Tunisie/ Liste noire : Le gouvernement désavoue la CTAF et estime qu’elle est dans le déni

Publié le Jeudi 15 Février 2018 à 16:31
Iyed Dahmani, ce jeudi 15 février dans un point de presse à la Kasbah. La Kasbah et la commission tunisienne des analyses financières, cette cellule de renseignements financiers siégeant à la BCT, se discréditent mutuellement, et avancent deux versions diamétralement opposées sur les circonstances ayant conduit à l’inclusion de la Tunisie dans la blackliste de la commission européenne, des pays fortement exposés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme. Accusé hier par la CTAF de ne pas avoir répondu à sa cinquantaine de correspondances, le gouvernement contre-attaque ce jeudi, désavoue la CTAF, et l’accuse d’avoir mis notre diplomatie en difficulté…  

Le ministre des Relations avec l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), et porte-parole du gouvernement, Iyed Dahmani, a fait état, ce jeudi 15 février, d’un différend entre la présidence du gouvernement, et la Commission tunisienne des Analyses financières (CTAF), une instance instituée en vertu de la loi organique du 07 août 2015 portant sur la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent, autour de la classification de la Tunisie sur la liste noire de la Commission européenne.

Réagissant aux points évoqués la veille, lors de l’audition du gouverneur de la BCT et président de la CTAF démissionnaire, Chedly Ayari, et des membres de la même commission, au sein de la commission des Finances et de la planification de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Iyed Dahmani a opposé un "démenti catégorique" aux propos selon lesquels le gouvernement avait reçu cinquante (50) correspondances qui sont restées sans réponses. "Il y a eu des correspondances auxquelles le gouvernement a interagi", a-t-il dit.     

Il a cité une correspondance envoyée par la CTAF le 02 août, dans laquelle la commission rappelle les précédents rapports du GAFI (Groupe d’action financière)  et les engagements pris par la Tunisie quant aux mesures à mettre en œuvre, dont la publication d’un décret gouvernemental autour du gel des fonds de personnes et organisations, un texte qui est paru dans la foulée, selon ses dires. 

Le porte-parole du gouvernement a récusé le fait que la Tunisie ait été blacklistée, en l’absence d’un engagement politique de haut niveau, estimant que cet engagement a été pris par le gouverneur de la BCT, de l’aveu même du GAFI.

Dans sa correspondance du 24 octobre, la CTAF évoque deux points : le premier appelle à la tenue d’une séance ministérielle pour adopter un plan d’action en rapport avec le GAFI, et le second porte sur l’échéance de ce plan qui s’étend à janvier 2019. 

Un conseil ministériel restreint s’est tenu le vendredi 03 novembre et a adopté ce plan d’action. "La CTAF n’a pas évoqué, lors du CMR, un éventuel classement de la Tunisie avant janvier 2019*. Or, le pays a été classé par le GAFI dans un communiqué au public paru en novembre, à l’issue de sa réunion en Argentine", a-t-il souligné. 

Le différend avec la CTAF est qu’elle affirme jusqu’aujourd’hui que la Tunisie n’a pas été classée, imputant la faute à la partie européenne, a-t-il ajouté. 

"Tous les contacts faits par la diplomatie tunisienne montrent l’inverse. La position de l’UE était claire, et fait état d’un classement de la Tunisie en Argentine", a-t-il martelé. 

Il a encore indiqué que le gouvernement avait envoyé en décembre dernier une correspondance à la CTAF pour la tenir au courant de l’intention de la commission européenne d’inclure la Tunisie sur une liste noire, "la réponse de la commission était que la Tunisie n’a pas été classée par le GAFI".

Dans le même courrier, la CTAF fait mention des déclarations du GAFI dans son rapport final, "saluant les avancées réalisées par la Tunisie pour renforcer son dispositif national de lutte contre le blanchiment d’argent au niveau législatif et opérationnel depuis l’adoption de l’évaluation mutuelle".

"La commission était dans le déni et n’a, à aucun moment, envoyé une correspondance à la présidence du gouvernement pour lui dire qu’il y a une éventualité que la Commission européenne prenne une décision contre la Tunisie. Elle persiste et signe que la faute n’est pas  la sienne mais celle de l’Union européenne qui n’a pas tenu compte de la vraie classification de la Tunisieé, a-t-il dit, accusant la commission des analyses financières "d’avoir mis en difficulté la diplomatie tunisienne", quant à persuader ses partenaires du bien-fondé de la position tunisienne.  

Le ministre a fait état de 240 actions diplomatiques menées englobant des rencontres avec la Commission européenne, avec les députés européens et aussi au niveau bilatéral, mais "la partie européenne s’interroge sur les raisons qui font que la partie tunisienne s’obstine à nier les faits, et que sa stratégie de défense soit fondée sur des données erronées".

Iyed Dahmani s’est, par ailleurs, défendu de toute hostilité envers la personne de Chedly Ayari, ou toute propension à le salir, faisant état de la volonté d’opérer un changement à la tête de la BCT, conformément aux dispositions de la constitution. 

Gnet 

*Le Secrétaire Général de la CTAF, Lotfi Hachicha, avait déclaré récemment que les différents points du plan d’action seront parachevés à la fin du 1er semestre de l’année en cours, soit juin 2018.