Tunisie/ Loi sur les stupéfiants : Afek appelle à supprimer la prison pour les consommateurs

Publié le Mercredi 18 Janvier 2017 à 16:36
Point de presse d'Afek Tounes sur le projet de loi 79 inhérent aux stupéfiants. Afek Tounes exprime son refus de la peine de prison pour les primo-consommateurs de stupéfiants, appelant à renforcer la dissuasion contre les dealers et réseaux de trafic de drogue, et non contre les jeunes qui en sont les victimes. Yassine Brahim désapprouve que le projet de loi réintroduise la prison pour la consommation de drogue, "une mesure illégale et inacceptable".

Le président d’Afek Tounes a fait part, ce mercredi 18 janvier lors d’un point de presse, de la souffrance des familles qui voient leurs enfants entrer en prison pour avoir fumé un joint. Il a dit l’inquiétude des mamans face au problème de la drogue dans les lycées, signalant que certaines d’entre elles sont allées jusqu’à vendre leurs parures pour sortir leurs enfants du poste de la police ou de la garde nationale, et leur éviter la prison.

Il a regretté que nombre de jeunes incarcérés pour consommation de stupéfiants, basculent dans l’extrémisme.

120 mille jeunes ont écopé une peine de prison
Depuis la parution de la loi 52, 120 mille jeunes ont été derrière les barreaux, a-t-on pour autant réduit le taux de consommation de drogue, s’est interrogé Yassine Brahim, appelant l’Etat à renforcer la dissuasion et à focaliser ses efforts sur ceux qui font parvenir la drogue aux jeunes. D’autant plus que mettre des jeunes en prison coûte à l’Etat tunisien des dizaines de milliers de dinars, a-t-il dit. 

Il a rappelé que le nouveau projet de loi sur les stupéfiants a été transféré en janvier 2016 à l’Assemblée, après avoir été adopté en conseil des ministres sous le gouvernement Essid le 30 décembre 2015, se demandant sur les raisons ayant fait que l’Assemblée mette une année pour examiner un texte aussi important pour la société. L’ancien ministre a laissé entendre que des parties cherchent à freiner le texte. "Cette loi est plus importante que toute autre étant un investissement dans les ressources humaines et dans la jeunesse tunisienne", a-t-il asséné, plaidant pour l’implication de la société civile. Afek compte réclamer lors de la réunion de la commission de législation générale demain, mercredi, que la société civile soit auditionnée pour donner son avis sur ce texte. 

Le dépendant est un malade et non un criminel
Le projet de loi 79 revoit la philosophie de la loi 52 et essaie d’en atténuer les effets néfastes, sans que l’on soit encore passé à la dépénalisation totale, a indiqué Hager Ben Cheikh Ahmed.

La députée a affirmé que le but de son parti était de supprimer la peine de prison pour les primo-consommateurs étant donné qu’il y a beaucoup d’injustices ; de nombreux jeunes ont vu leur vie détruite pour un joint, s’est-elle alarmée, signalant que la peine de prison a été réintroduite par le ministère de la Justice, alors que celle-ci (de six mois à une année), n’était prévue dans le texte initial qu’en cas de récidive.

Le texte, actuellement en discussion en commission à l’ARP, considère la personne dépendante comme une malade et non un criminel, a dit la députée d’Afek, prenant pour référence l’OMS, qui définit l’addiction comme étant "une maladie chronique à rechute".

"Les criminels sont, par contre, le dealer, le trafiquant et le réseau auquel ils appartiennent". 

Autre point positif, la prévention qui est dévolue à la famille, à l’école et au lycée, et aux établissements de santé, a-t-elle dit.

Le parti juge, néanmoins, inacceptable que le refus de prélèvement d’un échantillon biologique soit passible de prison, donc considéré comme une présomption de culpabilité, et suggère que cette analyse ne soit obligatoire que pour les personnes prises en flagrant délit.

Il rejette aussi que soit considérée comme suspecte toute personne fréquentant des lieux où des gens consomment des stupéfiants, ou côtoyant des personnes dépendantes. La suspicion entraine que le nom de la personne et ses données soient notés sur un registre spécial, a souligné la députée. 

Afek réclame que la prise en charge thérapeutique soit assurée par les établissements publics de santé, et propose le recours aux peines complémentaires, comme les travaux d’intérêt public.

La version actuelle est susceptible d’être améliorée et de faire l’objet d’amendements en plénière, a préconisé H. Ben Cheikh.
Gnet