Tunisie/Agriculture : Des responsables appellent à sauver les terres

Publié le Vendredi 13 Mai 2016 à 16:42
Vue de la conférenceLa régularisation des terres agricoles a fait l’objet ce vendredi d’une journée d’étude organisée par l’Union Tunisienne de l’Agriculture et la Pêche.

La situation des terres agricoles a été résumée par Habib Chatti, avocat auprès de la cour de cassation, selon lequel le sujet  est « compliqué et très vaste ». Il est revenu sur les années de la colonisation où la France avait facilité l’accès, à ses citoyens, aux terres agricoles tunisiennes soit de manière physique ou morale.

« Les colons pouvaient contracter des prêts et investir. On en est arrivé à un point où les détenteurs de terres étaient le noyau de la force colonisatrice. Ensuite, après l’indépendance en 1965, l’Etat tunisien avait adopté une politique différente à travers une loi à 5 articles qui interdisait, entre autres, aux personnes morales de posséder des terres quelque soient leur caractère. Seules les personnes physiques y avaient droit. Un article prévoyait que si une terre n’appartenait pas une personne physique ou à une coopérative, elle devait revenir à l’Etat », a-t-il expliqué.

C’est en 1964 que l’ancien président Habib Bourguiba avait lancé la coopérative. Une initiative contre laquelle beaucoup se sont soulevés refusant en bloc d’y adhérer. L’avocat a expliqué comment plusieurs agriculteurs du Sahel s’étaient retrouvés en prison pour avoir refusé d’appliquer la décision présidentielle de l’époque. « Le citoyen tunisien aime posséder la terre, c’est ancré en lui », a dit Habib Chatti.

Après l’échec de cette initiative l’Etat a appelé à la cohabitation des trois secteurs, de la coopérative, du privé et du public. Ce n’est qu’en avril 1971, que la loi a autorisé l’accès à la propriété aux entreprises civiles à condition que tous les associés soient des personnes physiques de nationalité tunisienne.

En mars 1989, une nouvelle loi autorise aux sociétés anonymes d’accéder aux terres agricoles aux mêmes conditions que la loi de 1971. Ensuite, le code des investissements de 1990 autorisaient aux étrangers d’exploiter les terres agricoles sans avoir le droit d’en posséder.

En 1997, une nouvelle loi précise que ceux qui ont le droit de posséder des terres agricoles sont les personnes physiques de nationalité tunisienne, les coopératives, les personnes morales à caractère public, les entreprises civiles, les SARL dont les associés sont tous tunisiens, et les Sociétés Anonymes, excluant toutes les autres formes d’entreprises. A l’application, ces lois ont posé des difficultés selon l’avocat, notamment avec l’exclusion des personnes morales au sein des entreprises civiles.

« Les sociétés de leasing ont le droit de posséder des terres, mais des personnes morales détiennent des actions au sein de ces sociétés de leasing ce qui constitue une importante difficulté. C’est aussi le cas pour les banques qui récupèrent des terrains agricoles suite à des impayés mais à qui la loi interdit d’en posséder puisque les banques même si elles sont des SA, des personnes morales participent à leur capitaux», a expliqué l’avocat.

C’est également le cas pour les sociétés de promotion immobilières et d’autres sociétés familiales qui se heurtent chaque jour à la complexité de la loi. L’avocat a appelé ce matin, le législateur a autoriser à toutes les entreprises de posséder des terres agricoles, afin de pouvoir contracter des crédits et investir.

Par ailleurs, les terres domaniales agricoles ne sont vendues qu’avec l’accord d’une commission, et d’une multitude de procédures  « compliquées », ajoute l’avocat.

Le ministre de l’Agriculture Saad Seddik présent à l’ouverture de la journée a déclaré que pour investir dans l’agriculture il fallait avoir accès aux crédits bancaires, alors qu’actuellement ce n’est pas possible « ce qui entrave l’amélioration de la production et de la productivité », a-t-il dit. D’autre part, les terres collectives représentent un handicap pour l’exploitation puisqu’il est difficile de savoir quelle parcelle appartient quelle personne. 

« Chaque type de terre, privée, collective ou publique, possède son lot de problèmes. Les collectives bloquent la production, ce pourquoi le ministère des domaines de l’Etat et des affaires foncières planchent dessus pour résoudre le problème. Pour les terres privées, elles sont menacées par l’amoncellement et l’expansion urbaine. Des terrains agricoles sont bâtis, ce qui représente une forte menace. En ce qui concerne les terres publiques nous travaillons pour améliorer son rendement et à les  céder aux parties méritantes et qui savent en tirer le meilleur », a précisé le ministre.

Abdelmajid Zar, président de l’UTAP  a déclaré pour sa part qu’il fallait remédier à la question de l’amoncellement des terres, ajoutant que les investissements butaient assez souvent contre les barrières foncières et l’impossibilité d’accéder aux terres agricoles. « Il faut amender la loi et convaincre les autorités à promouvoir le secteur afin de hisser l’économie du pays », a-t-il dit.

Des juristes, mais aussi le centre de Tunis du Droit foncier et de l’Urbanisme  ont appelé les autorités à agir en urgence, et à changer la loi afin que le secteur de l’agriculture connaisse son essor. « Nous avons fait plusieurs propositions afin de réformer le secteur, et nous espérons trouver des issues aux différents problèmes que connait l’agriculture », a dit le vice président du Centre. 
Chiraz Kefi

 

Commentaires 

 
+1 #1 RE: Tunisie/Agriculture : Des responsables appellent à sauver les terres
Ecrit par Montygolikely     16-05-2016 17:18
Seule une agriculture maîtrisée couplée à un tissu d'industries agro-alimentaires modernisé peuvent contribuer largement à l'essor économique de notre pays.
Tant que ceux qui nous gouvernent n'auront pas gravé ceci dans leur cervelles d'oiseaux, nous pataugeront encore longtemps dans les flaques des pays dits (poliment) "en voie de développement"...
 
Ces commentaires n'engagent que leurs auteurs, la rédaction n'en est, en aucun cas, responsable du contenu.