Tunisie/ Essid au siège d’Ennahdha : L’Etat au service des partis !

Publié le Lundi 10 Août 2015 à 13:52
Essid se rend à Ennahdha pour demander la bénédiction du Cheikh. Le chef du gouvernement, Habib Essid, a fait une entorse aux règles d’usage, et s’est déplacé personnellement, au siège d’Ennahdha, vendredi, dernier, pour y tenir une réunion de concertation avec le numéro un du mouvement Rached Ghannouchi, et nombre de ses dirigeants. D’ordinaire, Essid reçoit les dirigeants des partis de la coalition, séparément ou ensemble, au palais de la Kasbah ; c’est là où se déroulent les têtes-a-têtes et les séances de concertations et de dialogue, sur la situation générale dans le pays et les affaires nationales.

Dans le cas d'espèce, l’inversement de l’ordre établi n’est pas fortuit, il a des raisons et des significations. Habib Essid, homme fort de l’exécutif selon la constitution, supplanté par Béji Caïd Essebsi dans les faits, est le chef du gouvernement de Nida Tounes.

L’homme a été en effet choisi au lendemain des élections par le parti de la majorité, pour former un gouvernement. Au nom du consensus, gage de stabilité et de durabilité, Essid conseillé et guidé par le locataire de Carthage, a élargi la base de son cabinet, en y ralliant quatre partis (Nidaa, Ennahdha, Afek et l’Union patriotique libre (UPL), avec une représentativité plutôt arbitraire. C’est ainsi qu’Ennahdha, deuxième force parlementaire, s’y est retrouvé représenté par un seul ministre.

Dans cet alliage dont seuls ceux qui le composent connaissent le secret, le gouvernement a fonctionné depuis son investiture cahin-caha, et  a eu du mal  à briller par sa prestation, et sa prestance. Bien au contraire, il semble souvent dépassé par l’immensité des défis, impuissant et incapable d'apporter les réponses nécessaires et attendues par tous.

Face à cet état de fait, des bruits sur un imminent remaniement se murmurent, dans un ordre de grandeur qui reste à définir. Le chef du gouvernement s’est retrouvé lui-même fragilisé, sur fond des nominations qu’il a effectuées, notamment des gouverneurs, qui n’ont pas apporté satisfaction aux partis de la coalition, y compris aux mouvements Nida et Ennahdha. Ce dernier l’a fait savoir, et réclamé ouvertement lors de la dernière session de son Majless al-choura, que les critères d’impartialité et de compétence servent de base en matière de nomination.

Certains ont été même jusqu’à dire que Habib Essid risque d’être lâché par les partis de sa coalition. Ce que le ministre de la Santé, Saïd Aïdi, a qualifié d’erreur monumentale. Il a estimé inadmissible, dans une récente déclaration à Mosaïque, que le chef du gouvernement soit lâché "pour des différends sur la nomination des gouverneurs".

Bien entendu, il est inimaginable que Habib Essid puisse travailler, faire fonctionner son gouvernement et avancer sur les questions cruciales et les réformes structurelles envisagées, sans le soutien des partis de la coalition, notamment le sien, (même s’il se dit indépendant, Essid a été désigné par le parti de la majorité, et c’est à lui qu’il doit rendre des comptes en premier), et Ennahdha.

C’est là où l’on peut chercher les raisons ayant conduit le locataire de la Kasbah à déroger à la règle, et à se rendre de lui-même à Montplaisir. C’était en effet pour faire dissiper la brouille, et de s’assurer de la bénédiction du cheikh, et de son soutien, sans lesquels tout pourrait basculer du jour au lendemain.

Les points soulevés lors de la réunion relèvent du classique communément admis : relance économique, lutte contre le terrorisme et instauration de la paix civile, avec bien sûr les déclinaisons pour chaque thème.

Reste à se demander si ce précédent créé avec la visite au siège d’Ennahdha, allait se transformer en tradition, avec un Habib Essid qui prendrait son bâton de pèlerin pour faire une tournée chez les formations politiques de la coalition, en vue de dissiper les éventuels malentendus, défendre sa politique et son approche, et obtenir leur soutien aux projets futurs de la coalition, susceptibles de connaître une certaine accélération à la rentrée.

Que ne fera-t-on au nom de la concertation et du consensus ? Il y a, quand-même un certain malaise à observer pareil procédé, et à voir un chef du gouvernement, avec tout ce qu’il représente comme symbole et comme incarnation du prestige de l’Etat, débarquer chez un parti.

C’est comme si l’Etat se met au service des partis, sollicite leur secours, et se plie à leurs desiderata, alors que c’est le contraire qui devrait se produire. Depuis la révolution, l’Etat, son prestige et son autorité en ont beaucoup pâti, tâchons de ne pas en rajouter une couche.
H.J.


 

Commentaires 

 
#1 RE: Tunisie/ Essid au siège d’Ennahdha : L’Etat au service des partis !
Ecrit par Agatacritiz     11-08-2015 12:25
Si ça va tourner un jour au "vinaigre", et, entre nous, on en est pas loin, cela viendra certainement de cette lamentable obsession de nos gouvernants de vouloir s'assurer des postes de pouvoir "à durée indéterminée"...
Si cette fois-ci les marchandages pour se partager le pouvoir se fourvoient insidieusement dans ce que l'on nous présente comme démocratie, les gouvernants actuels devraient réfléchir aux conséquences de vouloir se maintenir au pouvoir "coûte que coûte" au détriment de la résolution des vrais problèmes du pays et voir ce qui est arrivé ou ce qui arrive à ceux qui se cramponne pieds et mains à ce pouvoir...
 
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