Tunisie/ Métiers juridiques et judiciaires : Malaise et crise structurelle

Publié le Vendredi 21 Juin 2013 à 17:25
Vue du colloqueLors d’un colloque organisé ce matin au sujet des professions judiciaires et juridiques et le rôle des premières dans l’indépendance de la Justice, le président de l’Observatoire de l’indépendance de la magistrature,  Ahmed Rahmouni a déploré l'inexistence d'un recueil pour organiser ces professions.

«Ces métiers répondent à des caractéristiques et valeurs ressemblantes, si elles ne sont pas parfois identiques…à l’instar des huissiers et huissiers notaires, ou les comptables et les consultants fiscaux. On trouvera  dans certains cas des règles qui coïncident, des règles en commun, ou encore des conflits d’intérêts », a-t-il dit.

Ces ressemblances concernent aussi bien les responsabilités professionnelles des uns et des autres, mais aussi l’éthique à laquelle doiventt se conformer les différents corps de métier dans le domaine judiciaire et juridique.

Ce chevauchement de pouvoirs crée certains malaises chez ces professions. Le mois dernier une confrontation au eu lieu entre juges et avocats du palais de justice de Bejà, où des accusations ont fusé des deux côtés par communiqués interposés. 

L’Observatoire tunisien de l’indépendance de la Magistrature avait expliqué ce malaise par les crises structurelles qui touchent aux deux professions. Comme celle du décret-loi qui organise la profession d’avocat et la crise de l’Instance indépendante du pouvoir judiciaire. Selon Rahmouni, ces mésententes sont aussi dûes à l’absence de toute culture commune, à cause du renfermement de chacune des professions sur elle-même ce qui diminue les chances de faire connaissance. Il ajoutera que les comportements personnels des avocats et magistrats sont également à l’origine de la crise.

«Tandis qu’à l’étranger on parle d’inter-professionnalisme et de journaux spécialisés pour les différentes professions juridiques et judiciaires, nous restons loin de cela…alors que nous devrions nous entendre, débattre et aller à la découverte de l’autre et de ce qui pourrait nous enrichir les uns les autres », a ajouté Rahmouni.

Amor Oueslati, membre du comité directeur de l’Observatoire de l’Indépendance de la magistrature, exposé le statut de l’instance de l’aide juridique, faisant partie de l’Observatoire, et sur lequel planche l’association. « L’instance de l’aide juridique est l’une des composantes de l’observatoire tunisien de l’Indépendance de la magistrature. Son but est de garantir l’indépendance de la justice, participer à l’élaboration d’une opinion publique qui pousse vers la création d’un Etat de droit,  l’observation  des exactions commises dans le domaine, et appuie le droit à une justice équitable à tous les citoyens et citoyennes», a-t-il expliqué.

Selon lui, l’observatoire a recensé jusqu’à ce jour, 21 professions juridiques et judiciaires. Un nombre qui n’est pas définitif. « Il existe un grand nombre de professions, parfois même nous croisons des métiers dont nous ignorions l’existence mais qui contribuent à la bonne marche de la justice et aident à lever le voile sur la vérité…Tous les intervenants juridiques et judiciaires doivent s’entraider pour améliorer les législations qui régissent leurs métiers respectifs » a-t-il dit. 

Yadh Chaouachi, membre de l’Observatoire a déclaré que le rôle de la justice est de plus en plus important lors de ces dernières années. « C’est ce qu’on appelle le militantisme juridique, un moyen de contrer les lobbies politiques et économiques …En Tunisie, mais aussi dans les régimes libéraux, cet accroissement du pouvoir juridique revient à la  faiblesse de l’Etat sous le poids de l’impérialisme et du recul du rôle des individus…comme nous l’avons vu en Espagne, l’Italie, la France et les USA …la justice essaie dans ce cas de rééquilibrer la vie», a –t-il dit.

Le principal frein à l’indépendance de la justice est, selon lui, la non-participation du peuple au choix des juges. «On peut y remédier par la démocratisation de l’administration judiciaire, la participation de la haute instance de la magistrature au Conseil supérieur de la magistrature, et par la voie du scrutin parmi les compétences intellectuelles et juridiques », a-t-il précisé. 
Chiraz Kefi