Tunisie/ Erreurs de la transition : Saura-t-on au moins tirer les leçons ?

Publié le Vendredi 27 Décembre 2013 à 18:10
Aura-t-on enfin notre constitution le 14 janvier prochain. Le 14 Janvier 2014, la date aux deux quatorze tient en haleine les Tunisiens. Les promesses seront-elles tenues cette fois-ci, pour en finir avec la deuxième période transitoire constitutive et tourner la page. La Tunisie sera-t-elle enfin dotée, dans moins de trois semaines, d’une nouvelle constitution, d’une instance électorale, et d’un nouveau gouvernement. S’il en était ainsi, notre pays aura franchi un pas considérable sur la voie de la transition démocratique, même si le chemin reste semé d’embûches.

Les trois dernières années auront-été effervescentes et éprouvantes. Les malheurs ont pris le pas sur les heurs. Autant l’espérance était grande pour une Tunisie meilleure et prospère, autant les craintes étaient vives de voir le pays basculer dans l’inconnu, l’instabilité et la violence. Les Tunisiens qui ont été traversés par des sentiments contrastés tout au long de ces 36 mois, n’arrivent pas à juger, à sa juste mesure, la portée de cette page de leur histoire. Le pessimisme et l’incertitude sont, néanmoins, dominants. Personne ne peut attester de quoi demain sera fait. Personne ne peut affirmer si la Tunisie sera vraiment l’exception, dans une région où l’histoire est en train de s’écrire dans la violence et l’effusion du sang.

Les défis qui nous guettent sont incalculables. Aux problèmes, dysfonctionnements et injustices accumulés pendant des décennies, se sont greffé des difficultés énormes, effets pervers de la période postrévolutionnaire. Plusieurs de nos concitoyens ont vu leur situation se précariser et se dégrader. Les deux principaux défis qui sont sur toutes les lèvres : crise économique et  risque terroriste ont de nombreuses ramifications, autant que de problèmes sous-jacents. Circonscrire ces écueils, ne se fera pas par un claquement de doigts, mais nécessitera une longue bataille devant être menée sur plusieurs fronts. Elle requerra des années de labeur et de sérieux. Une perception qui nous a fait, hélas, défaut dans notre gestion collective de la période postrévolutionnaire.

Depuis trois ans, les problèmes se sont enchaînés pour atteindre un seuil tragique, avec les assassinats politiques, les attaques contre les forces de sécurité intérieure et l’armée, les événements de l’ambassade des Etats-Unis…avec toutes leurs retombées négatives sur la situation politique et économique du pays et son image à l’étranger. Pendant trois ans, les Tunisiens se sont enlisés dans une polarisation idéologique et des clivages politiques aigus, qui ont failli, par moment, attiser les flammes de la guerre civile. Pendant trois ans, les Tunisiens déprimés, démotivés et traumatisés par tant d’épreuves, ont en majorité quasiment arrêté de travailler. A la démesure revendicative équivalait une parcimonie productive. Pour l’Etat, les dépenses ont largement dépassé les recettes, ses équilibres généraux commencent à être sérieusement touchés. Même si les responsables se gardent de tout alarmisme, la situation économique est, de l’aveu des experts, périlleuse, et risque d’empirer davantage si rien n’est fait. A fortiori que les bailleurs de fonds ont mis leur concours financiers, sous leurs diverses formes, à la Tunisie en stand by jusqu’à ce que la crise politique soit solutionnée.

A l’heure qu’il est, un pas important a été franchi avec la désignation du futur chef du gouvernement, qui reste à consolider et à conforter. Tout d’abord les promesses données cette fois-ci par les politiques et le quartette doivent être absolument tenues pour capitaliser la lueur d’espoir née le 14 décembre dernier, et donner le coup d’envoi de la troisième étape transitoire.

Une fois aux commandes, Mehdi Jomaâ ne saura certainement pas où donner de la tête, face à la montagne des problèmes qui l’attend. Sa force se mesurera d’emblée à l’aune de son pragmatisme et de l’efficacité des premières décisions qu’il aura prises,  et leur impact direct sur la population. Le futur locataire de la Kasbah, et son cabinet censé être trié sur le volet, ne pourront néanmoins rien faire, si l’état d’esprit général demeure le même. La Tunisie a besoin aujourd’hui d’une nouvelle dynamique collective. Toutes les parties, classe politique, société civile, partenaires sociaux, et peuple, doivent tirer les enseignements de la période écoulée où la société était dominée par une tendance conflictuelle, et où les questions marginales et périphériques ont pris l'ascendant sur les questions de fond. On a dilapidé beaucoup de temps et d’énergie qui auraient pu être mieux investis, si l’on n’a pas été excessivement otage d’un égoïsme et d’une arrogance de mauvais aloi.

La classe politique a beaucoup déçu en faisant perdurer la crise jusqu’à frôler une zone rouge, où les intérêts stratégiques du pays étaient inexorablement en jeu. Elle a donné de la sorte le mauvais exemple aux Tunisiens, dont une majorité s’est réfugiée dans une attitude démissionnaire et passive, plaçant la barre très haute en termes de revendications sociales et salariales. L’on espère quand même pouvoir tirer un quelconque profit de ces erreurs, et ces approches impertinentes, en tâchant à ne plus les reproduire, en admettant que les Tunisiens sont condamnés à coexister avec leurs différences et à en faire un facteur de richesse, et non un élément de conflit et de division, et à se mettre sérieusement au travail pour injecter des forces dans les veines d’une économie exténuée et saignée à blanc.

Des temps pénibles nous attendent, sur fond d’une conjoncture mondiale rude et erratique. Le tout est d’écourter autant que faire se peut cette période de vaches maigres pour préparer des lendemains meilleurs. Cela demandera beaucoup de travail, d’humilité et de désintéressement. Des vertus rares par les temps qui courent.
H.J.

 

Commentaires 

 
+1 #2 Obligés d'aller à la vitesse des
Ecrit par A4     29-12-2013 13:47
LES CANARDS
Ecrit par A4 - Tunis - Le 30 Septembre 2013

Quand soudain tourne le vent
Les canards sauvages s’envolent
Volent en vé le chef devant
En priant le dieu Eole
D’être avec les survivants
Après cette course folle
Contre marée, contre vent
Contre mer et ses atolls
Ils ne peuvent même en bavant
L’œil rivé sur la boussole
Que trainer le fainéant
Dont les ailes sont un peu molles
Qui plane péniblement
En pitoyable guignol

Quand soudain c’est la tempête
Nuages bas, sans lumière
Sans vol plané des mouettes
Où tous les chants doivent se taire
Quand se cachent même les roussettes
En remontant l’estuaire
Tous les vers et anguillettes
Filent à l’intérieur des terres
Quand cette foule inquiète
Fuit le déluge, sa galère
Elle se bloque à la goulette
Face aux gros maquereaux qui errent
Ne pensant qu’à faire la fête
Dans le lit de la rivière

Quand sonne l’heure du voyage
Et qu’il faut tout emporter
Faire très vite tous ses bagages
Prendre ses antiquités
Préparer un attelage
De quatre bêtes bien montées
Avec rênes et cordages
Pour grande vélocité
N’oubliez pas cet adage
Qui dit en toute clarté
On a beau crier de rage
Frapper fort et fouetter
C’est la bête sans courage
Qui impose ses ratés

Quand soudain sans crier gare
Nous vint la révolution
On s’est dit en vieux ringard
Elle est là la solution
Oubliant que c’est un art
Qui demande formation
Et que jamais les ignares
Ne pratiquent l’évolution
Regardons dans le miroir
Perdons vite nos illusions
Ce n’est pas avec ces tares
Qu’on franchit le Rubicon
En pataugeant dans le noir
A la vitesse des plus cons
 
 
#1 j'ai mal lu!
Ecrit par Tahya Tounes     28-12-2013 10:56
J'ai cru rêver en lisant le titre! J'ai lu :"Tunisie/ Erreurs de la trahison : Saura-t-on au moins tirer les leçons?".
En fait, c'était "transition" et non pas "trahison".
Dommage! cela aurait un article intéressant pour une fois!
 
Ces commentaires n'engagent que leurs auteurs, la rédaction n'en est, en aucun cas, responsable du contenu.