Tunisie : Bouchamaoui passe la main, son successeur aura à hâter la transition économique

Publié le Mercredi 17 Janvier 2018 à 15:50
Wided Bouchamaoui passe le flambeau. L’UTICA tourne ce mercredi 17 janvier 2018 la page de Wided Bouchamoui, qui a décidé de passer la main "pour des raisons purement personnelles". La présidente sortante est la seule femme à avoir dirigé l’influente organisation patronale depuis sa création, il y a plus de sept décennies, le 17 janvier 1947. Cette quinquagénaire, issue d’une famille de notables de Gabès, ayant fait fortune dans les hydrocarbures, a tenu les rênes du patronat dans une période tourmentée, de la post-révolution.

Dans la foulée d’une présidence par intérim, entamée en Mai 2011, Bouchamoui a été confirmée pour un mandat de cinq ans, après avoir remporté les élections du bureau exécutif, au terme du 15ème congrès tenu, il y a cinq ans, jour pour jour, le jeudi 17 janvier 2013.

Propulsée au devant de la scène nationale, cette femme d’affaires, visage discret et l’air timide, jusqu’alors inconnue du grand public, s’est retrouvée au cœur de l’équation politique. L’UTICA, aux côtés de l’UGTT, du conseil de l’ordre des avocats et de la ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), formaient le quartet du dialogue national ; ce sésame qui a rendu le consensus possible entre protagonistes politiques, alors où la Tunisie était confrontée à une crise politique aigue sans précédent, ayant failli anéantir sa transition démocratique, et la plonger dans une guerre fratricide.

Briser le plafond de verre

Bouchamaoui a le mérite d’être parvenue à briser le plafond de verre, à s’imposer dans un univers d’hommes et à être au cœur du pouvoir économico-financier, tout en ayant voix au chapitre dans le fait politique. Son nom sera retenu dans l’histoire nationale récente, a fortiori, qu’elle est, prix Nobel de la Paix 2015, avec les trois autres organisations membres du quartet, un prix dont elle dit être à l’origine. 

La présidente sortante laisse néanmoins à son successeur un legs difficile, dans cette conjoncture critique et incertaine, marquée par une crise économique qui s’inscrit dans la durée, et un ralentissement de l’activité, donnant du fil à retordre aux entreprises économiques, dont certaines sont menacées dans leur pérennité même.

Le nouveau patron des patrons aura aussi à gérer les conséquences de la loi de finances 2018, rejetée dans son esprit et sa lettre par l’UTICA, pour ne pas être favorable, à ses yeux,  à l’investissement, à la création d’emplois, et à la reprise, pour alourdir les charges des entités économiques particulièrement les PME, et pour conforter l’instabilité fiscale, considérée comme étant préjudiciable au secteur formel, qui revendique une solvabilité irréprochable.

Alors que Wided Bouchamaoui a vu son mandat prendre, peut-être à son corps défendant, un tournant éminemment politique, son successeur devra replacer l’organisation patronale dans son rôle naturel, en hâtant la tenue des états généraux de l’économie, que tout monde appelle de ses vœux, et en accélérant l’amorce du processus de transition économique. Son rôle sera crucial, d’autant plus que la prochaine période sera économique par excellence.

L’année 2017 a commencé par un changement à la tête de la centrale syndicale, avec l’élection de Noureddine Taboubi, à l’issue du 23ème congrès de l’UGTT. 2018 débute par une alternance à la tête du patronat. Quel que soit l’heureux élu, la bataille sera rude dans l’arène triangulaire : gouvernement, syndicat, patronat, au vu des sujets décisifs qui restent à trancher : réformes structurelles, entreprises publiques, majorations salariales, et on en passe.
Gnet