Tunisie/ Le jeudi noir relaté à l’IVD : L’une des faces sombres du bourguibisme

Publié le Vendredi 27 Janvier 2017 à 17:12
Tout l'état-major de la centrale syndicale était arrêté et placé en détention. Hasard du calendrier, le 39ème anniversaire du 26 janvier 1978, le jeudi noir, est tombé un jeudi. Un épisode sombre du bourguisme, où le régime a basculé dans la violence, répondant à une crise socio-syndicale ayant atteint alors son point culminant, par la répression et les armes.  

L’Instance Vérité et Dignité (IVD) a consacré sa sixième audition publique, hier dans la soirée, aux événements du 26 janvier 1978, connus sous le nom du jeudi noir. Des militants de la première heure du syndicalisme tunisien, et anciens leaders de l’UGTT ont livré des témoignages bouleversants, sur la répression ayant accompagné cet épisode tragique de notre histoire contemporaine. Khereddine Salhi, Mohamed Chakroun, et Mohamed Chaâbane ont révélé leur vérité sur ces événements ayant endeuillé le mouvement syndical, et dont ils ont souffert dans leur chair, subissant les affres de l’arrestation, de la prison, et de la torture, et forcés d’abandonner des familles en grande détresse. 

Souad Gaguy, fille du défunt militant Saïd Gaguy, a narré un récit familial dramatique, après l’arrestation, l’incarcération puis la mort de son père suite aux sévices qu’il a subis dans les geôles du régime. Saïd Gaguy dont le seul tort est d’avoir dédié sa vie à la défense du bon peuple, et pratiqué le syndicalisme librement sous le despotisme, a payé chèrement son combat, s’en allant très tôt à l’âge de 48ans, laissant derrière lui, une jeune épouse, et mère de neuf enfants, sans ressources. Souad a quitté l’université alors qu’elle venait tout juste d’y accéder après avoir décroché son bac ; elle n’a pas pu devenir médecin comme en rêvait son père, "pour soigner le peuple gratuitement". Aucune de mes sœurs n’a terminé ses études, a-t-elle regretté, étranglée par les larmes. 

Les précurseurs du militantisme syndical revenaient, lors de cette soirée de mémoire, sur les facteurs ayant provoqué le 26 janvier 78, soit l’instauration de la présidence à vie par Bourguiba, le tournant libéral pris par Hédi Nouira, avec l’immixtion du FMI et de la banque mondiale dans l’économie tunisienne, la cherté de la vie, et la dégradation du pouvoir d’achat. Autant de facteurs ayant aiguisé la volonté du syndicat de Habib Achour de revendiquer son indépendance, et de se détacher du PSD, parti socialiste destourien, qui concentrait alors tous les pouvoirs, et consacrait la pensée unique. Ce qui a marqué la rupture entre le syndicat et le parti, qui faisaient jusqu’alors cause commune d'abord dans le combat contre le colonialisme, et le mouvement de lutte nationale et ensuite dans l'œuvre de construction postindépendance.

La crise politico-sociale a atteint son apogée, les remous et les troubles se sont enchaînés, et les grèves décidées par la centrale syndicale dans différentes régions du pays, réprimées par le pouvoir, ont mené à l’implosion.

Les milices du parti, le PSD était à l'époque présidé par Mohamed Sayah, s’attaquaient et saccageaient les locaux de l’UGTT dans différentes régions du pays, racontaient les témoins du 26 janvier 1978. Ce jour là, tout l’état-major de l’UGTT, alors présent au siège central, était arrêté, et placé en détention, dont son SG Habib Achour. L’immunité parlementaire dont bénéficiaient certains dirigeants syndicalistes à l’instar de Khereddine Salhi, étant en même temps députés, n’a pas empêché leur arrestation, signe que, sous Bourguiba, la loi était foulée aux pieds. S’en sont suivies prison, torture, procès iniques... Réprimé dans le sang, l’affrontement a fait de nombreux morts, au point que le cimetière Jellaz est resté fermé une semaine pour enterrer les martyrs, s’est remémoré Mohamed Chakroun, mais le bilan exact des morts n’a jamais été connu.

Après le 26 janvier 1978, cinq ministres du gouvernement Bourguiba ont démissionné dont Mohamed Ennaceur, l’actuel président de l’ARP. La vie politique, alors bouillonnante, avait connu une certaine embellie, avec le rôle joué par la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme (LTDH) créée en 1977,  et l’annonce de la création six mois après en juin 1978 du MDS (Mouvement des Démocrates Socialistes), comme le soulignait ce vendredi, Mustapha ben Jaâfar sur Express.

L’épisode du  26 janvier 1978 dont une partie de la vérité a été révélée hier, rend compte du rôle crucial joué par l’UGTT dans l’histoire de la Tunisie moderne aussi bien dans sa lutte contre la colonisation, que contre le despotisme et le monolithisme bourguibiste.

Hier, jeudi 26 janvier 2017, on était face à des patriotes dévoués et complètement acquis à la défense de la cause du peuple, sans rien attendre en retour. Les syndicalistes de l’ancienne époque dégageaient une carrure exceptionnelle, avec un mélange de modestie et de conviction, de simplicité et de force, ce qui donne tout son sens à leur combat mené au sacrifice de leur vie, pour que les valeurs de justice, de liberté et d’égalité soient hissées.
H.J.

 

Commentaires 

 
#1 La seule face sombre...
Ecrit par Léon     31-01-2017 08:27
La seule face sombre de la Tunisie est cette IVD. Une instance qui va finir par se mettre elle-même dans le rang des accusés, une fois que l'on sera arrivé aux années 2010-20xx,
Elle sera citée comme un élément essentiel ayant contribué à la colonisation économique et à la misère en Tunisie.
Cette égérie du peuple de la haine en 2011, est aujourd'hui montrée du doigt par ce même peuple.
C'est que les peuples se trompent avec des erreurs qui coûtent cher; très cher. Souvent au détriment de la souveraineté de leur pays.
Tunisiens, vous avez prouvé au monde entier, et peut-être même à vous-mêmes, que la répression des peuples auto-destructeurs de votre espèce est indispensable.
N'êtes-vous pas en train de demander aujourd'hui plus de répression envers les fanatiques et plus de répression envers les syndicalistes? Vous qui, hier, (...) appeliez le monde à vous aider à destituer Ben Ali pour sa fermeté envers ces mêmes gens.
(...)
Vous êtes la pire des aberrations en termes de société.
Vous vous énervez dès que vous êtes contrariés. (...) Bref, comme tous les gâtés. Il ne faut pas leur dire quelque chose qui les contrarie.

VIVE BEN ALI.

Léon, Min Joundi Tounis Al Awfiya,
Toujours à votre service pour vous montrer votre hypocrisie et vos haines.

VERSET 112 de la SOURATE des ABEILLES.
 
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