Tunisie/ Législatives : les guéguerres internes autour des têtes de listes

Publié le Jeudi 21 Août 2014 à 14:00
Béji Caïd Essebsi. Les QG des partis politiques sont en pleine effervescence en prévision des prochaines échéances électorales, qui avancent à grands pas. A ce stade, on en est encore au règlement de frictions internes, sur fond d’une forte rivalité sur qui mènera les listes aux législatives dans telle circonscription électorale, ou telle autre. Les remous intra-parti sont portés à la place publique, preuve que ces entités censées être homogènes, qui sont les partis politiques, sont traversées par des dissensions, parfois fatales. Un signe de santé, diraient certains, puisque nos formations politiques à cette ère d’ébauche démocratique sont loin d’être des partis staliniens, elles sont tout au contraire des corps vivants où les diverses opinions s’expriment et où la décision du chef, n’est pas une parole sainte, et peut être contestée et rejetée. Cela s’appelle dans le jargon politique convenu, la démocratie interne, tant qu’elle est circonscrite et encadrée, pour qu’elle ne dégénère pas en lutte intestine.

L'affaire qui fait du Ramdam ces derniers jours au sein de Nida Tounes, et au-delà est la désignation de Hafedh Caïd Essebsi en tant que tête de liste de Tunis 1.  C’est qu’elle fait revenir à la mémoire ce sombre souvenir de népotisme avec lequel les Tunisiens ont cru rompre un certain 14 janvier 2011. Les mandats politiques n’ont pas vocation à être transmis de père en fils, excepté dans les régimes monarchiques. La situation est différente dans le cas d’espèce.

BCE : Confusion entre père et chef de parti
Faouzi Elloumi, membre dirigeant de Nida Tounes, a déclaré ouvertement sur Hannibal que c’est Béji Caïd Essebsi qui "a voulu désigner son fils à Tunis 1", signalant que "sa désignation pose problème et ne fait pas consensus au sein du parti". Et l’homme d’affaires d’ajouter que "le parti est démocratique en tout, sauf sur ce point". Ce n’est pas la première fois que la présence de Hafedh Caïd Essebsi suscite des remous au sein cette formation, présentée dans les sondages comme étant au coude-à-coude avec Ennahdha aux prochaines élections. C’était le cas en mai dernier, lorsque Caïd Essebsi Junior a été nommé à la tête du département chargé du suivi des aspects administratifs et organisationnels des structures régionales du mouvement. Face à la levée du bouclier qu'une telle nomination avait provoquée, BCE s'est exprimé en ces termes : "Mon fils a 52 ans, il est compétent, et n’a aucun pouvoir au sein du parti".

Mais autant le fils est un néophyte en politique, un intrus, diraient les mauvaises langues, autant le père est rompu à la politique et à ses arcanes, mais politique et filiation n'ont rien à voir l'une avec l'autre. Sauf que Nida Tounes tient en grande partie sa popularité et son ascension à son président, Béji Caïd Essebsi. L’homme a réussi à bâtir en un temps record un mouvement voué à rééquilibrer un paysage politique bancal, s’appuyant sur de nombreux atouts et rassemblant de nombreuses familles politiques : rcédeistes, destourniens, la gauche...etc. Béji Caïd Essebsi a une autorité morale incontestée au sein du mouvement. Dans son for intérieur –et il ne le cache pas dans ses déclarations publiques- , BCE serait certainement fier de sa réalisation, mais son avenir politique étant derrière lui, comme il l’avoue lui-même, il percevrait la confirmation de son fils au sein du parti, comme une manière d’assurer la postérité, et de perpétuer son emprise sur un parti qui lui doit tout.

Ce disciple affiché de Bourguiba n’est aucunement naïf, pour ne pas mesurer les conséquences que la désignation de son fils aura sur sa propre image, et celle de son parti. Mais dans cette affaire, c’est sa position de père qui a pris le dessus sur son statut de président du parti, chose qui ne devrait pas arriver en politique, a fortiori au sein d’un parti qui se dit régi par des règles démocratiques. Un coup de poker en somme, dont l’issue est hypothétique.

Dans les autres partis, le choix des têtes de listes ne se fait non plus dans la bonne entente et l’unanimité. Certains ont même fini par claquer la porte de leurs partis pour rejoindre d’autres formations, où une place au soleil leur est garantie. A l’instar du député Rabeh Khraïfi démissionnaire d’al-Joumhouri, qui annonce aujourd’hui son ralliement au bloc de l’alliance démocratique à l’ANC, et sera la tête de liste du parti à Jendouba, position qu’il n’a pas eue avec le parti républicain.  D’autres grands partis n’ont pas encore dévoilé officiellement leurs têtes de listes, preuve que cette opération se fait au forceps.

Décidément, la politique n’est pas perçue comme elle devrait l’être, soit une lourde responsabilité au service de l’intérêt général, mais comme une voie garante d’un statut social privilégié…c’est là où réside le nœud du problème.
H.J.


 

Commentaires 

 
#3 RE: Tunisie/ Législatives : les guéguerres internes autour des têtes de listes
Ecrit par eshmoun     30-08-2014 17:19
@Montigolikely :Çà sera toutes tendances confondues- à quelques exceptions près dieu merci- la M... ou çà le sentira fortement....forcément me dira-t-on... dans un pays où , en plus , les tas d'ordures fleurissent et "agrémentent" le paysage!Un exemple d’intégration à l'environnement en quelque sorte .
 
 
+2 #2 BCE pas politique
Ecrit par Pseudo     22-08-2014 07:45
Je ne relève qu'une seule chose dans cet article et qui m'a fait sursauter : "BCE est rompu à la politique". Jamais de la vie ! Il a fait sa carrière sous Bourguiba et Ben Ali il y a longtemps et on ne faisait pas de la vraie politique.

Il vient de montrer son incapacité depuis 3 ans et demi. Que de fautes ! (sa candidature a 88 ans, sa poignée de mains avec R. Ghannouchi, son fils ...).
 
 
+4 #1 RE: Tunisie/ Législatives : les guéguerres internes autour des têtes de listes
Ecrit par Montygolikely     21-08-2014 21:33
Qu'est ce que ça va être une fois qu'ils auront (pour certains) gagné les élections..
 
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