Tunisie/ Exclusivité à Nesma : La présidence accusée de violations

Publié le Lundi 09 Novembre 2015 à 17:05
Béji Caïd Essebsi. La décision de la présidence de république d’accorder le droit de retransmission de la cérémonie du Nobel de la paix, en exclusivité à Nesma, chaîne attitrée de Nidaâ Tounes, a fait de l’ombre à la cérémonie en elle-même.

Condamnée par les journalistes et leur syndicat, cette décision représente un grave précédent dans la mesure où elle privilégie une chaîne privée, par rapport au service public, qui devrait avoir la primeur en matière de retransmission de pareils événements à portée nationale, ne serait-ce que par égard  aux contribuables qui paient la redevance TV.  Après le SNJT, c’est la HAICA qui hausse le ton et dénonce "une violation des principes de transparence et de concurrence loyale".

La Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle indique ce lundi dans un long communiqué avoir reçu un courrier de l’établissement de la télévision tunisienne, selon lequel elle a choisi de ne pas assurer la retransmission en direct de la cérémonie du Nobel de la paix, étant donné que la retransmission a été accordée en exclusivité à la chaîne Nesma. Les autres chaînes publiques et privées se sont vues octroyer un signal à travers une fréquence fournie par l’office national de télédiffusion, à la demande de Nesma, selon la HAICA.

La télévision nationale a considéré la décision de la présidence de la république comme "un précédent, étant donné que la couverture de telles manifestations est au cœur des missions du service public".

La Haute autorité considère la décision de la présidence de la république comme étant "une violation des principes de transparence, et de concurrence loyale entre les différents établissements audiovisuels".

"Le fait d’accorder le droit de diffusion à la chaîne privée Nesma, en appelant la chaine publique et les autres chaines privées à s’en référer, constitue une atteinte à la liberté de ces établissements et à l’indépendance de leur ligne éditoriale", souligne l’instance de régulation, affirmant qu’il n’est pas permis d’exclure les médias publics de jouer leur rôle.

La HAICA met en garde contre "la gravité de l’interférence entre l’action politique et l’action médiatique". Elle rappelle avoir évoqué à plus d’une occasion "les soupçons relatifs à l’appartenance du propriétaire de la chaîne à Nidaâ Tounes, ce qui lui a assuré des privilèges particuliers, ayant constitué une violation des principes de compétition loyale, et des règles d’impartialité et de pratique démocratique saine". 

Etant donné que "ces soupçons se sont accumulés, et sont devenus une réalité reconnue par le propriétaire de la chaîne en personne, cette situation requiert de prendre les mesures nécessaires dans les plus brefs délais", assène-t-elle. 

La HAICA affirme que le fait de ne pas autoriser les journalistes à accomplir leur rôle en matière de couverture et de retransmission en toute indépendance, constitue "un indice grave pouvant conduire à attenter à la liberté et à l’indépendance du travail journalistique".

Elle appelle tous les pouvoirs à respecter les textes juridiques et réglementaires organisant le paysage médiatique audiovisuel, comme à respecter la liberté et l’indépendance du service médiatique public, associatif et privé.

Le bureau exécutif du SNJT avait auparavant annoncé dans un communiqué le boycott de la cérémonie du Nobel de la paix organisée à Carthage et a dit examiner l’éventualité de déposer plainte contre le président de la république, "pour abus de pouvoirs et soupçon de conflit d’intérêts".

La présidence, elle, a reconnu avoir utilisé les moyens techniques et logistiques de la chaîne Nesma en matière de retransmission de cette cérémonie, ne considérant pas cela comme une exclusivité accordée à la chaîne.
Gnet