Tunisie/ ESS : Bientôt une loi, avec les mécanismes de financement en moins

Publié le Vendredi 19 Octobre 2018 à 13:29
«Le projet de loi sur l’Economie Sociale et Solidaire est en cours de finalisation», c’est ce qu’a annoncé Faouzi Abderrahmane, ministre de l’Emploi, à l’ouverture d’un colloque international dédié à l’ESS.

Le colloque international sur l’économie sociale et solidaire a commencé jeudi 18 octobre à Tunis. Organisé par l’Association « Entreprendre au Maghreb », en collaboration avec le ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi, cet événement rassemble de nombreux intervenants du secteur de l’ESS venant de France et du Luxembourg, pays pionniers dans ce domaine.

Colloque sur l’économie sociale et solidaire

L’économie sociale et solidaire fait partie intégrante du plan quinquennal 2016/2020 du gouvernement. Même si ce secteur pèse moins de 1% dans le PIB de la Tunisie, il pourrait constituer un levier pour la création d’emplois durables, notamment pour les jeunes et les femmes des zones rurales ou défavorisées. Le ministère de l’Emploi s’est fixé un objectif, celui d’atteindre les 5%, ce qui permettrait à l’ESS de devenir le troisième pilier économique du pays, après les secteurs publics et privés.

Un projet de loi est en cours d’élaboration au sein du ministère de l’emploi et de la formation professionnelle. Depuis deux ans, le gouvernement en collaboration avec tous les acteurs sociaux, réfléchit à encadrer ce secteur prometteur. Pourtant, il reste une zone d’ombre, non négligeable, celle du financement de cette économie. Faouzi Abderrahmane, ministre de l’Emploi s’est confié à Gnet.

«La loi est actuellement en cours de finalisation au niveau de la présidence du gouvernement pour définir les derniers arbitrages qui concernent essentiellement le financement et les incitations financières et fiscale de cette économie. Mon objectif serait de la faire passer devant le conseil des ministres dans deux semaines.

Il faut créer un écosystème de financement de l’ESS. Il tarde à arriver car il y a des projets sur lesquels travaille le ministère des Finances qui pourrait toucher le secteur de l’ESS. De plus, au niveau de l’architecture des textes de lois, le gouvernement a décidé de mettre toutes les incitations financières dans le code d’investissement».

Ainsi, la loi pourrait être votée sans que les mécanismes de financement ne soient définis. C’est donc la pérennité et l’avenir de celle-ci qui est remise en cause.

L’ESS est au cœur de la réforme agricole et pourrait représenter un pilier important pour le développement régional, a déclaré le ministre de l’Agriculture, Samir Taieb, également présent à ce colloque. Une unité pour l’économie sociale et solidaire a d’ailleurs été créée au sein de ce ministère.

De gauche à droite Samir Taieb, Faouzi Abderrahmane et Abdelmajid Zar.

Même si l’agriculture est une des plus importantes richesses du pays, les petits exploitants agricoles, eux, sont menacés. La création de coopératives ou de mutuelles, via L’ESS, pourrait alors être une solution pour les sauver.

Autre invité de ce colloque, l’UTAP (Union Tunisienne de l’Agriculture et de la Pêche) représentée par Abdelmajid Zar, son président. Pour lui, cette loi est un écran de fumée. Il répond aux questions de Gnet.

«En Tunisie nous n’avons pas encore la culture de l’Economie Sociale et Solidaire. Depuis la fin des années 70, début des années 80, nous avons déjà essayé de créer des coopératives, des sociétés mutuelles, mais nous n’avons pas réussi à les pérenniser parce qu’il n’y pas de cadre juridique et surtout de sensibilisation à ce sujet. Et s’il n’y pas de sensibilisation, il n’y a pas de volonté. Je pense qu’il y a également une réticence au développement de l’ESS aussi bien venant du secteur privé que du secteur public parce qu’il y a une peur de la concurrence.

L’Etat a mis deux ans pour sortir une loi dans laquelle il n’est pas question du financement, qui est le principal pilier à sa mise en application. Pour moi c’est une manière de bloquer l’avancement de la loi ».

L’ESS est un secteur à forte employabilité. D’après le ministre de l’emploi, il pourrait générer de 20.000 à 30.000 emplois d’ici les trois prochaines années.

Par ailleurs, Faouzi Abderrahmane a annoncé que les treize centres de formation de la femme rurale seraient transformés en centres de formation pour l’économie sociale et solidaire.

L’objectif étant d’encadrer au mieux, ce que l’on pourrait appeler à l’avenir les «start-up sociales».
Wissal Ayadi