Tunisie/ Planification familiale : Le facteur religieux déterminant à Kairouan et Kasserine |
Publié le Jeudi 13 Juillet 2017 à 13:00 |
Le programme de planification familiale, et de santé de la reproduction est passée par plusieurs phases depuis son lancement. D’une vision démographique pendant les années 60, où les femmes pouvaient recourir à la limitation des naissances à partir de 5 enfants, via une IVG (interruption volontaire de la grossesse), il est passé dans les années 70 à une vision sanitaire SMI (santé maternelle et infantile), pour un espacement des naissances (IVG libre). Pendant les années 80, ce sont le concept de santé familiale, de périnatalité et de prise en charge de la Stérilité qui ont prévalu. Tandis qu’au cours es années 90, c’est le concept de santé de la reproduction qui a été mis en avant avec une gamme de services élargie : Périnatalité, PF, IST (infections sexuellement transmissibles), Cancer /sein et col, Ménopause, Stérilité. Dans les années 2000, place à la dimension genre, à travers notamment une focalisation sur la prévention de la violence à l’égard des femmes. Avec un indice synthétique de fécondité (ISF) en hausse, 2,46 enfants en 2014, contre 2,1 en 2008, l’Office national de la famille et de la population (ONFP) cherche à se recentrer sur son activité originelle, soit la planification familiale, et répondre aux besoins des femmes en matière de contraception, qui restent plus ou moins satisfaits, notamment dans les régions de l’intérieur. La prévalence contraceptive moyenne en Tunisie est à 62,5 %, elle est à moins 55 % au Centre Ouest. Les besoins non satisfaits en contraception sont les plus élevés au Centre Ouest (de 9 à 13 %), contre une moyenne nationale à 7 %. Les objectifs 2020 du FNUAP (fonds des Nations-Unies pour la population), et de l’Association tunisienne de la santé de la reproduction (ATSR) est de les réduire de 50 %, a souligné Mohamed Abdi, consultant auprès de l’ATSR, lors d’une table ronde organisée par l’ONFP, à l’occasion de la journée mondiale sur la population le 11 juillet 2017. Présentant les résultats d’une étude qualitative sur "les besoins non satisfaits en contraception dans les régions de Kairouan et de Kasserine", où l’ISF est respectivement de 3 enfants/ femme et 2,6 enfants/femme, il a indiqué que la planification familiale est perçue dans ces deux régions "en tant qu’espacement des naissances". Quelques femmes ressentent le besoin de limiter les naissances mais déclarent que c’est proscrit par la religion "Haram". La religion demeure en effet, l’un des facteurs influençant le comportement des femmes en matière d’utilisation de la contraception. Les maris, eux, poussent pour l’utilisation de la contraception surtout quand les conditions socioéconomiques sont précaires. Les méthodes de contraception modernes pour l’espacement sont considérées comme étant compatibles avec l’esprit de la religion. Mais, la ligature des trompes, l’IVG et toute forme de limitation des naissances sont perçues comme étant formellement proscrites par la religion, conclut cette cette enquête dont les résultats permettront aux décideurs et planificateurs de mieux orienter les programmes de planification familiale en vue de répondre aux droits et attentes des femmes. Le désir d’un sexe précis d’enfants représente, néanmoins, un obstacle certain à la contraception ; le couple continuera à faire des grossesses tant que le sexe souhaité n’a pas été obtenu. Pour le mari qui n’a pas de garçon, la femme continuera à donner des enfants, même si santé est fragilisée, souligne l'étude. Les femmes et les hommes réclament une meilleure prise en charge, la disponibilité des médicaments et des examens complémentaires (échographie), des services plus réguliers de l’équipe mobile ; au moins une fois par semaine, plus de personnel qualifié (gynécologue à plein temps et des caravanes de services avec des médecins spécialistes). L’enquête relève un gros problème d’offre des services de contraception à Kairouan, et un gros problème à Kasserine (Pas de Bloc Opératoire, et la Gynécologue conventionné ne couvre pas les besoins). Elle recommande d’intégrer la planification familiale dans une approche régionale de développement intégré. Elle suggère, de surcroît, d'améliorer les conditions de travail dans les Centres de santé de base (eau, électricité), de réintroduire la clinique mobile et de la doter d’un mini plateau technique (mini laboratoire, échographe mobile), d'initier un partenariat ONG/Santé/ONFP pour la réduction des besoins non satisfaits, de rouvrir le bloc opératoire de l’ONFP à Kasserine, et d'établir une convention avec la Maternité Régionale pour les cas de ligature des trompes ou d’IVG chirurgicale. Gnet |