Tunisie/ Elections : ATIDE dévoile les dépassements des partis en lice

Publié le Jeudi 23 Octobre 2014 à 17:13
ATIDE, vue de la conférence de presseAbdeljawad Harrazi, conseiller juridique de l’Association Tunisienne pour l’Intégrité et la Démocratie des Elections (ATIDE), a critiqué ce matin le rendement de l’Instance Supérieure Indépendante des Elections, qui selon lui a très peu interagi avec la société civile. Il lui fait porter la responsabilité du non dévoilement des registres des électeurs mais aussi le fait d’avoir négligé la loi régissant le recrutement des agents de l’ISIE.

«L’Instance a démarré de zéro, et a pris beaucoup de temps pour mette en place tout le dispositif, et surtout pour adopter un statut pour ses agents ce qui a découragé beaucoup de compétences pour en faire partie », a-t-il dit ce matin lors d’une conférence de presse pour dévoiler les premiers constats de l’opération d’observation menée durant la préparation des élections. L’Instance a par ailleurs reçu hier la deuxième tranche de son budget, qui est d’un montant de 40 millions de dinars. « C’est un très gros retard. Cela a un grand impact surtout sur les Instances régionales qui n’ont pas joui des moyens nécessaires pour mener à bien les préparatifs », a dénoncé Harrazi.

Ce retard dans le débloquement de fonds aurait empêché l’ISIE d’imprimer et de diffuser le manuel des élections. « ATIDE a envoyé à plusieurs reprises des courriers à l’ISIE pour différents motifs, mais celle-ci a été quasi absente à l’appel », a regretté Harrazi.

Moez Bouraoui, président de ATIDE a dévoilé pour sa part les infractions relevées par l’association tout au long de la campagne électorale. Parmi les dépassements, le démarrage de la campagne électorale avant sa date légale, mais aussi l’usage des panneaux publicitaires urbains par certains partis politiques et en dépit de l’interdiction légale.

« Puisque la loi impose un plafond pour les dépenses dans le cadre de la campagne électorale, ces partis ont choisi de commencer leur campagne bien avant son démarrage légal et dépenser de grosses sommes», a expliqué Bouraoui. Clichés à l’appui, le président de ATIDE a passé en revue des cas de publicité politique illégale, notamment l’affiche d’un parti recouvrant un panneau publicitaire à Paris.

Il attire l’attention par ailleurs sur un problème qui semble toucher à plusieurs circonscriptions : « Certains électeurs qui se sont inscrits en 2011 ou en 2014, n’ont pas retrouvé leur nom sur les registres…nous avons demandé à l’ISIE de mettre à jour ces registres, mais on nous répond qu’ils sont à jour. C’est arrivé avec les parrainages pour les présidentielles, où certaines personnes se sont retrouvées parrainant un candidat alors qu’elles ne l’ont pas fait », a-t-il indiqué.

ATIDE a également relevé des irrégularités concernant les espaces réservés aux listes électorales. Certains de ces espaces étaient inaccessibles, car recouverts de végétation ou servant de dépotoir d’ordures.

ATIDE évoque également l’arrachage des listes électorales, qui selon l’association ne visait aucun parti en particulier, mais qui a sévi dans plusieurs circonscriptions sur tout le territoire tunisien. « Nous avons guetté les arracheurs, et parfois on découvre que ce sont des enfants de moins de 16 ans…Il est impossible de trouver une solution à ces actes », a confié Moez Bouraoui.

Le non-respect de la neutralité des lieux de culte, des administrations et des établissements scolaires et universitaires, mais aussi le recours à la haine et à la violence dans les discours prononcés lors des meetings, sont autant d’infractions que l’association a constaté. Certains même ont exploité des enfants pour faire leur campagne électorale, notamment pour la distribution de tracts.

Un fait plus inquiétant selon Moez Bouraoui, celui de l’usage de fonds d’une  certaine association au profit d’un parti politique. « Un groupe d’observateurs et moi-même, avons relevé le cas d’un foyer dans un quartier défavorisé de Tunis, où une personne a proposé à la famille de lui payer des travaux pour la restauration de leur maison. Il s’avère que le chèque accordé provenait d’une association et que celle-ci incitait les gens à voter pour un parti en particulier », relaté Moez Bouraoui, qualifiant cette pratique de «mafieuse ».

La cible serait, selon le président de ATIDE, essentiellement composée de familles pauvres, entourées d’autres voisins dans la même situation, qui seraient tentés de jouir des mêmes avantages en contre partie de leur voix.

ATIDE a diffusé lors de la conférence de presse, la photo du  chèque d’un montant de 1000 dinars qu’a obtenu la famille en question, sans pour autant révéler l’identité du tireur, ni celle du tiré.

Pour couvrir l’opération électorale du 24 au 26 octobre  à l’étranger et le 26 octobre en Tunisie, ATIDE a mobilisé 3101 observateurs nationaux bénévoles formés par ses soins et accrédités par l’ISIE. Parmi eux,  408 seront répartis sur les 6 circonscriptions à l’étranger. L’association prévoit un centre d’opérations, basé à Tunis, doté de 40 membres, chargés de récolter les témoignages des observateurs et des citoyens. A l’instar du réseau Mourakiboun, ATIDE emploie également les SMS pour la collecte des informations et des résultats. ATIDE possède 26 bureaux régionaux dotés d’une salle d’opérations avec 3 à 5 observateurs, dont un coordinateur régional. Il sera en contact permanent avec le centre national des opérations pour collecter les informations émanant de l’observation du scrutin.  Les IRIEs seront contactées directement en cas de grave problème ou infraction. ATIDE sera présente sur près de 1200 centres de vote, avec au moins deux observateurs par centre.


L’association présentera son rapport préliminaire après la publication des résultats préliminaires des élections, et plus tard, son rapport final.
Chiraz Kefi