Tunisie/ Médias : La création d’un conseil de presse ne fait pas l’unanimité

Publié le Mercredi 12 Février 2014 à 17:11
«Le conseil de la presse, une condition pour défendre l’indépendance du secteur » a été un sujet débattu ce mercredi 12 février dans le cadre d’une conférence sur la liberté de la presse et la déontologie journalistique organisée par le collectif, l’Article 19, le Syndicat National des Journalistes tunisiens et la Fédération Tunisienne des Directeurs de journaux.

Selon Taïeb Zahar, patron du magazine « Réalités », la Tunisie aurait besoin d’un conseil de la presse compatible avec la réalité tunisienne, et non pas calqué sur d’autres modèles occidentaux : «La question est de créer un conseil actif et non pas de forme. Avant de prendre des décisions,il faut réfléchir en profondeur, car ce sera un projet légué aux générations à venir…aujourd’hui la situation politique du pays a changé et nous devrions en profiter, et demander à ce que l’Etat le finance sans que cela ne touche à son indépendance », a-t-il dit, appelant à ce que la question d’un conseil de la presse soit longuement réfléchie avant d’être appliquée.

Kamel Charni journaliste au journal Al Chourouk, a déclaré que le conseil de la déontologie est selon lui, un conseil de la bonne conduite « et si on compte créer un autre conseil de la bonne conduite, il ne restera plus aux médias qu’à comparaitre devant le juge d’instruction. Et il est inconcevable qu’un collègue soit soumis à cela, qu’il ait commis une erreur ou pas, car au final toutes les erreurs ne sont pas préméditées », selon lui, attirant l’attention de l’assistance composée d’hommes et femmes des médias, de députés et de représentants de l’Etat, sur la question de la précarité, caractéristique de la vie d’un journaliste en Tunisie.

«Nous avons des collègues qui vivent sous le seuil de pauvreté, au point de vue universel. Des collègues qui sont payés 250 dinars par mois sans aucune garantie. Quelle loi peut-on leur imposer dans l’état actuel des choses, alors que l’on parle de faim ? Ces journalistes sont vulnérables et cible de chantage et d’instrumentalisation. Il serait urgent de faire appliquer le code du travail chez les médias, car ils ne s’y plient pas, et transgressent l’obligation d’une rémunération minimale pour les journalistes », a-t-il dit.

Un avis partagé par Nejiba Hamrouni, Présidente du SNJT,  ajoutant que les institutions médiatiques n’appliquent pas la loi de 1970. « On ne peut pas s’attendre d’elles qu’elles appliquent une loi de 2014. Nous avons organisé des tables rondes et des réunions à ce sujet depuis l’année dernière. Nous sommes arrivés en décembre 2013 à élaborer un statut et code de déontologie qui réunissent tous les médias, en prenant en considération la réalité du paysage médiatique tunisien, les problèmes, et les attentes. Nous sommes allés à l’intérieur du pays, avons rencontré les concernés, les directeurs de médias et les journalistes…Aujourd’hui, nous sommes confrontés à des médias qui refusent d’effectuer des réformes et de s’autoréguler. Ce qui nous pousse à nous interroger : qui s’oppose réellement à la réforme et à la remise en question ? », s’est-elle interrogée.

Saida Hammami,  journaliste de Mosaïque Fm, est pour sa part revenue sur la question financière et son impact sur la déontologie : «  Nous savons qu’il existe beaucoup d’argent politique qui exerce une certaine autorité sur les médias, quel qu’ils soient. Mais ce qui est inquiétant c’est que le conseil de la presse s’il se traduit par une loi, ne devienne un nouveau ministère de l’Information et de la Communication et trainera les journalistes en Justice, plus qu’ils ne le sont déjà aujourd’hui…Nous avons déjà un code interne au syndicat, punissant les journalistes qui transgressent la déontologie. La seule garantie aujourd’hui demeure que ce conseil de la presse émane des structures concernées. Qu’il soit formé de personnes représentantes de médias, des syndicats, des observatoires et autres associations. Reste la question du financement de laquelle il faudra débattre pour éviter que la partie qui finance n’exige une certaine orientation », a-t-elle dit.

Jameleddine Bourigua, président de l’Observatoire de la déontologie du travail journalistique et des pratiques de l’information, qui a vu le jour en août 2013, a déclaré que le secteur de l’information était au plus mal du temps de l’ancien régime. «Il existe plusieurs écoles médiatiques en Tunisie, certaines méritent le respect, et d’autres pas. Certaines étaient des  bureaux de renseignement de l’ancien régime. Nous avons également constaté que le journalisme était transmis en héritage, ce qui est surprenant…d’autres journaux se sont habitués à l’argent facile. C'est-à-dire qu’ils effectuaient des tirages de 1000 ou 2000 exemplaires qui partaient à la poubelle, en même temps ces journaux gagnaient des millions à travers l’ATCE et d’autres organismes…c’est cet état de fait qui pose problème quand nous en venons à la réforme, car beaucoup d’intérêts sont en jeu… », a-t-il dit. Bourigua a ajouté que les patrons de journaux n’étaient pas encore prêts à ce que le secteur soit réformé. « Il ne faut pas que les journalistes prennent la même position, il faut qu’ils sachent où se trouvent leurs réels intérêts », a-t-il dit.

Jamel Touir, membre de l’Assemblée Nationale Constituante, a quant à lui évoqué la question de la formation académique des journalistes, appelant à ce que les journalistes soient formés au sein des instituts réservés à cet effet, dans le souci de maitriser, selon lui, leur métier.
Chiraz Kefi


 

Commentaires 

 
+1 #1 Les Protocoles.
Ecrit par ForzaRomaalééé     12-02-2014 18:16
J'aime croire l'idée, que notre presse serait comme aucune autre, indépendante et libre, si seulement c'était vrai.
Un proverbe français très courant de nos jours dit : « Un journaliste, c'est soit un chômeur, soit une pute »
 
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