Tunisie/ Recours effréné à la dette : Bénédiction ou malédiction ?

Publié le Mercredi 22 Mai 2013 à 17:36
La Tunisie multiplie le recours à la dette extérieure. La Tunisie semble engager dans un processus effréné d’endettement, qui fait craindre le pire pour notre économie et notre souveraineté. A fortiori que la stratégie d’affectation de ces fonds colossaux, contractés auprès de plusieurs bailleurs de fonds, n’est pas claire. Une bonne partie servirait, sans doute,  à couvrir le manque à gagner enregistré dans les différents secteurs d’activités, du fait du déluge incessant des mouvements sociaux. Des sommes mirifiques se sont évaporées depuis le 14 janvier. Dans le seul secteur stratégique des phosphates, les pertes se montent à deux milliards de dinars au cours des années 2011/12, soit 40 % du budget affecté au développement de l’infrastructure routière et autres.

Le budget de l’Etat est fortement éreinté par une multitude de facteurs, dont le ralentissement économique, dû notamment à un repli de l’activité, consécutif aux tensions sociales et à la frénésie des revendications qui s’est emparée quasiment de tous les secteurs d’activités. Les ressources de l’Etat se sont réduites comme peau chagrin, dans une conjoncture économique difficile caractérisée par une chute des investissements, une baisse des exportations et un repli du secteur touristique, à laquelle s’ajoute une conjoncture internationale de crise, notamment dans la zone euro, notre premier partenaire économique, et notre principal marché émetteur de touristes.

Cet état de fait a rendu le recours à l’endettement  comme une obligation et point une option. L’Etat se doit de préserver ses grands équilibres généraux, et prémunir une économie fragilisée contre les chocs internes et externes. En revanche, autant la dette constitue une bouée de sauvetage, autant elle risque de précipiter l’économie dans une spirale dont elle ne serait pas prompte à sortir.

La dette est loin d’être une manne venue du ciel. Elle a un coût exorbitant pour la communauté nationale. Ses effets peuvent être amplifiés ou minimisés, selon l’usage qu’on en fait. D’où la nécessité d’une stratégie judicieuse en vue de sa bonne affectation. La dette doit servir à mener les réformes structurelles susceptibles de corriger les dysfonctionnements et d’améliorer la productivité et la rentabilité de l’économie. Ses fonds doivent être dirigés vers les secteurs créateurs de richesses, de manière à dégager des dividendes à même d’en permettre le remboursement, de faire fructifier les moyens propres de l’Etat, avec la perspective d'en réduire dans le futur la part  dans l’économie nationale. Selon les chiffres officiels, la dette publique de la Tunisie atteindrait près de 46% du PIB d'ici fin 2013, contre 44% fin 2012 et 40 % en 2010.

Le problème n’a pas trait, pour ainsi dire, à la dette en elle-même, mais à la capacité de la rembourser et de pouvoir à un moment donné s’en passer. Lula da Silvia qui a hérité en 2003, alors élu président du Brésil, d’une économie accablée par la dette publique est parvenu à affranchir son pays de la coupe du FMI en à peine une année, en redressant l’économie, en améliorant la croissance, et en inversant la courbe du chômage. Les grandes puissances mondiales sont-elles aussi surendettées, et leurs déficits publics ne cessent de se creuser du fait d’un taux d’endettement démesuré qui leur attirent les foudres des agences de notation, et les incité à enchaîner les politiques de rigueur et d’austérité. Malgré tout cela, ces pays gardent toujours leur rang de puissance économique, car leurs économies créent des richesses vaille que vaille, avec une industrie, une agriculture et un service tertiaire qui pourvoient aux besoins des marchés intérieur et extérieur.  

La situation de la Tunisie est tout autre. Au lendemain du 14 janvier, le pays s'est retrouvé face à une économie affaiblie par la mauvaise gestion, la corruption,  la malversation et un climat des affaires opaque et malsain. Une économie qui reposait néanmoins sur des piliers plus ou moins solides à l’instar du tourisme, des IDE, des exportations, etc., lesquels ont été lourdement affectés par la révolution et la crise mondiale. A l’heure qu’il est, les optimistes parlent d’une économie profondément fragilisée en préconisant des solutions urgentes, et les pessimistes évoquent une économie au bord de l’effondrement en présageant des scénarios catastrophe, sur fond d’une tension sécuritaire dont on ignore l’issue.

La dette, elle, loin d’apaiser les inquiétudes, contribue à les exacerber. Cette crainte est largement justifiée, en dépit des déclarations rassurantes des officiels qui écartent tout risque d’ingérence des bailleurs de fonds dans nos affaires intérieures, s’agissant notamment du fonds monétaire international qui a consenti à nous octroyer un accord de confirmation à titre de précaution de  2.7 milliards. Le FMI tout autant que la banque mondiale conditionnent leurs crédits à un certain nombre d’exigences, comme l’introduction de plus de transparence, l’amélioration des performances des banques et la mise en place de règles prudentielles, l’assainissement du climat des affaires, la lutte contre la corruption, etc. Des réformes que la Tunisie gagnerait à mettre en route, conformément à une stratégie de développement clair, et des objectifs chiffrés sur le court, le moyen et le long terme. Or, à l’heure qu’il est, on a comme l’impression que les autorités naviguent à vue, et sont à court d’une vision à même de sortir l’économie de l’ornière. Sans compter cette inconscience ambiante qui frappe les Tunisiens, dont le spleen postrévolutionnaire semble avoir démotivé au point de se fâcher avec la valeur travail. Pourtant, le pays ne peut  sortir de cette période de vaches maigres, et redresser son économie que si tout le monde retrousse les manches. "Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez ce que vous pouvez faire pour votre pays", disait Kennedy.
H.J.

 

Commentaires 

 
#5 imminent spécialiste, mais surtout indicible incompétent
Ecrit par mehdikhodjet     26-05-2013 23:13
@Mohamed Saket ,
le Consultant International, Ancien fonctionnaire des Nations Unies.

Vous dites : « Ils étaient forcés à se mobiliser pour calmer les avalanches de mouvements de protestations sociales généralisés. [...] demandes excessivement abusives ou se tenir debout en face du freinage des systèmes de production ? [...] L’investissement local comme étranger a considérablement chuté par crainte du pire. Les systèmes de productions ont été freinés, résultat : croissante en deçà des attentes »....

Est-ce que cela veut-il dire qu’ils ont arrosée les anciens complices de dictatures qu’ils soient tunisiens ou étrangers dans l’exploitation des ressources naturelles de la Tunisie pour éponger leur pertes relatives aux mouvements sociaux qui se manifestent pour réclamer plus de droits et d’équité ?

N’aurait-il pas valu mieux de redistribuer une partie de ces mirifique mannes pour partager avec le peuple auquel aucun retour n’est attribué, aucune perte financière n’a été reconnu du fait des politiques précédentes et de la dictature. N’aurait-il pas été préférable d’apporter assistance au peuple souffrant pour gagner la paix social et reconstruire sur des fondations solides et rétablir un équilibre économique viable ?

Qu’ont-ils fait exactement ? Ils ont rémunéré des IDE et des financiers avec de la dette extérieure pour faire circuler le principal, rembourser des dettes insolvables, corrompre la tutelle de la Tunisie pour obtenir sa bienveillance comme de la France ou de l’AFD et laissé au peuple la facture des intérêts qui représente aujourd’hui plus de 75% du stock total de la dette extérieure ?

L’audit de la dette totale, intérieure et extérieure de la Tunisie est une nécessité absolue qui se justifie à chaque nouvelle analyse et à chaque nouvelle concernant l’état, les finances, l’économie, la BCT et les banque tunisiennes.

Mais il y aura toujours des imminents spécialistes prétendument compétents qui ne sont rien d’autre que des marionnettes modelées dans la cire grasse et fondant au premier rayon de lumière.

Vos paroles justifient encore le pire, cher Mohamed Saket, car voyez-vous vous provenez du système et vous y avez été modelé ce qui ne vous permet pas de vous extraire de vos chaines pour avoir un point de vue objectif sur la question. Oui imminent spécialiste, mais surtout indicible incompétent.

On ne pouvait rien attendre d’autre de vous.

Je salue cet article et la bravoure de sa parole dans ces temps d'obscurantisme et d'imposture.



Mehdi Khodjet El Khil
 
 
+3 #4 RE: Tunisie/ Recours effréné à la dette : Bénédiction ou malédiction ?
Ecrit par Montygolikely     23-05-2013 14:33
Si vous laisser encore des "affamés" (mangiafranchi, on disait dans mon temps)nous gouverner, on n'aura pas d'autres solutions que de plonger inexorablement dans la spirale infernale de la dette...
 
 
+1 #3 Imposer mais d'austoriter.
Ecrit par Tounes hora     23-05-2013 11:56
Je suis pour imposer les restaurateur s'il ne le sont pas, je pense qu'il faut faire des controles au niveau de leur déclarations de toutes les profession hors un été le fisc tn a choper un medecin et on lui a demander de payer une somme colossal. Je pense déja il va y avoir des entrées avec ces deux points d'évoquet et je attention a l'austerité il faut pas en arriver si non c'est spirale sans fin regarder la Grece, le Portugal, l'Espagne, ... .
 
 
-2 #2 Consultant International, Ancien fonctionnaire des Nations Unies
Ecrit par Mohamed Saket     23-05-2013 08:32
Votre article est bien rédigé et assez modéré. Mais, j’ai espéré y trouver une analyse plus approfondie du contexte social et politique de la Tunisie d’après révolution. C’est vrai que la précarité des millions de Tunisiens est connue de tous et oblige à agir, dans le cadre d’une politique et stratégies fondées sur une vision claire, pour un partage plus équitable de la richesse du pays. C’est vrai aussi que tous les gouvernements d’après révolution ont été harcelés par l’opposition, la centrale Syndicale et les perdants du régime déchu. Tous ces gouvernements n’ont, malheureusement, pas eu le temps pour se concentrer sur les grands dossiers des affaires de l’Etat. Ils étaient forcés à se mobiliser pour calmer les avalanches de mouvements de protestations sociales généralisés. Est-ce que l’économie d’un pays comme la Tunisie est capable de répondre à toutes ces demandes excessivement abusives ou se tenir debout en face du freinage des systèmes de production ? Le résultat de ces mouvements était négatif à plusieurs plans. L’investissement local comme étranger a considérablement chuté par crainte du pire. Les systèmes de productions ont été freinés, résultat : croissante en deçà des attentes. La productivité du Tunisiens est à son niveau le plus, jamais vue par la Tunisie. La majorité écrasante des Tunisiens cherchent à gagner plus, beaucoup plus et travailler moins et de plus en plus moins. Nous savons tous que les agriculteurs, aujourd’hui, n’arrivent pas à trouver la main d’œuvre pour produire et alimenter le marcher. Les jeunes "chômeurs" exigent des salaires très élevés contre des heures de travail réduites à une moyenne de cinq heures par jour. Qui est derrière ce changement très négatif de la mentalité des Tunisiens. A mon sens, la Centrale Syndicale, qui n’a jamais compris son rôle dans un pays comme la Tunisie, est le premier responsable. Au lieu d’envoyer des messages clairs aux ouvriers et aux démunis pour réclamer leurs droits tout en travaillant plus et produire davantage, la Centrale Syndicale n’a fait que mettre le feu là où les conditions sont propices pour toutes sortes d’actions, visant la pression poussée à son extrême sur l’Etat. La Centrale Syndicale est, malheureusement, dirigée par une équipe qui n’a pas le niveau académique suffisant lui permettant de mesurer l’ampleur des conséquences de ce qu’elle dit et ce qu’elle fait. La gauche a aussi, à mon sens, une grande part de la responsabilité.
 
 
+2 #1 d'autres solutions existent
Ecrit par Royaliste     22-05-2013 20:18
elle est de combien la dette?
combien chaque tunisien doit rembourser?
combien sont les interets qu'on va payer?

dans certains pays, le montant de la dette est affiché dans les rues pour que le citoyen comprends.

vous dites Cet état de fait a rendu le recours à l’endettement comme une obligation et point une option

et bien non, quand on n'a pas d'argent on réduit les dépenses, on evite un gouvernement de 80 ministres, un président a 30 000DT par mois et une présidence a 80 Millions de DT et une ANC a 26 Millions...et une indemnisation des poseurs de bombes a X millions (personne ne veut donner les chiffres exacts) ensuite il y a des pans entier de l'economie qui ne paient pas d'impots (les professions libérales, restaurateurs, mécaniciens, menuisier....), mais ghannouchi ne veut pas les provoquer,
 
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