Tunisie/ Kasserine : Les mêmes causes produisent les mêmes effets

Publié le Mercredi 20 Janvier 2016 à 17:50
Kasserine se soulève pour la dignité. En décembre 2010, les régions intérieures se sont soulevées pour réclamer emploi, justice sociale et vie décente. En janvier 2016, retour à la case départ, la contestation regagne la Tunisie profonde, notamment Kasserine pour les mêmes motifs. La tension est montée d’un cran après le décès par électrocution de Ridha Yahiaoui, un jeune sans emploi, (après avoir grimpé un poteau en protestation du retrait de son nom de la liste d’embauche dans le secteur public).

Cinq ans après la révolution du 17 décembre – 14 janvier, que d’eau a coulé sous les ponts. La Tunisie a changé de visage, en faisant siennes les valeurs de démocratie et de liberté. Mais autant le changement politique est fulgurant, autant la situation socio-économique notamment des régions défavorisées est restée tristement immuable, avec des méthodes de gestion sclérosées -bien loin des slogans de la décentralisation et de la gouvernance locale- et des populations marginalisées, souffrant des affres du chômage, de la précarité et du dénuement. 

Les ingrédients de la colère populaire toujours là
Une Tunisie à double-vitesse, c’était le cas en décembre 2010, c’est aussi le cas aujourd’hui. Des disparités régionales criantes, c’est vrai en 2016, comme ça l’était cinq ans auparavant. Le chômage, ça empire de plus en plus, et les effectifs des jeunes qui le subissent, qu’ils soient diplômés du supérieur ou non-qualifiés, ne cessent de grossir. Les ingrédients ayant provoqué la colère populaire en 2010-2011 sont pour ainsi dire réunis, avec une accumulation des frustrations, des désillusions et des aspirations trahies.

Tel un séisme suivi de répliques, la révolution tunisienne a donné lieu au fil des cinq années écoulées à des soulèvements populaires, d’ampleur variable, survenus dans différentes régions du pays sous les gouvernements qui se sont succédé. Les revendications sont toujours les mêmes, elles portent sur le développement, l’emploi, et la justice sociale, attributs de dignité.

La réponse des pouvoirs en place était à tous les coups la même, d’abord d’ordre sécuritaire, et ensuite des réunions ministérielles et des promesses de relancer le développement dans telle ou telle région. Sauf que sur le terrain, réalisations et projets concrets font défaut ; aucune lueur d’espoir n’atteste d’un changement en perspective. 

Les gouvernements postrévolutionnaires ne sont pas parvenus à redonner de l’espoir aux populations, à leur faire croire en des lendemains meilleurs et à les impliquer, ne serait-ce que symboliquement, dans des actions de développement à même d’atténuer leur sentiment d’abandon par la patrie.
 
Ils n’ont pas réussi à leur faire prendre conscience de l’ampleur des difficultés, vielles de plusieurs décennies, tout en leur faisant assumer une partie de la responsabilité de les surmonter. Comme, ils ont échoué à les convaincre que leur situation difficile n’est pas une fatalité et à les faire sentir qu’ils sont utiles, et que leur apport est indispensable pour faire changer un vécu pénible. 

L’échec majeur est donc celui de la classe politique qui n’a pas su donner l’exemple, en s’attaquant aux vraies priorités, et attentes populaires. Ce sont les querelles politiciennes mues par les calculs étriqués, personnels et partisans, qui ont été, a contrario, mises en avant, au point de faire constater à nos compatriotes des régions intérieures que leur longue patience et leurs grands sacrifices n’auront servi qu’à renouveler la classe politique, tout en pérennisant les mêmes pratiques, les mêmes réflexes, et les mêmes inégalités.

La jeunesse pleine d’espoir et d’enthousiasme, au sortir de la révolution, est en train de céder le pas devant une jeunesse désespérée à l’horizon assombri, c’est un gâchis doublé d’un danger.
H.J.

 

Commentaires 

 
+2 #1 oui et non
Ecrit par Royaliste     20-01-2016 18:37
la réponse immédiate des gouvernements c'etait d'engager en masse dans la fonction publique , a tel point que la Tunisie doit s'endetter pour payer les salaires, certes la priorités etait aux proches de nahdha qui ont beneficiés de l'amnestie générale, mais le resultat est le meme.

pour les investissements, je vous invite chere journaliste a aller demander aux entreprises dans ces régions quels sont les problémes...parlez aux entreprises agricoles et celles de construction

bref, je pense que le tunisien veut un salaire et non un travail, il veut un salaire sans effort, sans responsabilité, c'est normal c'est un peuple d'assistés.

d'un autre coté, oui les politiques sont hors-jeu et ne font que se battre pour des postes et des priviléges
 
Ces commentaires n'engagent que leurs auteurs, la rédaction n'en est, en aucun cas, responsable du contenu.