Tunisie/ Parlement : La séance maintenue ouverte dans la discorde

Publié le Mardi 02 Décembre 2014 à 19:04
La plénière inaugurale de l’Assemblée des représentants du peuple sera maintenue ouverte jusqu’à jeudi 04 décembre à 10 heures, a annoncé ce soir Ali Ben Salem, président de la première séance parlementaire extraordinaire, avant d’arrêter les travaux.

Les candidatures à la présidence du nouveau parlement doivent être déposées à partir de demain auprès du bureau d’ordre de l’ANC, jusqu’à jeudi à 9 heures, le deadline.  

Cette proposition a été adoptée à 161 voix, 22 abstentions, et 9 contre. Elle a fait l’objet d’une large polémique au sein de l’hémicycle où l’atmosphère était tendue, à l’instar de ce qu’était le cas dans la défunte assemblée nationale constituante.

Nombreux sont les députés qui y ont perçu une violation de la constitution, dont l’article 59 stipule que le président de l’Assemblée, son premier et deuxième vice-présidents doivent être élus lors de la plénière d’ouverture de la session parlementaire.

 La proposition de garder ouverte la plénière, formulée par Mohamed Fadhel Omrane, chef du groupe de Nida Tounes, a été appuyée par Ennahdha, Afek Tounes et l’Union patriotique libre, et catégoriquement rejetée par le Front populaire, le courant démocratique, le mouvement du peuple notamment qui l’ont considérée comme une transgression de la constitution, réclamant l’élection du président et des deux vice-présidents du parlement lors de la séance de ce mardi.

Ali Ben Salem, doyen des députés, a essayé de concilier des avis difficilement conciliables, mais les différends n’ont pu être aplanis, n’eût été le vote qui a mis fin à cette large controverse.

"Cette décision est contraire à la constitution", a estimé Samia Abbou, du courant démocratique, reniant à Ali Ben Salem le droit d’appeler les députés à une autre séance. Zouhaïr Maghzaoui, du mouvement du peuple s’est dit pour le consensus national pour sortir le pays de l’ornière, mais contre les "accords partisans qui sont en relation avec l’élection présidentielle", en allusion aux tractations entre Nida Tounes et Ennahdha en vue de probables alliances futures.  

Aymen Alaoui, du Front populaire, s’est interrogé : "pour les beaux yeux de qui, va-t-on reporter la séance, si c’est pour la Tunisie d’accord, mais si c’est au détriment du pays, il n’en est pas question", estimant que cette séance devrait envoyer "un message rassurant au peuple rompant avec ce qu’ils ont vu" (ndlr : avec l’ANC). Fayçal Tebini a abondé dans le même sens, exigeant que l’Assemblée procède ce soir même à élire son président et ses deux vice-présidents

Mabrouk Hrizi, CPR, a perçu dans ce report "de mauvaises prémisses et une supercherie contre l’article 59 de la constitution".

De nombreuses voix de différents groupes parlementaires ont défendu cette proposition, faisant valoir la recherche de consensus nécessaire en vue de parvenir à l’apaisement politique lors de l’étape à venir.    

Pour Abdelfattah Mourou, cette proposition va donner l’occasion aux groupes parlementaires de mener des concertations à même de déboucher sur une forme de consensus." Le maintien de la séance ouverte n’est pas une hérésie, la loi le permet à condition que ça soit assorti d’une durée déterminée", a-t-il dit, ajoutant que les députés de son groupe ne voient pas d’inconvénient à ce sujet. Mohsen Hassan, chef du groupe UPL, a été du même avis, dans le but de parvenir au consensus. Idem pour Afek Tounes. Riadh Mouakher a indiqué que l’article de la constitution fait l’objet de plusieurs interprétations, et ne précise pas si la première séance dure un jour ou plus, et en l’absence de Cour constitutionnelle pour trancher les différends, il a suggéré de recourir au vote.

Khaled Chawket a reproché à Mustapha Ben Jaâfar" d’avoir appelé d’une manière unilatérale les députés à se réunir le mardi, alors qu’il aurait pu les appeler pour jeudi et vendredi", d’autant plus qu’il sait pertinemment, selon ses dires, que" l’opération politique passe par le dialogue et le consensus". Le maintien de la séance ouverte vise à parvenir au plus large consensus, et ne doit donner l’image d’une bataille entre ceux qui cherchent à protéger la constitution, et d’autres qui veulent en enfreindre les dispositions, a-t-il ajouté en substance.

Mehrezia Abidi s’est dit étonnée que le président de l’ANC soit ainsi critiqué, alors que les voix se sont exprimées d’emblée appelant à accélérer la tenue de cette séance et à l’organiser 48 heures après la tenue du scrutin." Ce n’est pas digne de lancer des paroles d’une manière arbitraire", a-t-elle lancé.

En fin de cette séance de l’après-midi, la composition de la commission de décompte des voix, formée antérieurement, est passée au vote et a été entérinée à 178 voix, 11 abstentions, et 0 voix contre.
Gnet