Elections : I Watch se donne pour mission de traquer l'achat de voix

Publié le Lundi 04 Août 2014 à 13:50
Vue de la conférence IWATCHL’Organisation non gouvernementale,  I Watch, lance un programme de veille sur les élections législatives, qui consiste à relever tous les dépassements  dûs à l’argent politique. Un programme qui a été mis en place, en collaboration avec l’institut International pour les systèmes électoraux (IFES), il y a deux ans. 

« C’est le premier programme du genre en Tunisie, et le deuxième dans le monde arabe, après l’expérience du Liban en 2009 », a déclaré, ce matin, lors d’une conférence de presse, le président de l’association, Achref Aouadi.

Il a expliqué que l’action consistera en priorité, à observer les dépenses des partis politiques et si ces dépenses, coïncident avec ce qu’autorise la loi électorale. Cette dernière stipule entre autre, que le total du financement d’une campagne électorale soit l’équivalent de cinq fois le financement public accordé par l’Etat.  Cette première expérience d' I watch visera cinq circonscriptions électorales, à savoir, Gafsa, Tunis 1, Tunis 2, Sfax et Sousse.  La mission se déroulera sur 75 jours, débutera le 11 août courant et se poursuivra jusqu’au dernier jour de la campagne électorale, jour du silence électoral qui sera le 25 octobre 2014.

La mission se concentrera sur trois aspects, qui sont l’achat des voix, l’usage des biens publics, et le respect de la loi en rapport avec le financement des campagnes électorales. Quarante observateurs seront mobilisés pour les besoins de la campagne.

Achraf Aouadi évoque la question de l’achat des voix, qui selon lui, n’est pas définie avec précision dans la loi électorale. «On ne sait pas à partir de quel seuil nous pouvons considérer que les outils de promotion d’une campagne sont considérés comme étant de l’achat de voix.
Nous allons alors effectuer un sondage auprès des citoyens. Nous leurs demanderons à partir de quel valeur, un cadeau de campagne, est-il perçu comme étant un achat de voix…par ailleurs, il faut savoir que l’argent politique est très important pour le bon déroulement des élections. Par exemple, très peu de partis peuvent faire campagne à Al Borma (extrême sud de la Tunisie), ce qui favorise des partis par rapport à d’autres », a-t-il expliqué.

A l’issue des campagnes électorales, l’association se chargera de diffuser un rapport concernant son opération d’observation : « On ne sait toujours pas quels partis politiques seront observés, car le paysage politique n’est pas encore très clair, mais nous le saurons dans les jours à venir, quand nous connaitrons les noms des partis qui entreront dans la course, et sous quelle bannière », a expliqué le président de l’association.

Il a toutefois précisé que certaines pratiques ne sont pas considérées comme étant de l’abus de biens publics, comme quand un chef d’Etat en  exercice, est en même temps en campagne électorale tout en utilisant les avantages en nature dont il dispose pour sa fonction.

I Watch observera lors de cette campagne l’argent dépensé par les partis politiques auprès des médias, pour des spots publicitaires. « Mais à ce sujet nous rencontrons un souci. Certains partis préfèreront abuser des campagnes médiatiques pour gagner plus de voix dans certaines circonscriptions, tout en acceptant de payer l’amende prévue par la loi électorale en cas de dépassement. Nous allons demander à l’HAICA comment seront traités ces cas de figure », a expliqué Aouadi.

L’association prévoit également de contrôler les médias nationaux, mais ne pourra pas contrôler la publicité cachée. « C’est quand un journaliste passe sans transition d’un entretien sur la situation économique du pays, avec un invité, à des questions sur son programme électoral ….Mais nous ne disposons pas des moyens nécessaires pour contrôler tout cela lors de cette première expérience », a précisé Aouadi.

Concernant cette action, le président de I Watch a indiqué que le financement privé des campagnes électorales pourrait s’avérer dangereux pour l’avenir du pays : « Il vaut mieux que ce soit le contribuable qui finance les campagnes électorales qu’un financement privé dont on ignore la provenance. C’est important pour l’impartialité de l’Etat et son indépendance. Un parti financé par le contribuable est redevable au contribuable, celui qui est financé par des parties privées leur reste redevable une fois qu’il aura accédé au pouvoir », a-t-il mis en garde.

Mouhab Karoui, membre de l’association, a précisé à l’occasion de la révélation de cette campagne, que son but était de faire pression sur les décideurs pour prendre les dispositions nécessaires contre les partis qui enfreignent la loi. « Nous n’avons pas de réelle autorité sur les partis, mais nous espérons renforcer la confiance des électeurs en l’opération électorale, et inciter les décideurs à réagir », a-t-il dit.
Chiraz Kefi