Tunisie/ Gouvernement Essid : Les dessous d’une coalition atypique !

Publié le Lundi 02 Février 2015 à 18:11
Habib Essid a soumis ce lundi son gouvernement à Béji Caïd Essebsi. Habib Essid a levé le voile ce lundi 02 février sur une composition gouvernementale remaniée, procédant d’une plus large représentativité partisane. Afek Tounes et Ennahdha, écartés de l’équipe initiale, du vendredi 23 janvier, y font leur entrée. Ainsi constitué, le nouveau gouvernement comprend cinq partis en l’occurrence, Nida Tounes (86 sièges), l’Union patriotique libre (16 sièges), Afek Tounes (08 sièges), le mouvement Ennahdha (69 sièges), et le Front de salut national (1 siège), celui de Touhami Abdouli, nommé Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères.  

Après les réaménagements apportés, le cabinet Essid se ré-identifierait comme étant un gouvernement d’unité, de coalition, ou de consensus, dans la mesure où il est parvenu à rassembler les principales forces parlementaires. A priori, le gouvernement Essid est atypique, étant sorti des méandres de ce qui est désormais communément qualifié de l’exception tunisienne.

La coalition Essid est bancale, sa composition est dénuée de logique, étant donné qu’elle ne s’appuie pas sur le rapport des forces au sein du parlement, chose étrange, à plus forte raison que  le régime politique, de mise en Tunisie et inscrit dans constitution du 26 janvier 2014, est un régime mixte, qui s’apparente au régime parlementaire.

La logique et la rationalité, n’étant apparemment pas le propre de la politique, notamment telle qu’elle est exercée dans nos contrées, essayons de décrypter cette composition gouvernementale, les paramètres qui y sont sous-jacents, et les gains réalisés par chaque parti, honoré ce lundi de figurer dans le premier gouvernement, issu des premières législatives postérieures à la période transitoire, constitutive.  

Le parti de la majorité, Nida Tounes, celui qui a désigné Habib Essid, a hérité, tout naturellement du plus grand nombre de portefeuilles, dont un ministère de Souveraineté qui est revenu, à son Secrétaire Général, Taïeb Baccouche. Le mouvement du président est celui qui est responsable du gouvernement, et de son chef, et est tenu d’appliquer son programme et de tenir ses promesses électorales, mêmes si certains perçoivent dans l’entrée d’Ennahdha au gouvernement, une première trahison de Nida de la parole donnée à son électorat. Le parti vainqueur du scrutin ayant bâti sa campagne sur le clivage avec Ennahdha, "celui qui ne votera pas Nida, votera pour Ennahdha", avait lancé BCE alors candidat, en pleine campagne électorale des législatives, une phrase assassine, qui avait polémique à l’époque.

Mais, les promesses électorales en sont une chose, et l’exercice du pouvoir en est une autre. Ennahdha se retrouve aujourd’hui au gouvernement d’Habib Essid, mais avec une représentation à minima, disproportionnelle avec son poids au sein de l’Assemblée des représentants du peuple. La participation d’Ennahdha a profondément divisé  Nida Tounes, et le camp qui lui est hostile, conduit notamment par le futur chef de la diplomatie tunisienne s’est efforcé jusqu’à la dernière minute de lui barrer la route, mais l’entente cordiale entre Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi a eu raison des frondeurs, et le mouvement a réussi à faire partie de l’actuel cabinet de la Kasbah.

On ne peut s’empêcher de poser la question, pourquoi un aussi grand mouvement ancré dans le pays, doté  d’une large assise populaire, et qui, plus est, influente au parlement, accepte-t-il un rôle aussi marginal, et aussi insignifiant, avec un seul ministre, et trois secrétaires d’Etat ? Le mouvement semble accorder peu d’intérêt à l'importance de sa présence au gouvernement, l’essentiel est qu’il y soit présent, et de faire triompher l’idée du consensus et d’unité qu’il a toujours défendue, garant, selon sa perception, de stabilité. Le mouvement de Rached Ghannouchi cherche, de surcroît, sa sérénité et la tranquillité des siens ; sa participation directe à l’exécutif, permettra à ce que rien ne lui échappe, y compris un possible retour de manivelle.

Afek Tounes a gagné aussi son pari d’entrer au gouvernement et d’y avoir une place considérable avec trois portefeuilles ministériels importants. Le parti de Yassine Brahim qui a fait rapidement son ascension est en train de bâtir son avenir. Sa participation à la gestion du présent, ne fera que renforcer son expérience et son expertise du pouvoir, ce qui ne peut que lui servir lors des futures échéances électorales, d’autant plus que ses jeunes dirigeants ont des ambitions sans bornes, et sont déterminés à faire de leur parti une force politique de premier plan, dans les toutes prochaines années.

L’Union patriotique Libre a, lui aussi, réussi la gageure en faisant son entrée au gouvernement, avec trois portefeuilles ministériels. Ce parti crée de nulle part, semble devoir tout à la fortune de son président-fondateur. Désespérément en quête de reconnaissance, depuis son entrée tonitruant sur la scène politique  au lendemain de la révolution, le parti a fini, d’une manière ou d’une autre, par l’avoir en accédant au pouvoir, mais il est loin de faire taire les critiques, et les suspicions à son sujet.

Reste le front de salut national, le FSN créé en 2013 dans la foulée du putsch en Egypte. Disloqué au passage, au fur et à mesure que le dialogue et le consensus avaient pris le pas sur la confrontation, le FSN a été récupéré par Touhami Abdouli. Une démarche payante qui lui vaut un secrétariat d’Etat, au même ministère, celui des AE, qu’il avait quitté contraint lors d’un remaniement ministériel.

Le gouvernement de ce lundi 02 février fait des contents et des mécontents tant au sein des partis, qu’à l’extérieur. Certains y voient des compromis, d’autre des compromissions, mais quoiqu’il en soit, il parviendra, à coup sûr, à décrocher la confiance du parlement, le mercredi 04 février, à une majorité confortable. Est-ce, pour autant, un gage de pérennité ?
H.J.


 

Commentaires 

 
-2 #1 Consensus ?
Ecrit par A4     03-02-2015 18:38
Quel consensus ?
"Ils" cherchent tout simplement à couvrir leurs crimes. Oui, CRIMES.
"Ils" auraient accepté même un poste de chaouch et trois postes de gardiens ...
Et qui a tué Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi ?
Qui a commandité ces crimes ?
Qui a armé les assassins ?
Qui a couvert leur fuite ?
Qui les a payé ?
Qui les protège maintenant ?
 
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