est tombée. Les victimes ont quitté les cellules du ministère de l’Intérieur et ont regagné le ministère de la Défense. Le 23 juin, Abdallah kallel convoquait 14 officiers arrêtés dans cette affaire, et leur a présenté des excuses, leur signifiant que la Tunisie n’est pas un pays africain où les putschistes sont condamnés à la peine de mort. Il leur a donné un repos de 30 jours en dehors des congés annuels, après quoi, il leur a promis un retour au travail.  

Mais, il n’en fût rien, le ministère de la Défense leur a fermé ses portes, et leur calvaire n’a fait que commencer avec des licenciements abusifs, des filatures incessantes, un contrôle policier et des intrusions nocturnes. Sur les 244 personnes impliquées dans l’affaire, seules 14 personnes ont été affectées dans des institutions de l’Etat, et 14 ont été mises à la retraite d’office. Les autres ont été victimes de toutes sortes d’abus, avec comparution devant le conseil de discipline, renvoi pour incompétence professionnelle, etc. Ils étaient également empêchés de travailler dans les secteurs public et privé, ont vu leur pièces d’identité (passeport, carte d’identité et permis de conduire) confisqués. Ils étaient traqués et convoqués par la police, et victimes d’intrusions nocturnes, relate-il.

La révolution du 14 janvier a délivré ces anciens gradés de l’armée du calvaire ; le contrôle policier a été supprimé, s’est félicité capitaine Mohsen Kaabi. Il exprime au passage sa satisfaction envers la démarche du président de la République, et chef suprême des forces armées, qui a présenté le 23 juin dernier, jour de la fête de l’armée, les excuses officielles de l’Etat aux victimes de l’affaire de Barket Essahel, à leurs familles, à l’institution miliaire, et à l’académie militaire. Soulagées par le geste du président, les victimes attendent des mesures concrètes leur permettant une réhabilitation morale et une réparation matérielle, souligne-t-il,  formulant son souhait que le président réponde aux aspirations des victimes le 10 décembre prochain, journée internationale des droits de l’Homme.

"Les militaires accusés dans cette affaire ont été connus pour leur compétence, leur rectitude et leur engagement", a dit capitaine Mohsen Kaabi, en réponse des questions de la salle. Les victimes ont déposé plainte contre le ministre de l’Intérieur de l’époque, pour la torture subie, ayant conduit à la mort, à des infirmités et à des troubles psychologiques, ajoute-il, estimant que "les jugements du tribunal militaire ne sont pas à la hauteur des crimes commis".

"En tant que victimes, notre but n’est pas de mettre nos agresseurs, ceux qui nous ont opprimés, détruit nos vies professionnelle et familiale en prison, mais c’est d’être réhabilités moralement et matériellement et de garantir que cela ne se reproduise plus". Capitaine Kaabi dit ignorer les raisons de la survenue de l’affaire de Baraket Essahel. "Je pose des questions à l’opinion publique, nous attendons la justice transitionnelle pour la révélation de la vérité, le questionnement et puis la réconciliation".

Invoquant le syndrome de Stockholm, cet ex-haut gradé de l'armée  prône l'indulgence : "Nous avons pitié de ceux qui nous ont torturés, nous ont exclus de la vie militaire, nous allons les pardonner après la révélation de la vérité, et la réhabilitation matérielle et morale".

Mohsen Kaabi, ingénieur en électronique, a rejoint l’armée en 1976, et a été mis à la retraite pour soi-disant incompétence professionnelle alors qu’il ne dépassait pas les 37 ans. Il était en arrestation pendant 54 jours à la prison d’al-Aouina et les cellules du ministère de l’Intérieur, du 13 mai au 5 juillet 1991. "Depuis, j’ai passé de la prison étroite et fermée à la grande prison qui s’est  poursuivie pendant plus de deux décennies à travers les instruisons nocturnes, le contrôle administratif et policier incessant", raconte-il dans un témoignage présenté en août dernier à la fondation Temimi.
H.J.


 

Commentaires 

 
#2 DEDOMMAGEMENT
Ecrit par BABA LAHNINE     01-12-2012 19:45
Ce que beaucoup ne savent pas c'est que MOHSEN KAABI a du vendre tous ses biens et ceux de ses parents pour pouvoir payer les études de ses enfants dont un ingénieur des grandes écoles en France et qu'il a perdu un enfant suite à un accident qui a laissé sa femme invalide..VIVEMENT QUE L'ETAT L'INDEMNISE DE SES ANNEES DE CAUCHEMARS.
 
 
#1 la mémoire tunisienne est en marche
Ecrit par Skander BB     28-11-2012 11:11
Quoi dire...c'est scandaleusement triste.

Mais bon l'ancien régime n'avait pas inventé ces pratiques, et n'avait pas le monopole de ces dérives .....Notre age d'or islamique est tristement couronné par ces pratiques de torture et massacre en masse. Nos valeureux califes, émirs al moueminins et autres ont excellé dans ce genre de pratiques pour continuer à regner sans discussion. Ils ont puni, tortué, tué, massacré n'ont pas des individus et leurs familles, ce sont des tribus et des villes entièrs qui avaient été exterminés pour l'unique plaisir de regner sans partage.

Bref fatalement ce phénomème est largement répondu partout dans le monde...chaque pays est doté d'une machine d'espionnage de son propre peuple, y compris les plus grandes democraties.

Alors ne soyons pas naifs...chaque epoque et chaque gouvernement a ses derives sécuritaires... et ses propres moyens pour terroriser ses opposants. Le pouvoir pervertie et corrompe et une personne corrompu par le pouvoir ne tient plus ses engagements politiques et se sont menacés dans sa personne (ce genre d'individu ne fait de distinction entre sa personne et l'État).

La lecon a tiré de cet article est que en fin de compte les gourrous devront payer tout ou tard leurs crimes. L'histoire ne pardonne jamais. Soit on en sort grandi, honoré soit on en sort méprisé et maudit....Alors messieurs de la troika... la mémoire tunisienne est en marche comme elle l'a été pour Bourguiba et pour ZABA. l'histoire n´'a jamais manqué un rdv. Elle vous pardonnera jamais.
 
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