Tunisie/ Ennahdha et Nidaa : Deux congrès et plusieurs enjeux !

Publié le Lundi 03 Août 2015 à 14:06
Hasard du calendrier, ou exigences d’une compétition politique larvée, les deux principales formations politiques, alliées au sein de la coalition gouvernementale, se sont prononcées le week-end passé sur la tenue de leur congrès respectifs. Un rendez-vous décisif pour chacune des deux, à travers lequel, Nida et Ennahdha seront amenés à arrêter une ligne politique, à clarifier leur ancrage idéologique, et à définir leur identité, sur la base de quoi, ils mèneront la course aux municipales de 2016, unies ou désunies, au gré de l’évolution des circonstances.

Nidaa Tounes a annoncé hier, dimanche 02 août, la tenue de son congrès avant la fin de 2015, et le démarrage des préparatifs à ce sujet, sous quinzaine, lors de la prochaine réunion de son bureau exécutif, qui leur sera intégralement dédié. Ce parti au parcours hors normes, est né, grandi et accédé au pouvoir, à l’issue de deux victoires électorales, sans qu’il n’ait tenu son congrès fondateur électif. La proximité des échéances politiques, les dissensions et les crises internes ayant émaillé sa courte histoire, l’ont empêché de tenir jusque-là son congrès.

Maintenant que les choses se calment, son organisation devient possible.

Le congrès permettra au parti de se normaliser, et d’apparaître sous un jour plus clair aux yeux de ses militants d’abord, et de l’opinion publique, ensuite. Il devra trancher les dissensions qui ont surgi entre ses différents clans, dégager la tendance politique et idéologique dominante, et définir le poids de chaque courant au sein du parti, notamment entre les deux principales sensibilités : les rcédeistes, destouriens d’un côté, et la gauche de l’autre.

Le congrès est amené à confirmer ou à évincer, à travers les urnes, les dirigeants actuels et ceux qui ambitionnent d’être aux premières lignes au sein des instances dirigeantes. Il dira, de surcroît, si Nida Tounes est capable de surmonter ses profondes divergences, de se maintenir en tant que seule entité politique, en préservant sa composition actuelle, constituée des fameux quatre piliers, récédeistes destouriens, indépendants, syndicalistes et gauche, ou s’il risque l’implosion et la division.

Le parti devra aussi défendre ses choix politiques auprès de ses militants, les persuader de leur bien-fondé, et leur expliquer sa position future envers les différentes questions sécuritaires et économiques, notamment sur les réformes structurelles que la Tunisie est amenée à mettre en route avant la fin de l’année.  

C’est un congrès avec de grands enjeux pour le parti de la majorité, dont le principal est qu’il soit démocratique et inclusif de tous les courants, et non limité à ceux qui se sont emparés de positions influentes au sein du mouvement sans que les militants n’aient dit leur mot.

Bureau exécutif de Nida Tounes.  Majless al-Choura d'Ennahdha.

Ennahdha envisage aussi la tenue de son dixième congrès à la fin de l’année, dont les enjeux sont tout aussi cruciaux. Ce sera son deuxième congrès public, après celui de juillet 2012, à l’heure où le mouvement islamiste dirigeait la troïka au pouvoir. Tous ses autres congrès, (deux en Tunisie et six à l’étranger), étaient clandestins.

Le mouvement islamiste organisera son futur congrès, en présence d’un paysage politique totalement métamorphosé, une réalité et un rapport de force nouveau, en comparaison à ceux ayant prévalu en 2012. Le mouvement sera amené à soumettre sa controversée expérience au pouvoir, et ses successifs choix politiques au verdict de sa large base militante. 

Le report du congrès montre que le mouvement cherche à minimiser autant que faire se peut les divergences, et les risque de dissensions, et à préserver l’esprit de cohésion, de discipline et d’organisation, dont il s’est toujours prévalu, et qui le distingue des autres formations politiques nationales.

Le mouvement exhorte sa base militante et ce qu’il appelle ses amis à approfondir les débats en prévision du prochain congrès, et dit son ambition à en faire une occasion de se régénérer et de rénover son projet.

Le congrès est censé confirmer le tournant pris par le mouvement de Rached Ghannouchi en 2013, où il a été amené à renoncer au pouvoir, au nom du consensus, et afin d’éviter un scénario à l’égyptienne en Tunisie. Ce virage s’est confirmé au lendemain des élections de 2014, où le parti a choisi de tendre la main à son ennemi d’hier et de s’allier avec Nidaa Tounes, dans cette même démarche consensuelle, histoire d’apaiser le climat, de mettre un terme aux tensions et d’en finir avec les rancœurs.

Le mouvement  devra définir sa nouvelle identité, qui sera marquée beaucoup plus par des choix pragmatiques et programmatiques, à travers des solutions aux problèmes économiques et sécuritaires qui rongent le pays, que par un ancrage idéologique et religieux. Ennahdha sera peut-être amené à séparer le prosélyte et le politique, à l’instar de ce qui est le cas au Maroc et ailleurs, d’autant plus que plusieurs parties intérieures et extérieures le pressent à le faire. Une telle restructuration requerra un changement de nom, mais pour le moment rien n’est tranché, et les choses restent à définir.
H.J.