Tunisie/ Liberté de la presse : Une réalité ternie par les déceptions de la profession

Publié le Jeudi 03 Mai 2018 à 17:18
La presse écrite de plus en plus boudée. La liberté de la presse est une réalité aujourd’hui en Tunisie, que personne ne peut nier. Dès le lendemain de la révolution, les langues se sont déliées, la parole s’est libérée, et les plumes se sont affranchies, sonnant la fin d’une époque où la presse était sous les ordres du pouvoir politique, qui en faisait un outil de propagande par excellence.

Principal acquis de la révolution, la liberté d’expression, d’opinion et de la presse, est le reflet du climat démocratique et du pluralisme politique, qui prévaut dans le pays au cours de ces sept ans, avec des hauts et des bas, donnant à voir un débat tantôt responsable, contradictoire et pluriel, tantôt cacophonique, et dominé par les tiraillements et les querelles politiciennes.  

Face au bouillonnement politique, idéologique et sociétal, les médias tunisiens ont tenté, tant bien que mal, à décrire la société comme elle est, à accompagner ce processus, et à traduire les différentes tendances qui s’expriment, usant sans modération de leur liberté retrouvée, en quête de vérité.

Dans leur effort d’adaptation au nouveau contexte, les médias ont beaucoup été critiqués de parti-pris, de manque d’indépendance et d’objectivité, d’idéologisation du débat, d’une certaine orientation politique en vue d’influencer l’opinion...S’il s’avère être, par moments, fondées, ces critiques procèdent, souvent, d’un faux-procès fait aux médias, comme c’est le cas dans les pays où la presse est libre, et où le pouvoir politique cherche à l’inféoder et à la mettre au pas.

Toutes les démocraties connaissent des tensions entre pouvoir politique et médias. C’est là une situation la plus proche de la normalité, face à deux univers dont les intérêts sont antinomiques :

Le politique cherche à apparaître dans une image positive, sous son meilleur jour, pour qu’il puisse se vendre à l’opinion, être élu ou réélu, alors que la presse s’intéresse à ses erreurs, fautes, faux pas, son éventuel double-discours, ses éventuelles contre-vérités, et ses promesses non-tenues. Le journaliste n’a pas pour rôle de caresser le politique dans le sens du poil, ou de lui cirer les bottes, et le politique, même s’il est obligé de feindre la gentillesse et la courtoisie envers le journaliste, nourrit à son égard méfiance, et ne désespère jamais de pouvoir le dominer et l’orienter dans la direction qui lui convient le mieux et sert ses intérêts.

Le journaliste pourrait néanmoins se faire respecter, en faisant montre d’honnêteté intellectuelle, et d’indépendance, en se gardant d’être un instrument entre les mains d’un homme, une femme ou un parti politique dont il userait pour s’attaquer ou discréditer ses adversaires, en restant au dessus de la mêlée du jeu politicien, et en tentant de l’analyser et de le commenter, avec recul et impartialité.

Il devra, pour se faire, travailler dans des conditions décentes, loin de la précarité, dans laquelle se trouve un grand nombre de journalistes, notamment les jeunes, qui vivant des conditions socio-économiques difficiles, ne peuvent pas s’acquitter pleinement de leur mission.

Les menaces qui pèsent aujourd’hui sur les journalistes sont-elles aussi d’ordre législatif, et
émanent de textes de loi, un peu liberticides sur les bords. Le président du SNJT a affirmé ce jeudi, à l’occasion du 03 Mai, que "le climat général dans le pays depuis l’arrivée du pouvoir actuel en 2014, n’encourage pas la réforme du secteur, à travers des projets de loi asphyxiant la liberté de la presse, et des textes répressifs à travers lesquels le gouvernement cherche à revenir au climat de l’avant 14 janvier". 

Mohamed Youssefi, membre du bureau exécutif du SNJT, a présenté certains chiffres contenus dans le rapport annuel sur les réalités de la liberté de la presse en Tunisie, ayant comporté 47 cas d’interdiction de travail, 46 cas de restrictions imposées aux journalistes lors de l’exercice de leur travail, 10 cas de contrôle préalable des contenus journalistiques, 34 agressions corporelles et verbales, 5 cas de détention arbitraire. Par ailleurs, 11 journalistes ont été objet de poursuites, en dehors du cadre du décret-loi 115, "une menace réelle contre la liberté de presse", a-t-il prévenu. 

La fédération tunisienne des directeurs des journaux affirme quant à elle, en ce 03 Mai, "les grands dangers menaçant la liberté de la presse dans le pays, du fait des difficultés posées sur la voie du sauvetage des entreprises de presse", ce qui prouve, selon elle, "l’hostilité du pouvoir en place envers la presse, son refus de la considérer comme un contre-pouvoir, et ses atermoiements à appliquer toute mesure de nature à en garantir la pérennité".

En dépit d’un climat de liberté d’opinion, d’expression et d’édition, les ventes de journaux ont reculé, leurs lecteurs ont diminué, ainsi que les annonceurs, déplore la FTDJ, attirant l’attention sur la baisse des abonnements des organismes publics, sous prétexte de l’austérité, et l’irrégularité en matière de distribution de la publicité publique depuis 2011.
Gnet

 

Commentaires 

 
-1 #1 RE: Tunisie/ Liberté de la presse : Une réalité ternie par les déceptions de la profession
Ecrit par Agatacriztiz     07-05-2018 18:43
Et, entres autres, par le manque patent d'institutions universitaires enseignant les techniques de la communication objective de haut niveau ou de véritable école professionnelle du journalisme.
L'autre menace provient également de l'influence de l'empreinte d'information de bas niveau primaire qui circule sur les réseaux sociaux et qui encourage les gens à entendre que ce qui leur fait plaisir en délaissant une information juste invitant à la réflexion et au débat.
 
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