Tunisie/ Proclamation de l’état d’urgence : Un mal nécessaire !

Publié le Mardi 07 Juillet 2015 à 13:28
L'état d'urgence est proclamé pour un mois en Tunisie. L’état d’urgence était en vigueur en Tunisie depuis janvier 2011, au lendemain de la révolution, jusqu’au 4 mars 2014. Tout au long de cette période, il n’a cessé d’être prolongé, sur fond d’un climat plus ou moins stable, marqué par une menace terroriste tantôt patente, tantôt latente.

Le maintien de l’état d’urgence pendant trois ans n’a pas été si critiqué, et tout le monde y percevait une nécessité pour prémunir le pays contre les dangers terroristes, à l’heure où la guerre contre le terrorisme se livrait plutôt sur les montagnes, et dans les zones militaires fermées.

Pourquoi ce qui a été considéré comme étant normal, et accepté de tous pendant trois ans ne l’est plus aujourd’hui. Il y a deux raisons à cela. La première est que pendant la période antérieure 2011-2014, il n’a pas été fait allusion au décret n’o 78-52, du 26 janvier 1978, et cette disposition d’exception n’a pas été particulièrement invoquée pour justifier des atteintes aux libertés.

La deuxième est que la Tunisie s’est dotée depuis d’une nouvelle constitution, celle du 26 janvier 2014, dont l’esprit et la lettre reposent sur le respect, la défense et le caractère inaliénable des droits et libertés.

L’article 80 de la nouvelle loi fondamentale habilite le président de la république "de prendre des mesures d’exception en cas de péril imminent menaçant les institutions de la nation, la sécurité et l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics". Or, certains estiment que la Tunisie n’est pas aujourd’hui dans ce cas de figure, et qu’il est exagéré, voire injustifié de proclamer l’état d’urgence.  

A se référer à l’article premier du décret controversé de 1978, "l’état d’urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire de la République, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant par leur gravité le caractère de calamité publique".

La situation du pays s’apparente, à l’heure qu’il est, plutôt à la première hypothèse, en présence du péril terroriste. La Tunisie a vécu deux attaques effrayantes en trois mois d’intervalle, celle du Bardo et celle de Sousse, ayant fait une soixantaine de victimes parmi les touristes. Ces attentats dont les répercussions sont catastrophiques sur le tourisme, ont affecté l’économie tout entière, qui peine à sortir de la crise.

Pendant l’attentat du Bardo, les Tunisiens étaient incrédules. Ils n’avaient jamais pensé que le terrorisme, connu après la révolution pour être confiné dans les montagnes et les zones reculées, était si proche d’eux, et pouvait frapper ainsi au cœur de Tunis. La frayeur était générale, mais en dépit de cela, on a tenté de se persuader, que cette opération est la première et la dernière, et qu’on n’aura jamais à vivre une tragédie d’une telle ampleur.

Les faits ont néanmoins démenti nos naïfs pronostics, et l’attaque de Sousse, encore plus violente et meurtrière, est venue nous rappeler une réalité amère : La Tunisie est bien en guerre contre le terrorisme, une guerre longue et coûteuse. C’est dans ce contexte que les pouvoirs publics ont jugé bon de renouer avec l’état d’urgence, en invoquant cette fois-ci le décret de janvier 1978.

Cette annonce largement contestée semble être, hélas, un mal nécessaire pour pacifier, autant que faire se peut, le pays et concentrer tous les efforts sur la lutte contre l’hydre terroriste. D'autant plus que le pays ne supporte plus davantage de tensions sociales, avec des mouvements de contestation et des grèves incessants.

L’ancien ministre de l’Intérieur français, Charles Pasqua, qui vient de s’éteindre disait que "La démocratie s'arrête là où commence l'intérêt de l'Etat". Qu’on le veuille ou non, la sécurité doit primer sur la liberté, car aucune liberté n’est possible et imaginable en l’absence de sécurité et de stabilité. Cela ne doit en aucun cas ouvrir la voie aux abus. Aux pouvoirs publics d’appliquer cette disposition d’exception dans l’esprit de la nouvelle constitution, et de faire en sorte que liberté et sécurité fassent bon ménage.
H.J.