Tunisie/ Mouvement des délégués : Les craintes de partialité sont légitimes !

Publié le Lundi 30 Janvier 2017 à 17:53
Youssef Chahed critiqué pour le mouvement des délégués. Le mouvement des délégués suscite des grincements de dents. Des partis fustigent des nominations procédant du principe des quotas partisans, exprimant leur crainte pour l’impartialité des élections municipales en vue, d’autant plus que les délégués sont amenés à prendre la place des délégations spéciales qui seront dissoutes, comme le prévoit la loi.

Youssef Chahed a annoncé en fin de la semaine écoulée un large mouvement dans le corps des délégués, en vertu duquel 114 délégués ont été remplacés. Sofiène Toubel, président du bloc parlementaire de Nidaa Tounes a déclaré ce lundi sur Shems, que sur les 96 CV présentés par son mouvement, 35 ont été retenus et leurs titulaires désignés à cette haute fonction de l’administration régionale. Les autres se répartissent en 24 (Ennahdha), 10 (Afek Tounes), 2 (al-Joumhouri), 2 (al-Moubadra), 2 al-Massar, et le reste est constitué d’indépendants.

Les détracteurs de ce mouvement s’en prennent à Youssef Chahed pour ne pas avoir respecté ses engagements de rompre avec les quotas partisans, et considèrent l’appartenance partisane des nouveaux délégués, comme attentatoire aux principes de transparence et d’impartialité du futur scrutin municipal et régional. Ils considèrent aussi que certains des nouveaux responsables n’ont pas la compétence et le niveau requis leur permettant de remplir la mission qui leur sera dévolue, une critique rejetée par Toubal qui affirme, citant la présidence du gouvernement, que   98 % des nouveaux délégués sont des diplômés du supérieur.

Quotas partisans
La rhétorique autour des quotas partisans n’est pas nouvelle. Elle a toujours accompagné, ces années post-révolution,  la formation des gouvernements, la nomination des hauts responsables, et bien sûr les précédents mouvements des délégués. Ceux qui sont au pouvoir l’assument et la considèrent comme coulant de source. Il est normal pour des partis victorieux aux élections de choisir des personnes de confiance au niveau de l’administration centrale et régionale  pour qu’ils puissent mettre en exécution leurs projets et politiques. A fortiori qu’un tel procédé s’inscrive dans les usages politiques, même les partis, dans les démocraties les plus anciennes, y ont recours lorsqu’ils accèdent au pouvoir à l’issue d’une victoire dans les urnes.

Sauf que ce qui fonctionne ailleurs, notamment au sein d’une ancienne démocratie, pourrait ne pas marcher chez nous. Pour la simple raison, que notre démocratie, encore jeune et vulnérable, n’a pas encore tranché des questions comme la séparation entre administration et parti, l’indépendance d’un responsable régional par rapport à son parti, qui, a fortiori, l’a proposé au poste, et la neutralité stricte des responsables régionaux en se tenant à la même distance de tous les partis. Aussi notre administration est-elle encore dépourvue des mécanismes de régulation et de contrôle, pouvant prévenir dérapages, les corriger et éventuellement les sanctionner.

Ces facteurs réunis expliquent la crainte des partis d’opposition, quant au risque que l’administration régionale soit inféodée par les partis au pouvoir, et que les prochaines élections municipales, que tout le monde en atteste de l’urgence, soient entachées d’irrégularités.

Le nouveau contingent de délégués serait, en majorité, constitué de personnes intègres, et vouées à s’acquitter de leur devoir en tout indépendance, en prêtant allégeance à la seule patrie, l’inverse pourrait aussi exister. Faute de pouvoir vérifier la probité de chacun, il vaudrait mieux désigner des délégués indépendants, et ayant les compétences et aptitudes nécessaires, le temps que l’administration régionale soit munie de garde-fous qui empêchent tout dépassement, tout en en garantissant un fonctionnement démocratique et transparent. D’autant plus que l’enjeu des prochaines municipales est extrêmement important, vu l’état de dégradation généralisée dans lequel se trouve le pays. Mieux vaut les entourer des meilleures conditions de succès, et les immuniser contre toutes les suspicions pour que les équipes qui en seront issues n'en soient en rien délégitimées. 

Gnet