Tunisie/ UGTT : La nouvelle direction, ou le nécessaire changement d’approche !

Publié le Lundi 23 Janvier 2017 à 17:49
L'UGTT tourne la page de Hassine Abassi. L’UGTT poursuit jusqu’au 25 janvier les travaux de ses 23ème assises à Gammarth, ouvertes hier, dimanche 22 janvier,  à la coupole d’El-Menzah, dans un climat de grande ferveur. Au lendemain de ce congrès électif, une nouvelle direction prendra les rênes de l’influente organisation syndicale, dans un contexte difficile où le pays s’apprête à entamer des réformes décisives sur le chemin du redressement économique, de la stabilisation sociale, et de la consolidation démocratique.

L’organisation syndicale, c’est une longue et ancienne histoire qui trouve ses origines dans le mouvement de lutte nationale. Concentrant son combat tout d’abord sur la colonisation française, dont le secret bras armé, la main rouge, a assassiné son fondateur, Farhat Hached, al-Itihad n’était pas en bons termes, avec le père de l’indépendance, Bourguiba et son régime.

Leurs rapports ont dégénéré en janvier 1978, face au tournant libéral pris par le Premier ministre de l’époque, Hédi Nouira ; c’était le jeudi noir auquel l’organisation syndicale a payé le plus lourd tribut, avec un bilan effrayant de morts et de blessés.

Sous l’ancien régime, l’organisation rebelle est rentrée dans les rangs. Ben Ali est parvenu à l’apprivoiser, comme il l’a fait avec nombre d'organisations nationales et forces de pression. Le mouvement syndical a perdu de son aplomb  avec une direction mise au pas et à la solde du régime, des syndicats infiltrés et affaiblis, et une base bouillonnante, mais dont l’élan était brisé, et la combativité bridée. Une base qui s’est libérée pendant la révolution, a conduit les soulèvements dans plusieurs régions et a joué un rôle déterminant dans la chute de l’ancien régime.

Après la révolution, l’organisation syndicale a repris du poil de la bête, a revendiqué son rôle national et s’est repositionnée comme contrepoids du pouvoir en place. L'UGTT a aiguisé la fièvre revendicatrice, a arraché des acquis aux travailleurs, moyennant un alourdissement des charges de l’Etat qui ne pouvait la contredire dans le souci de préserver la paix civile. Deux grèves générales, et un déluge de mouvements sociaux, grèves, sit-in… dans quasiment tous les secteurs d’activité sont à son actif ou plutôt à son passif ; selon les perceptions.

A côté de ses luttes sur le terrain socio-économique, la centrale syndicale a joué un rôle politique de premier ordre, en menant le quartet parrain du dialogue national ayant permis aux différents protagonistes de s’asseoir autour de la même table de négociations et de parvenir à un règlement pacifique et consensuel de la crise politique la plus aigue jamais connue en Tunisie. 

Sa médiation politique et le fait qu’elle ait fait cause commune avec le patronat sur ce registre, ne l’a pas éloignée de la ligne d’affrontement tant avec le gouvernement, qu’avec l’UTICA.  Ses rapports avec l’un, comme avec l’autre ont été souvent émaillés de tensions, la dernière crise en date, l’a opposée au gouvernement d’union nationale, sur fond de la proposition de Youssef Chahed de reporter de deux ans les majorations salariales au titre de 2017, la situation a fini par se décanter, après que la centrale syndicale a obtenu gain de cause.

Si l’on résume, on dira que l’UGTT a accompagné la transition politique dans le pays, et lui a évité le pire, mais semble encore peu prompte à adhérer au processus de transition économique qui requiert de sa part un changement d’approche, en daignant substituer l’esprit de dialogue, de concession et de consensus, à la tradition d’affrontement.

A l’heure qu’il est, la compétition bat son plein dans les coulisses pour influencer l’issue des urnes, ce qui est normal dans une organisation de la taille d’al-itihad ; une bataille à même de donner lieu à une direction élue, attendue pour donner un nouveau départ à l’influente organisation, obligée de s’adapter à cette étape critique de l’histoire du pays. Le tout sera de trouver le bon équilibre entre la défense des valeurs de justice sociale, d’égalité et des acquis des travailleurs, et la préservation de l’intérêt national suprême qui passe fondamentalement par le travail, créateur de richesses, et de croissance, et sans lequel le pays ne pourra aucunement remonter la pente. 

H.J.