Tunisie/ Gouvernance postélectorale : Les prémisses de la crise déjà là

Publié le Mardi 14 Octobre 2014 à 17:06
Pour un pacte de stabilité de la Tunisie à l'issue des élections. L’impératif pour le consensus et l’unité nationale, au lendemain des toutes prochaines échéances électorales, revient tel un leitmotiv dans le discours de plusieurs partis politiques agissants. La conception des uns et des autres quant à la composition du futur gouvernement, laisse apparaître néanmoins des divergences de fond, signe que la cohésion espérée n’est pas acquise d’avance.

Le constat fait quasiment l’unanimité, la Tunisie traverse une conjoncture difficile, et les prochaines années s’annoncent rudes, avec notamment une économie qui va à vau-l’eau et un danger terroriste toujours présent. Point de salut face à l’ampleur des difficultés, que l’unité, et la concorde nationale. La classe politique est amenée à mettre de côté ses dissensions et ses clivages, à appréhender la prochaine période avec un esprit de concession et de conciliation, et à l’affronter en rangs resserrés. Sauf qu’à observer cette campagne électorale qui s’égrène au fil des jours, on n’a pas vraiment l’impression que les formations politiques sont disposées à ouvrir une page blanche en matière de gestion des affaires du pays, et à oublier les tiraillements et les querelles politiciennes qui ont fait que le processus transitoire soit aussi long et complexe.

L’autre constat est-il aussi la platitude de cette campagne. Les programmes des partis politiques manquent, en majorité, d’originalité et d’approche quantifiable et pragmatique. Ils se limitent pour la plupart à des promesses vagues non assorties d’échéancier précis, de procédés à suivre, de modes de financement, etc. On parle pêle-mêle d’améliorer le pouvoir d’achat, d’éradiquer la pauvreté, de réaliser la justice sociale, de réduire les disparités régionales, de lutter contre la pollution et de nettoyer les villes tunisiennes des ordures ménagères qui les jonchent, de baisser les déficits, de redresser les finances publiques, d’améliorer les revenus par tête d’habitant, d’impulser les investissements, d’augmenter le taux de croissance, etc. Tout cela est bien beau, mais comment va-t-on procéder pour y parvenir, avec quel argent, et selon quel calendrier, c’est là où plusieurs programmes électoraux sont littéralement défaillants.

La défaillance ne tient pas tant à un manque d’intelligence et de talents des partis, à fortiori qu’ils s’appuient sur le savoir faire des experts pour tracer leurs orientations et stratégies, qu’à la difficulté de la conjoncture et au manque de ressources qui en réduisent grandement la marge de manœuvre et leur imposent les mêmes méthodes ou presque.

Aucun parti politique ne détient donc la pierre philosophale, tous seront contraints d’engager les mêmes réformes pour redresser le pays, et insuffler un nouveau souffle à son économie. Le tout est que ces actions fassent l'objet d'une adhésion nationale, tant politique que populaire, pour qu’elles puissent être mises en œuvre, avec le moins d’entraves possibles.

Maintenant où l’on parle de la nécessité de faire montre de respect des règles légales et d’éthique lors de la campagne électorale, qui n’est pas, hélas, à l’abri des comportements anti-démocratiques répressibles et où l’on évoque la signature d'une charte électorale, on devrait penser  à la signature d’un pacte de stabilité de la Tunisie, celui où tous les partis s’engagent à préserver l’unité nationale, vaille que vaille, et à pousser vers la formation d’un gouvernement de consensus ou d'union à même de mette en route un programme national pour sortir le pays de l’ornière, et ce quels que soient les résultats des élections.

Le prochain scrutin va dessiner les nouveaux rapports de force politique dans le pays, que personne n’est en mesure de prédire à l’heure qu’il, tellement le paysage politique a été profondément métamorphosé au cours de ces trois dernières années. Les discours d’aujourd’hui seront forcément amenés à changer demain, à l’aune des poids électoraux dégagés des urnes. Les attitudes des différentes forces restent à découvrir, et suscitent toutes les appréhensions, d’autant plus que certains persistent à vouloir entretenir la crise et la polarisation idéologique.

Il y a aussi le risque d’émiettement qui pèse sur le prochain parlement, au regard de la multitude des listes candidates aux législatives. Comment la future assemblée sera-t-elle forte et dégagera-t-elle un gouvernement solide, dans un scénario d’effritement ? Trop de risques et trop d’impondérables. L’espoir placé dans les futures élections à mener le navire tunisien à bon port, n’a d’égal que la crainte qu’elles nous plongent dans une nouvelle crise dont l’issue reste inconnue.
H.J.