Tunisie/14 Janvier : Entre espoir et scepticisme

Publié le Vendredi 13 Janvier 2012 à 17:32
La révolution du 14 Janvier 2011 fête son premier anniversaire. La révolution tunisienne fête sa première année. Le 14 janvier 2011, a été une date à marquer d’une pierre blanche. Zine El Abididine Ben Ali, ayant occupé le poste de président de la République tunisienne pendant près de 23 ans, a pris la fuite sous la pression de la rue déchaînée. Le peuple tunisien s’est soulevé d’une seule voix, contre l’injustice sociale, le musèlement, la misère qui rongeait les régions, et l’impunité dans laquelle agissait la famille de Ben Ali. Le peuple tunisien n’en pouvait plus du poids du chômage, du désespoir et de la répression exercée par l’Etat sur tout ce qui pouvait le déranger dans sa quête de l’enrichissement illicite et du pouvoir absolu.

Pour rendre à César ce qui lui revient, Mohamed Bouazizi, un jeune vendeur ambulant de fruits et légumes, originaire de Sidi Bouzid a été la première étincelle dans le feu qui prendra partout sur le territoire tunisien. Il s’est immolé le 17 décembre 2010, en signe de ras-le-bol contre l’appareil de l’Etat et ceux qu’on appellera plus tard, au fil des parutions médiatiques, «les symboles de l’ancien régime ». Ces derniers se sont accaparés les secteurs d’activité les plus juteux, ne laissant que les miettes pour ceux qui espéraient un jour se lancer dans les affaires. La police ne faisait du temps de Ben Ali que garder les citoyens sous contrôle.

Quand Mohamed Bouazizi s’est immolé par le feu, le couvercle que l’on croyait fermement scellé au dessus de la tête des Tunisiens, a sauté. Les habitants de Sidi Bouzid et Menzel Bouzaiane se révoltent, épaulés par l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens. C’est là que les premières balles de la Police commencent à fuser, pour calmer les ardeurs des manifestants qui dénonçaient les pratiques despotiques du régime. Les Slogans pourtant scandés ces jours-là, revendiquaient du travail et de la dignité. Et le mouvement, comme une trainée de poudre, atteint Kasserine, Regueb, Thala, Kairouan, Sfax, jusqu’à Sousse, Tunis et Bizerte.  Plus de deux cents personnes, hommes et femmes tombent sous les coups de feu des hommes armés de Ben Ali.

Ce dernier s’en va, et voilà que l’on croit en un avenir meilleur, après les jours de terreur qui ont succédé au 14 janvier et au cours desquels des jeunes sont encore morts dans des circonstances troubles. Les résultats des enquêtes sont jusqu’à ce jour restés flous.

Malgré tout, les Tunisiens ont fait fi de la douleur, et ont décidé d’aller de l’avant. Le premier pas fût d’organiser les premières élections libres et démocratiques de leur histoire. « Mon meilleur souvenir de cette année, est le jour du 23 octobre, jour des élections », nous dit Raja T. cadre administratif, avant d’ajouter : «je suis quand même très déçue du résultat…On n’a fait tout cela pour voir des professeurs et des journalistes encore tabassés. Le 14 janvier dernier, j’étais pleine d’espoir, je suis descendue dans la rue, prête à affronter le pire, mais voilà que nous assistons à des débats sur l’identité, qui n’a rien à voir avec les objectifs de la révolution ».

Ehsen est ingénieur, marié et père de deux enfants. Il est quant à lui optimiste. « Je me suis emporté dès que j’ai vu le carnage qui a eu lieu le 09 janvier dernier à Kasserine et Regueb.  Ensuite j’ai été très déçu par le discours de Ben Ali du 13 janvier, où il n’y a pas eu un seul mot d’excuse pour les martyrs, et j’ai tout de suite décidé de sortir dans la rue le 14 janvier. Ce dont je rêvais après la révolution est qu’il y ait réconciliation, et une réforme de la justice et surtout des médias ». Selon lui, les chaînes de télévision tunisiennes ne reflètent pas la réalité de la société tunisienne «  je ne me reconnais pas, ma famille et moi, dans les gens que nous voyons passer sur les plateaux de télé. Ceux que je vois, je les appelle «les révolutionnaires de salon ». Ehsen se dit avoir été anti-islamiste, jusqu’au jour où il a commencé à suivre les débats du mouvement Ennahdha «  que je trouve être un parti en bonne et due forme, qui est le seul parti vraiment présent sur le terrainé », ajoute-t-il avant de continuer : «Leurs propos sont rassurants, et puis je devais choisir entre la continuité ou la rupture totale avec l’ancien régime. J’ai choisi la rupture avec le seul grand parti capable de représenter le Tunisien moyen ». N’auriez-vous pas peur que les libertés individuelles soient confisquées ? «Une révolution, c’est la fin de la peur, et ceux qui auront toujours peur, n’auront rien compris à la révolution ». Zied B. son collège n’était pas de son avis : «J’espérais plus de liberté d’expression, une justice indépendante, et une redistribution équitable des richesses. Actuellement avec la crise économique que traverse le pays, je suis pessimiste. Il faut qu’il y ait des décisions claires d’interdire les sit-in. Par exemple que les sit-in soient interdits dans les institutions à impact économique, durant les horaires administratifs».


Sabri.BM est Tunisien résident en France. «J’étais plein d’espoir quand la révolution a éclaté. Je pensais voire naître une Tunisie démocratique, et laïque, qui allait devenir le pays ou il serait le plus agréable à vivre. Aujourd’hui, je vois des hommes qui ont milité pour les droits de l’Homme et les libertés, se taire après avoir accédé au pouvoir. Je ne crois plus en leurs discours. Vous savez ce que j’aurais aimé voir ? Que le peuple croit au discours de Ben Ali sur 13 janvier. Que le peuple domine le système mais qu’il ne le démolisse pas. Parce qu’après tout, les symboles de l’ancien régime généraient bien de l’argent pour pouvoir en voler. Mais après la révolte qu’il y a eu, ils n’auraient pas osé continuer à spolier. Aujourd’hui il y a un gouvernement élu démocratiquement dans une économie qui perd beaucoup d’argent».

Habib, est étudiant en gestion des affaires, il a vécu le 14 janvier à Sfax, sa ville natale. «J’ai été témoin de beaucoup d’actes de vandalisme et de pillage, mais je suis resté confiant au sujet de l’avenir, malgré que je sois contre certains aspects. Je rêvais de plus de libertés, une meilleure administration sans corruption, et plus de justice sociale ».

Asma est enseignante, mariée et mère de deux enfants : « J’ai été très heureuse quand Ben Ali est parti, malgré la terreur que nous avons vécu pendant ses derniers jours. Ensuite J’ai voté pour le parti qui m’a le plus inspiré confiance, et je crois sincèrement que le gouvernement en place va travailler d’arrache-pied pour concrétiser les attentes des gens. Je crois qu’ils savent ce qu’endure le Tunisien dans les régions les plus reculées, et va veiller à lui garantir ses droits ».

Seifeddine, est ingénieur. Il nous relate son 14 janvier à lui : «La plus grosse émotion que j’ai eu c’est quand j’ai regardé sur Facebook  la vidéo de l'avion présidentiel en train de décoller.  Je n’ai même pas eu à attendre de voir Ghannouchi et Mbazzaa prendre le pouvoir. Je criais comme un fou les larmes aux yeux " ça y est hrab, 9alla3néh " (ça y est on l’a délogé !)  La plus grosse frustration : ne pas pouvoir fêter comme il se doit cette date mémorable».

Votre vision de l’avenir ? : «  Pour ce qui est de l'avenir : Je ne suis pas plus optimiste que sceptique, les tunisiens viennent tout juste de faire connaissance. Les frustrations refoulées des uns et des autres, ressortent amplifiées par des années de dictature, ça s'estompera avec le temps, mais non sans mal et il faudrait que les politiciens et surtout le parti au pouvoir prennent leurs responsabilités, et fassent passer les intérêts de la Tunisie, notamment économie et paix sociale avant leurs intérêts étriqués».

Demain samedi 14 janvier 2012, sera le premier anniversaire d’une Tunisie libre. Libre, parce que pour la première fois au pays du jasmin, les libéraux, les gauchistes, les centristes, les conservateurs et les progressistes s’asseyent à la même table pour discuter de l’avenir du pays. La première fois que le citoyen Lambda peut sortir dans la rue crier son mécontentement à la face du gouvernement, et que celui-ci revoie ses décision sous la pression de la rue.

Chiraz Kefi

 

Commentaires 

 
+6 #5 RE: Tunisie/14 Janvier : Entre espoir et scepticisme
Ecrit par hammadi     16-01-2012 10:00
une révolution de battala fréchich qui a été volée par des islamistes made in qatar
 
 
+3 #4 Le chemin est encore long
Ecrit par Lecteur     14-01-2012 15:56
Rappelez vous d'une chose, Par quel moyen hitler a accèdé au pouvoir?
 
 
+1 #3 Bien dit
Ecrit par Montygolikely     14-01-2012 11:45
Dans ce texte, je ne retiens qu'une seule phrase :

..."Pour ce qui est de l'avenir : Je ne suis pas plus optimiste que sceptique, les tunisiens viennent tout juste de faire connaissance"...

Plus les Tunisiens se connaîtront, mieu ça ira !
 
 
+1 #2 RE: Tunisie/14 Janvier : Entre espoir et scepticisme
Ecrit par Mohamed     13-01-2012 19:01
Votre vision de l’avenir ? : « Pour ce qui est de l'avenir : Je ne suis pas plus optimiste que sceptique, les tunisiens viennent tout juste de faire connaissance. Les frustrations refoulées des uns et des autres, ressortent amplifiées par des années de dictature, ça s'estompera avec le temps, mais non sans mal et il faudrait que les politiciens et surtout le parti au pouvoir prennent leurs responsabilités, et fassent passer les intérêts de la Tunisie, notamment économie et paix sociale avant leurs intérêts étriqués».
C'est le meilleur passage parce que je pense qu'il résume tout.
 
 
+4 #1 et on attend
Ecrit par Royaliste     13-01-2012 18:28
Personellement je suis optimiste et
j'attends que ce gouvernement:

- commence a travailler en laissant de coté la vengeance et les réglements de comptes.
- combatte la corruption
- donne des messages forts aux investisseurs qui n'osent pas investir a cause du climat instable et le flou qui entour la politique économique

- commence a financer les micro projets
partout en Tunisie

- redémarre la formation professionelle

- aussure l'indépendance de la justice et des médias
 
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