Tunisie/ Justice transitionnelle : Vivement la réconciliation, mais !

Publié le Vendredi 12 Juin 2015 à 17:50
Entretien Béji Caïd Essebsi/ Ali ben Fetais al Marri.Tout porte à croire que la visite du procureur général qatari, chargé par l’ONU de coordonner les enquêtes sur les avoirs détournés par les dirigeants déchus dans les pays dits du printemps arabe, n’est pas fortuite. L’avocat onusien a discuté ce vendredi à Tunis avec le locataire de Carthage de justice transitionnelle et de restitution d’avoirs spoliés. A l’heure où ce sujet alimente la controverse dans le débat public, avec l’annulation du décret-loi sur la confiscation des biens par le tribunal administratif, l’appel de Béji Caïd Essebsi, réitéré hier, à la réconciliation avec les hommes d’affaires, et le discours, mardi dernier, de la présidente de l’Instance Vérité et Dignité. Sihem Ben Sedrine a fait part de difficultés rencontrées par l’IVD pour obtenir des fonds,  et accéder aux archives, afin qu’elle puisse accomplir sa mission en matière de révélation de la vérité sur les violations commises pendant six décennies.

Cet enchaînement de faits ne semble pas converger vers la même finalité, de quoi faire planer flou et ambiguïté. La Tunisie tiendrait-elle encore à la justice transitionnelle, dans l’esprit et la lettre de la loi organique la régissant, de décembre 2013, ou bien y-aurait-il une certaine inflexion. L’avocat onusien serait, selon toute vraisemblance, venu poser des questions, et s’assurer des intentions tunisiennes, quant au devenir du processus de justice transitionnelle, lui qui est en charge, entre autres, de restituer les fonds spoliés et placés à l’étranger par l’ancienne famille régnante, à l’instar du chèque de 28,818 millions de dollars qu’il avait remis à la Tunisie en avril 2013.

Laconique, le communiqué de la présidence reste à la surface des choses, mais évoque, par la voix du procureur général qatari, "l’approche du président de la république en matière de justice transitionnelle". C’est là le nœud de la problématique. Quid de cette approche ?  Est-elle ou non en harmonie avec la loi, votée trois ans après la révolution ?

S’il y a un principe sur lequel toutes les parties-prenantes semblent d’accord, c’est bien celui que la Justice transitionnelle doit déboucher en définitive sur la réconciliation nationale. Cela a été dit et redit à l’époque où cette loi a été posée, discutée, puis votée, le concept tunisien de justice transitionnelle ne doit être ni punitif, ni consacrer l’impunité. Il ne procède pas de la logique de règlement de comptes et de vengeance. Ses objectifs sont, en revanche, de revenir sur les violations commises à compter de 1955 jusqu’à la date de la publication de la loi, de révéler la vérité à leur sujet, en passant par les cases reddition des comptes, réparation et indemnisation des victimes et réforme des institutions, de manière à faire en sorte que ces exactions et violations ne se reproduisent plus, et à parvenir in fine, une fois les plaies cicatrisées et les fautes pardonnées, à conclure la réconciliation nationale, et à tourner la page du passé.  

Si réconciliation il y avait, elle ne devrait pas ainsi se faire en catimini, mais dans le cadre de la loi et de l’action de l’instance Vérité et Dignité et celle d’arbitrage et de réconciliation qui en sont l’émanation. Ce n’est pas si compliqué pour peu que les différentes parties fassent preuve d’esprit coopératif, et parviennent à s’entendre sur une démarche à suivre pour accélérer le cours des choses et solder ce passé pesant et paralysant pour le pays. Si des citoyens tunisiens, qu’ils soient hommes d’affaires ou autres, reconnaissent leur faute, s’en excusent, et se disent prêts à les réparer, à rembourser éventuellement les parties ayant subi un préjudice, qu’elles soient des personnes physiques, morales ou l’Etat, et si tout cela s'effectue devant la justice, à quoi bon continuer à leur chercher noise.

La mansuétude, la clémence et le pardon, bien ancrés dans notre culture et notre tempérament, sont susceptibles de faire des miracles, car ils substitueront aux rancunes et rancœurs, une dynamique positive et vertueuse. Pardon et impunité ne font pas néanmoins bon ménage. Si les uns tiraient leur épingle du jeu, sans assumer la responsabilité de leur faute, et les autres n’obtenaient pas gain de cause pour se sentir encore plus lésés et affligés, on ne serait pas sorti de l’auberge.
H.J.


 

Commentaires 

 
#1 Hors sujet?
Ecrit par Royaliste     15-06-2015 12:07
plus que 50% des tunisiens ont moins de 30 ans, donc nés après 1980... ce qui veut dire que ce qui intéresse les tunisiens c'est leur quotidien plus que le passé qu'ils ne connaissent même pas.

la lutte contre le terrorisme
la lutte contre la corruption (qui empoisonne leur vie)
la lutte contre le chômage et la pauvreté
 
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