Municipales : Listes communes Ennahdha/ Nida : ce n’est pas étonnant

Publié le Jeudi 30 Juillet 2015 à 14:05
Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi affichent une entente parfaite. Des bruits médiatiques font état de la possibilité de listes communes Nida Tounes/ Ennahdha aux prochaines municipales, prévues vers la fin de 2016. Le magazine Jeune Afrique a rapporté dans son dernier numéro que "cette alliance leur aurait été conseillée par certaines ambassades étrangères, au premier rang desquelles celle des États-Unis, qui redoutent qu’aucune majorité ne se dégage du scrutin, ce qui, avec la mise en place progressive de la décentralisation, risquerait de rendre les collectivités locales totalement ingérables".

Pour le moment, cette information est très peu commentée au sein des deux principaux mouvements politiques. Des dirigeants de Nida Tounes l’ont démentie, estimant qu’une telle question n’a pas été évoquée au sein des instances dirigeantes du parti. Aux dernières nouvelles, les dirigeants d’Ennahdha ne se sont prononcés à ce sujet. L’enchaînement des faits atteste néanmoins d’une certaine faisabilité de l'idée.

Deux mouvements, et une série d’avatars

Les rapports entre Nida Tounes et Ennahdha ont connu plusieurs avatars, depuis la création du mouvement Béji Caïd Essebsi, en juin 2012.  De la rupture à la réconciliation ; de l’opposition à la coalition. On se souvient tous des diatribes et des joutes oratoires lancées par les deux mouvements par médias interposés, à l’époque du règne de la troïka.  

La fameuse rencontre de Paris entre Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi, d’août 2013, a permis d’amorcer le dégel, à l’heure où la Tunisie était encore empêtrée dans sa crise politique aigüe. Dès lors, les rapports se sont quelque peu décrispés, et la politique de la main tendue a prévalu, notamment du côté d’Ennahdha.

Le mouvement islamiste qui a fait de l’appel au consensus un cheval de bataille, n’a eu de cesse de marteler que la Tunisie n’était pas dans une période démocratique ordinaire, mais en phase de construction démocratique, chose qui requiert l’entente et la coopération entre les grands partis, au service de l’intérêt du pays.

Cette accalmie n’a pas néanmoins résisté aux élections législatives et présidentielles. Si Ennahdha, obsédé par le scénario égyptien, s’est attaché fermement à sa ligne consensuelle, Nidaa lui a tourné le dos pendant la campagne électorale, le considérant comme l’ennemi à abattre dans les urnes. Le mouvement de Béji Caïd Essebsi a fondé sa campagne électorale sur la bipolarisation,  on se souvient tous de la phrase controversée de l’actuel locataire de Carthage : celui qui ne vote pas Nida, aura donné sa voix à Ennahdha. L’époque de la polarisation est révolue, rétorquait le mouvement islamiste mal à l’aise devant l’angle d’attaque de Nidaa, affirmant que des points à l’instar de l’attachement à l’Etat civil, aux valeurs de démocratie, des libertés et droits, ont été tranchés par la constitution.

La stratégie électorale de Nidaa s’est révélée gagnante, et le mouvement qui a à peine deux ans d’âge, a réussi à rafler la mise aux législatives et aux présidentielles. Ennahdha perd sa position en tant que parti majoritaire, et est relégué à la seconde position.

Déçu et choqué sans le montrer vraiment, le mouvement s’est précipité, par la voix de ses dirigeants, à féliciter Nida de la victoire aux législatives. Depuis son plaidoyer pour un gouvernement d’unité nationale s’est renforcé, mais cela n’était pas gagné d’avance. Le mouvement était sommé par les dirigeants de Nida, de se plier aux conditions du package et d’afficher une position claire pendant la présidentielle, en déclarant ouvertement son soutien à BCE, mais Ennahdha, dans les circonstances et les difficultés sur lesquelles il est inutile de revenir, a fini par opter officiellement pour la neutralité, et officieusement pour le soutien du président sortant, Moncef Marzouki, candidat de sa large base populaire.

La suite, tout le monde la connait, Ennahdha est parvenu à s’imposer dans la composition du gouvernement par un seul ministre, malgré l’opposition farouche et la crise violente que sa participation a suscité au sein de Nida Tounes. Les choses se sont depuis calmées, et les deux partis sont en parfaite symbiose notamment au sein du parlement.

Lotfi Zitoun est allé jusqu’à parler d’un bloc unique Ennadha/ Nida au sein de l’ARP. Son vœu n’a pas été tout a fait exhaussé, mais presque. Les deux premières forces parlementaires affichent une entente parfaite, et les animosités du passé sont quasiment oubliées. L’idée de listes uniques aux municipales coulerait ainsi de source. Reste à prévoir les réactions des électeurs, d'un côté, comme de l'autre, qui semblent beaucoup plus attachés à leurs principes et leur identité que leurs dirigeants.

H.J.