Tunisie/ Tourisme : Les experts appellent à redéfinir les priorités

Publié le Jeudi 19 Mai 2016 à 17:12
Vue de la conférenceLe centre des Jeunes dirigeants d’entreprise et l’association Konrad Adenauer Stiftung ont organisé ce jeudi une journée sur le E-Tourisme comme solution de relance du secteur. L’occasion pour plusieurs professionnels et experts de revenir sur l’état des lieux du secteur, ses soucis et les éventuelles portes de sortie de crise.

En effet, face à la crise conjoncturelle que connait le secteur du tourisme, il est devenu urgent de trouver des solutions pratiques et rapides, qui redessinent en même temps l’image du pays et celle de l’offre touristique. Une stratégie tentée en 2014 avait misé sur l’image de marque et la qualité de la formation. Mais les autorités n’ont pas su capitaliser sur l’avancée des nouvelles technologies pour attirer plus de touristes et améliorer l’image de la destination.

Slim Tlatli, ancien ministre du tourisme, s’est arrêté à la situation qui est alarmante par endroits. L’insécurité, le terrorisme ayant frappé à deux reprises à des endroits stratégiques, la dégradation de la qualité de service, le manque d’intérêt et de diversité de certains produits, sont autant de facteurs qui ont eu raison d’un secteur qui fait vivre plusieurs milliers de familles. Le Tourisme en Tunisie serait autour de 12% du PIB, si l’on considère tous les secteurs qui sont concernés indirectement.

« L’année dernière la contribution du tourisme dans le PIB aurait été de 4% et nous avons entendu des responsables dire, que ce n’était pas un problème même si le secteur disparaissait. Alors que dans certaines régions la participation du tourisme est de 50%. Ce qui prouve que les moyennes ne  signifient rien », a dit l’ancien ministre.

Il rappelle que des régions comme Tozeur ou Djerba vivaient en grande partie du Tourisme, et sont actuellement sinistrées. « Le total des engagements à fin 2015 était de 4.2 milliards de dinars, et la dette classée est de 2.3 millions de dinars soit 55% des engagements bancaires. C’est une situation inédite et aucun secteur ne peut se permettre ce ratio d’impayés », a-t-il dit.

Face à ces chiffres, l’Etat avait décrété une batterie de mesures dont la prise en charge de la quote-part patronale de la CNSS pour les employés qui seront gardés par les hôtels, des indemnités de chômage pour ceux ayant quitté leur poste, un échelonnement des factures de la STEG et de la SONEDE, un fonds pour le rééchelonnement des échéances bancaires, une baisse de la TVA, ainsi qu’une circulaire du ministère du Tourisme pour renforcer la sécurité au sein des unités hôtelières… « Mais aucune de ces mesures n’est opérationnelle à ce jour, et ce à cause de certaines conditions d’application posées dans chacune des institutions concernées, comme la STEG et la SONEDE qui rendent ces dispositions inopérantes et impertinentes», s’est exclamé Tlatli.

A côté de tous ces problèmes, le secteur touristique en Tunisie adopte un business model complètement inadapté au marché mondial et aux nouveaux enjeux.

« L’offre touristique a été multipliée par trois sur les dix dernières années, tandis que la demande n’a été multipliée que par deux. C’est-à-dire qu’il existe une compétition féroce », a martelé l’ancien ministre. Le nombre de destinations a été multiplié par dix au cours des 20 dernières années, et la part de marché de la Tunisie est en train de régresser considérablement. « Le produit phare de la Tunisie est le balnéaire qui est le premier produit demandé dans le monde mais qui connait un fort déclin », a expliqué Tlatli.

De nouveaux produits sont en train de voir le jour, le tourisme de court séjour, le tourisme d’affaires comme pour les congrès, le tourisme de niche comme l’écologique ou les sports extrêmes, ainsi que de nouveaux modes de consommation. « On parle de la qualité zéro défauts, des grandes vacances en familles on passe aux weekends insolites en amoureux, des weekends prolongés aux weekends raccourcis, de l’achat programmé à l’achat d’opportunité, de la réservation à l’avance à la réservation de dernière minute », a-t-il déclaré.

Le marché du tourisme a considérablement changé et toutes les étapes, ou presque, se font désormais sur internet, en allant de la recherche de la destination jusqu’au petit commentaire que le touriste postera sur internet au sujet de ses vacances.

« Le e-tourisme est important parce qu’il régit le marché. Avant, le touriste en rentrant chez lui après les vacances, influençait une dizaine de personnes autour de lui. Aujourd’hui, il n’a même pas quitté son hôtel qu’il est capable d’influencer des millions de gens sur la toile », a indiqué Tlatli.

La gouvernance et la profession sont tous les deux responsables du secteur, selon l’expert qui a été lui-même chargé de la mise à niveau du Tourisme entre 2005 et 2008. Il fait porter la responsabilité  au ministère et à ses institutions, aussi bien qu’aux hôteliers et leur qualité de service. 

L’ancien secrétaire d’Etat au Tourisme et ministre du Transport, Ahmed Smaoui, a déclaré pour sa part que face à cette crise structurelle et profonde «  la plus profonde de l’histoire du secteur, et qui date d’au moins de l’an 2000 »,  il existe un grand manque de courage politique.

Il pointe « les solutions par à coup qui sont incapables de sortir le secteur de la crise ». Mais aussi les médias, l’insécurité et les attentats qui n’arrangent pas les choses, « avec tout cela il est illusoire de penser que le secteur va redémarrer dans les quelques années à venir. Ce matin encore, la nouvelle de l’avion d’Egyptair qui s’est écrasé avec une éventuelle piste terroriste, ne fait qu’aggraver la crise», a-t-il dit.

Selon lui, le produit tunisien est vieillissant, et aurait besoin d’être renouvelé. Pour cela il préconise la reprise des investissements dans le secteur. « On est face à ce paradoxe où l’on dit qu’il faut arrêter de financer le tourisme, alors que nous avons besoin de redonner vie à ce qui en reste », a-t-il dit. Cet argent permettrait la mise à niveau de l’offre actuelle, des hôtels, des produits, de l’immatériel, d’après lui. Il précise : « il faut donner l’argent, même si on accuse les hôteliers de s’être enrichis avec l’argent des banques. Il est nécessaire de mettre de l’argent. Remettre à niveau l’offre balnéaire, et ne pas laisser les hôtels se reconvertir en produits immobiliers alors que l’Etat y a mis beaucoup de moyens », a-t-il dit.

Il appelle également à trouver des formules et des systèmes d’aide dans les régions intérieures, à enrichir les offres, à construire des centres de congrès à l’instar des destinations concurrentes comme le Maroc et à moderniser les ports de plaisance qui se paupérisent.

D’après Ahmed Smaoui, la priorité devrait être accordée au marché tunisien puisque le mode de vie a changé et les Tunisiens aspirent de plus en plus à des vacances. « Ceci donnera au secteur une sécurité qui lui permettra de résister à la crise, comme cela se passe en France ou en Italie. Pour ce faire, il faut changer la forme d’hébergement qui doit être plus adaptée au Tunisien », a-t-il dit. Le marché méditerranéen viendrait en seconde position, juste avant le marché émergeant comme l’Argentine ou l’Iran, « qui doivent rentrer dans le cadre d’une stratégie nationale où des lignes aériennes doivent être prévues », a-t-il dit.
Chiraz Kefi

 

Commentaires 

 
+1 #3 Réalité
Ecrit par Tounsi     22-05-2016 20:54
Sécurité + Propreté x2 + Travail peut donner un positif!
 
 
+2 #2 RE: Tunisie/ Tourisme : Les experts appellent à redéfinir les priorités
Ecrit par Royaliste     20-05-2016 16:14
Economisez votre saluve ainsi que nous dinars et commencez par assurer la propreté (pour nous et les visiteurs), la sécurité et un bon service... et les visiteurs reviendront
 
 
+2 #1 Le pays est sale
Ecrit par Royaliste     19-05-2016 19:14
Qui payera pour visiter un dépotoire?

Venez a Sousse et faite une balade sur ce qui reste de la corniche: des ruines, c est honteux:
 
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